Notre analyse au 01/06/2025 (en italique les citations du rapport)
En ce mois de mai 2025, la Cour des comptes vient de publier un rapport sur la CVEC (Contribution à la Vie Étudiante et de Campus) (lire le rapport en intégralité)
Pour rappel, cette « contribution » a été instaurée en 2018 dans la loi ORE avec pour affichage politique l’amélioration de la vie étudiante. Le SNEP et SNESUP-FSU, nous avions dès sa conception, exprimé notre désaccord de fond sur le principe de cette taxe inscrite chaque année en LFI (loi de finances initiale). Nous dénoncions un outil créé pour pallier et masquer le sous-investissement public chronique et conséquent concernant la vie étudiante et de campus sur le sujet de l’accueil, de la santé, de la culture, des initiatives étudiantes, du sport et du social. En ce qui concerne le sport, cette taxe permet d’esquiver, d’invisibiliser les besoins, le financement de la formation par la pratique sportive dans le cadre d’une formation complète et équilibrée et qui est une autre mission des SUAPS. Cette taxe est fléchée que sur le sujet de l’animation et de la vie de campus. Nous pointions aussi en 2018 les divers problèmes qu’allait induire la collecte et sa répartition au sein des universités. Cette taxe et sa redistribution allaient engendrer mise en concurrence, problème de transparence et d’utilisation des fonds, travail supplémentaire de justification sur projet…
Nous rappelons que, pour nous, ce sont les droits d’inscription qui ouvrent les droits à la formation et donc à des conditions d’étude favorisant (santé, accueil, culture, loisirs, implication des étudiant·es sur leur cadre de vie, …) et non le paiement en plus d’une taxe fléchée. Les étudiant·es (non boursiers) paient ici pour améliorer leur propre vie et celle de tous.tes ! La formation de la jeunesse relève de l’avenir d’un pays et elle est une question d’intérêt général. Elle implique donc un financement public de la nation vers celle-ci.
Alors que nous apprend le rapport de la cour des comptes en lien avec nos alertes depuis l’instauration de la CVEC ?
Même si le rapport démarre par les bienfaits de cette contribution dans l’amélioration de la vie étudiante, la Cour des comptes (CDC) pointe de nombreux problème. Derrière une écriture policée, uniforme, apparemment neutre, La CDC fait des constats et écrit des recommandations qui peuvent apparaitre anodines, mais qui ne le sont pas. Nous allons y venir !
Ajoutons que ce rapport établit une sorte de moyenne qui ne dit pas que certaines universités ont essayé de « bien faire » et d’autres beaucoup moins.
De même, en préalable, la CDC écrit qu’il faudrait expliciter la notion de vie de campus et de vie étudiante dans le code de l’éducation, car cela reste flou ou reste des mots valises et sources de confusions ou de dérives. Ce sur quoi nous sommes d’accord.
Les problèmes soulevés et non exhaustifs
1ᵉʳ problème : un détournement de 14 millions vers le budget général !
Nous citons l’extrait du rapport : « La sous-évaluation du plafonnement des produits de la CVEC pendant trois années a engendré des reversements au budget général de l’Etat d’un montant total de 14 M€. Ces produits collectés, payés par les étudiants, n’ont donc pas pu être consacrés à la vie étudiante. Une meilleure estimation des produits de la taxe et de leurs plafonnements est nécessaire à l’avenir pour éviter de tels reversements. »
Sur les fonds collectés depuis sa création, la somme atteinte avoisine un milliard d’euros bruts (en six ans de collectes). En 2024, la CVEC a permis de récolter 170 millions d’euros. Mais la CDC pointe que 14 millions en particulier dans les 3 premières années n’ont pas été reversés aux établissements et que cette somme a été reversée au budget général de l’État. Ce qui, selon nous, est un détournement de principe de cette taxe fléchée payée par les étudiant·es non boursier·ères (une sorte de « hold-up » au détriment des étudiant·es). La CDC demande formellement que cela ne se répète pas.
2ème problème : les reliquats actuellement dans les établissements, dont les CROUS.
La CDC pointe la non-utilisation de l’ensemble des crédits reversés aux établissements avec plus de 100 millions de reliquat accumulés depuis l’instauration de la CVEC en 2018 (page 10). Selon la CDC, « l’absence d’utilisation n’est pas acceptable » et ces reliquats dans nombre d’établissements doivent rapidement être utilisés d’ici 2026. C’est la recommandation n°1 de la CDC pour, en particulier, les CROUS dont les reliquats sont en hausse contrairement aux universités.
3ème problème : une hausse trop importante. la CDC souligne que le montant de cette taxe a quasiment suivi l’inflation depuis 2018 (+ 14,4 %), contrairement au budget du MESR qui baisse en euros constants. La CDC recommande en n°2 qu’il faut construire une méthode d’indexation de la CVEC qui limite la hausse et la plafonne.
4ème problème : « un dispositif de collecte et de redistribution à simplifier » et « une gestion d’une grande complexité à améliorer » (CQFD).
Une simplification de gestion et une meilleure redistribution des fonds vers les établissements bénéficiaires est souhaitée, le tout en allant vers plus de transparence et de communication auprès des étudiant·es. Le rôle des CROUS avec le CNOUS à sa tête est questionné ainsi que la nécessité d’une meilleure coordination avec le MESR (DGESIP) sur ces sujets. Les CROUS/CNOUS prélèvent tous le plafond institué à 15 %, ceci pour des coûts de gestion estimés à 2 à 3 %. La CDC réclame un bilan global au CNOUS en questionnant la subvention pour charge de service public (SCSP) qu’elle reçoit sur l’ensemble de ses missions, à la suite du vote chaque année du budget du MESR, et pouvant représenter un éventuel effet d’aubaine
5ème problème : « Une transparence à renforcer » et le problème de financer des emplois pérennes.
Par ailleurs, pour les crédits utilisés, outre un manque de transparence et de réelles difficultés de mise en place, la CDC préconise de mettre au point « des indicateurs pour s’assurer du bon emploi de la taxe ».
Le rapport dénonce entre autres l’utilisation de cette taxe pour financer des emplois pérennes. Beaucoup d’emplois pour l’accueil, la culture et la santé dans les CROUS sont financés par la CVEC, mais correspondent à des besoins pérennes. Le sport arrive en 4ème sur ce sujet.
Dans les universités, là aussi, des emplois financés par la CVEC, avec loin devant les besoins en accueil et l’offre de santé, puis le sport et la culture loin derrière. Le social avec le FSDIE est relégué en dernière position en termes d’utilisation des crédits.
La CDC estime qu’il y a un manque de représentativité des étudiant·es dans les choix de financement ainsi qu’un manque de communication sur les actions offertes aux étudiant·es. Les étudiant·es et leurs associations devraient être mieux associé·es et impliqué·es dans la redistribution de la CVEC et elle prône l’arrêt de l’appellation FSDIE source de confusion.
Nous sommes d’accord avec le fait que c’est l’argent des étudiant·es non boursier·ères (63 % en 2024) et qu’ils doivent donc être pleinement associé·es sur les projets, y compris comme initiateurs, et aux répartitions de financement. Cependant nous constatons dans des universités que certaines distributions de sommes de la CVEC sont opérées par les présidences vers des associations d’étudiant·es de tous types pour « s’attacher » parfois les voix de celles-ci aux CA. La CDC n’aborde pas ce sujet, pourtant ces réalités devraient être questionnées.
D’autres problèmes sont soulevés par la CDC, tels que :
Le paiement de la taxe (113 €) par des étudiant·es inscrit·es hors université et qui ne voient aucun retour sur leur vie étudiante (VE).
Certes, la CDC écrit qu’il y a eu de réels bénéfices pour les étudiant·es en termes de pouvoir d’achat. En effet, lors de la mise en place de la CVEC, l’État a supprimé les droits de sécurité sociale (mutuelles).
Mais elle indique plus loin que l’effet pouvoir d’achat est à relativiser (p. 45) avec d’une part l’augmentation conséquente de la CVEC et d’autre part le coût de la vie du logement et de la précarité étudiante. Elle écrit que les montants collectés ont contribué à améliorer la vie VE par les CROUS et les universités, en santé, accueil, culture, sport, accompagnement social, mais sans véritable quantification. Certes, pour nombre de SUAPS, il y a eu un apport supplémentaire de financement appréciable face aux besoins non financés et mis au service de la démocratisation de la pratique des APSA (Activités Physiques Sportives et Artistiques). Cependant, page 76, la CDC estime qu’il y a certes un effet levier CVEC, mais non mesuré, et qu’il faudrait travailler à cela.
Elle pointe aussi qu’il y a eu pour certains établissements, dont les CROUS/CNOUS, des effets d’aubaines et de substitutions (vu parfois dans les budgets SUAPS – P. 77).
Nous constatons que certaines dérives pointées et lancées par des lanceur·euses d’alertes ou par notre organisation (envers la DGESIP, de Recteur·rices ou des cours des comptes régionales) se retrouvent implicitement dans ce rapport. Par exemple nous y retrouvons la question de la transparence, comme la nécessité de commissions de répartition dans les établissements ou d’un questionnement/étonnement sur le bien-fondé de l’attribution en lien avec ce que doit recouvrir la CVEC, le financement d’emplois pérennes ou la demande de fléchage vers le sport qui soit mieux identifié, …
Mais surtout le rapport dénonce explicitement un désengagement de l’État.
Citons p. 13 : « La CVEC ne peut à elle seule répondre à tous les besoins des étudiants. La prise en compte des situations et des besoins en termes économiques, alimentaires, sanitaires ou de logement relève de politiques publiques dont la dimension interministérielle est évidente et de l’engagement direct du ministère chargé de l’enseignement supérieur. » [souligné en gras par nos soins].
Citons p. 40 : « Enfin, depuis l’instauration de la CVEC, il peut être observé un transfert partiel de la responsabilité du financement de certains services (santé, soutien psychologique, aides sociales, etc.) de l’État vers les étudiants (écriture non inclusive de la CDC !), y compris en matière de financement de besoins pérennes de personnel. Cette question soulève le rôle de l’État dans le soutien direct de ces services essentiels de la vie étudiante (VE) [souligné en gras par nos soins].
Enfin, nous sommes étonné·es d’un manque d’étude qui concerne la période Covid, où il n’est pratiquement pas fait cas de l’utilisation de la CVEC dans cette période très difficile pour les étudiant·es.
Pour conclure notre analyse
Le SNEP ne peut qu’encourager à aller dans le sens des recommandations du rapport qui a soulevé beaucoup de problèmes et qui accréditent quelque part beaucoup de nos critiques émises dès 2018 et ensuite. Même si nous sommes opposé·es à toute forme d’impôt étudiant, à partir du moment où il existe, les points et recommandations soulignés par le rapport sont essentiels à mettre en œuvre.
De même, à aucun moment ce dernier souligne les difficultés pour les structures sportives du supérieur à mettre en place des projets financés par la CVEC. Les personnels enseignants et administratifs ont ainsi vu leur charge de travail significativement augmenter pour réussir à créer une offre sportive supplémentaire grâce aux sommes récoltées par la CVEC ou pour compenser le désengagement de leurs universités.
Si, dans de nombreux établissements supérieurs, cette contribution a été une réelle source supplémentaire de financement pour les activités sportives, la position du SNEP-FSU à son sujet reste ferme. Même si les étudiant·es boursier·ères (37 % en 2024) en sont exonéré·es, le désengagement de l’État sur une large partie des budgets alloués à la santé, à la culture et au sport est compensé par une contribution étudiante obligatoire aujourd’hui supérieure à 100 €. À l’heure où la précarité étudiante ne cesse d’augmenter, nous ne pouvons l’accepter. Cette contribution reste un « impôt », une taxe étudiante injuste dont le montant devrait être pris en charge par le budget de la nation comme investissement pour la formation de sa jeunesse.
Si le SNEP-FSU demande toujours la suppression de cette taxe, automatiquement elle doit être compensée par un engagement financier de l’État au moins égal à la somme injustement récoltée.
Le SNEP ne peut ainsi que rappeler la nécessité d’envisager un vrai plan de recrutement pour le supérieur et la nécessité d’investir dans de nouvelles installations sportives. Sans ces deux conditions, la CVEC servira de cache-misère et de palliatif au désengagement de la puissance publique envers sa jeunesse en formation.