Le statut : une garantie pour les agent·es et les usager·es

Interview de Gérard Aschieri, agrégé de lettres et secrétaire général de la FSU de 2001 à 2010. Membre du Conseil économique, social et environnemental. Co-auteur de La Fonction publique du XXIe siècle avec Anicet Le Pors.

Alain De Carlo : En quoi le statut de la FP est un outil indispensable pour les usager·es des SP ?

Gérard Aschiéri : Le statut est lié aux besoins et aux missions des SP. C’est un ensemble de droits et devoirs qui s’articulent avec les principes du SP : égalité de traitement, qualité, efficacité, continuité et adaptabilité de l’action publique.

 Prenons, par exemple, la garantie d’emploi, souvent considérée comme un « privilège ». Le fonctionnaire est recruté par concours, dans un corps avec des missions et une carrière.

 Si l’emploi disparait ou est déplacé, la carrière continue. La contrepartie : le fonctionnaire doit aller là où il y a des besoins.

 Même si ça ne lui plaît pas, si ça lui pose des problèmes familiaux…

 Si le statut donne des garanties aux fonctionnaires, il y en a aussi pour les usagers : l’effectivité des droits. Les droits des fonctionnaires s’articulent avec la réponse aux besoins des usagers.

 A. D. C. : Avec la LTFP, le management, le statut de la FP est attaqué. Comment l’analyses-tu ?

G. A. : Ces attaques reposent sur l’idée que la précarité, l’individualisation et la mise en concurrence sont nécessaires à l’efficacité du SP et pour cela il faut déconstruire les garanties collectives pour donner plus de poids aux hiérarchies de proximité. C’est la logique du NMP.

 C’est contre-productif car l’action publique s’inscrit dans le long terme et doit prendre en compte des facteurs divers et contradictoires. Pour les agents chargés de la mettre en œuvre, il faut de la stabilité, du travail en commun, et une forme de liberté pour exercer pleinement leur professionnalité. C’est le sens de la construction du « fonctionnaire citoyen » au service de l’intérêt général.

 Cette liberté est insupportable pour les technocrates ! Il y a une méfiance vis-à-vis de la professionnalité qui se traduit par le fait de dissocier les managers des professionnels.

 On développe des managers qui ne viennent plus des métiers.

 Ce n’est pas scandaleux en soi, mais, ne connaissant pas le métier, ces managers ne sont d’aucune aide pour les professionnel. En revanche, on leur demande de les contrôler, de les faire travailler comme le pouvoir politique souhaite qu’ils travaillent. Cela aboutit à une forme de caporalisation, qui nie partiellement la professionnalité des agents.

 C’est une politique à courte vue et un contresens dont les usagers vont payer le prix. C’est une attaque contre les fonctionnaires, mais aussi une attaque qui met en cause l’efficacité et la pérennité du SP.

 A. D. C. : Dans plusieurs pays, les SP passent à la « tronçonneuse » (États-Unis, Argentine). En France, ils sont en recul.  Comment vois-tu l’avenir ?

G. A. : Je suis d’une certaine manière optimiste.

 Tout d’abord, parce que, malgré les coupes, le nombre de fonctionnaires n’a que peu évolué en France, même s’il n’a pas augmenté suffisamment. À chaque fois qu’on nous promettait 100 000, 120 000 suppressions d’emploi, elles n’ont pas eu lieu.

 Les besoins demeurent et les usagers sont attachés aux SP.

Ensuite, le contexte appelle à répondre à des enjeux mondiaux : réchauffement climatique, perte de biodiversité, santé, éducation, gestion de biens communs (eau, énergie…). Ces besoins nécessitent des prises en charge collectives, démocratiques, dans des perspectives de long terme. Les SP ont donc de l’avenir ! Si des politiques à courte vue existent, elles vont tellement à l’encontre des besoins collectifs que nous avons la capacité de mener des batailles pour démontrer les catastrophes qu’elles produisent et les stopper.

 A. D. C. : En quoi le statut de la FP peut-être un point d’appui pour tous et toutes les salarié·es ?

G. A. : Il y a une articulation entre les droits des salariés du privé et du public. Par exemple, la LTFP arrive après les lois travail et les ordonnances Macron de 2016-2017. La logique de destruction des cadres collectifs et des garanties collectives des salariés est identique pour donner plus de pouvoir, soit au patron, soit à la hiérarchie dans la FP.

 Afin de rendre chacun citoyen au travail et sécuriser les parcours, il est important de voir ce qui peut être transposé de la FP pour les salariés du privé pour créer des droits analogues, c’est-à-dire avec une identité de rapport. Quand la CGT revendique une sécurité sociale professionnelle, c’est une manière d’y répondre.

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