Devoir de réserve

Il est souvent utile de se rappeler les trois principes qui fondent le statut des fonctionnaires : le principe d’égalité -recrutement sur les compétences et non les opinions (le concours)-, le principe d’indépendance – garantissant l’absence de pressions du pouvoir politique (la carrière)-, le principe de responsabilité.

Non le fonctionnaire n’est pas un «homme de silence, qui sert, travaille et se tait»1, un sujet au service du politique… mais bien un «citoyen de plein droit» qui peut émettre publiquement une opinion, avoir une activité syndicale « en raison de sa vocation à servir l’intérêt général et de la responsabilité qui lui incombe à ce titre »2.

C’est d’ailleurs pour cette raison, précisée par A. Le Pors (ancien ministre de la FP3, que le devoir ou l’obligation de réserve – invoqué très régulièrement ces dernières années pour intimider voire sanctionner des collègues4 – n’est mentionné nulle part dans les textes législatifs régissant la fonction publique laissant ainsi à la jurisprudence (donc au juge) le soin de réguler certaines situations particulières et rares  garantissant la neutralité du service public.

Si l’enseignant est effectivement tenu à une obligation de neutralité dans l’exercice de ses fonctions, à la discrétion professionnelle5, au devoir d’obéissance6 hiérarchique … il ne lui est en aucun cas  interdit de s’exprimer en tant que citoyen et fonctionnaire dès lors que ses propos ne sont pas injurieux, diffamatoires ou incitant à la haine.

Il nous faut donc  résister face à cet autoritarisme qui tente de mettre au pas les fonctionnaires en les amenant à servir une vision politique plutôt que le bien commun. Et si, de plus en plus, le « bon management » en appelle au « devoir d’exemplarité »7, ce n’est que pour mieux isoler et rendre dociles les personnels.

L’action publique doit, au contraire, être en permanence confrontée au débat démocratique dans lequel chaque citoyen – y compris le fonctionnaire- peut y prendre part.

Rappelons pour conclure cette formule du vice-président du Conseil d’Etat : « obéir, ce n’est pas se soumettre,  ni renoncer à penser, ni devoir se taire ».8

maxime.debocq@snepfsu.net

  1. Debré, Michel, la mort de l’Etat républicain, Paris, Gallimard, 1947 []
  2. Anicet Le Pors, « Les fonctionnaires, citoyens de plein droit », Le Monde, 31 janvier 2008 []
  3. []
  4. Affaire des « 4 de Melle »- Rectorat de Poitiers []
  5. Articles 26 et 28 de la LOI 83-634 du 13 Juillet 1983 (Statut Général) []
  6. []
  7. Article 1 de la Loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance []
  8. Faire des choix ? Les fonctionnaires dans l’Europe des dictatures, 1933-1948, La Sorbonne, jeudi 21 février 2013, allocution d’ouverture par Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État []
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