Par Coralie BÉNECH
En considérant toujours les lauréat·es des concours comme des moyens d’enseignement, la réforme de la formation présentée par le ministère ne fait pas le choix de la revalorisation du métier et ne répond pas à la crise d’attractivité.
Il y a presque 18 mois le ministère annonçait des concertations sur la formation et sur le déplacement des concours de l’enseignement à BAC +3. Après de multiples changements de ministres, des discussions avaient repris au pas de charge mais sans aucune prise en compte des revendications et des alertes de nombreuses organisations syndicales sur les dangers et sur la temporalité de la mise en place de la réforme. Un CSA ministériel s’est déroulé le 27 juin 2024 dans un contexte politique pour le moins particulier. Lors de ce CSA seules deux organisations sont restées jusqu’au vote du décret. Alors qu’un nouveau CSA MEN était prévu pour discuter à nouveau de ce texte le ministère a finalement décidé de passer outre cette instance, ignorant même l’envoi d’un courrier intersyndical (FSU, FO, CGT, SNALC, SUD Éducation). Pire, le décret actant cette réforme a été transmis au Conseil d’Etat le 8 avril et sera publié le 15 avril. Sans discussion, ni consultation en CSA ministériel, lieu d’exercice de la démocratie sociale, où peuvent pourtant s’exprimer les organisations syndicales représentatives !
Cette réforme, qui engage de profonds changements pour les étudiant·es, candidat·es aux concours et formateurs·rices doit être revue sur plusieurs points : concours, maquettes master… et ne peut en tout état de cause être appliquée à la rentrée. En plus de problèmes de fond, il subsiste bien trop de questions sans réponse.
- Un Concours affiché à BAC +3 mais en pratique un passage du concours à 2 ans et demi avec seulement 2 années de formation (L1, L2) suivie d’une année pilotée par la préparation au concours (1er semestre de L3). Pourtant, en STAPS, la formation pluridisciplinaire dispensée est souvent reconnue comme une formation exigeante et complète. Elle permet notamment aux lauréat·es du CAPEPS d’être peu démissionnaires et licencié·es. Ils et elles rentrent dans une profession où de nombreux aspects du métier ont été abordés. La place du concours peut être discutée si parallèlement les volumes de formation augmentent, ce qui est loin d’être le cas.
- Cette réforme va y compris faire perdre aux étudiant.es une partie de leur formation, puisque la deuxième année de master sera impactée par un service à mi-temps devant élèves.
Le système mis en place va, certes, permettre à des jeunes d’être rémunéré·es dès le master 1, mais à hauteur de seulement 1 400 euros après recrutement. Cela risque d’être compliqué pour se loger dans certains territoires. D’autre part, tous·tes les élèves fonctionnaires (nouveau statut en M1 après réussite au concours) devront s’engager pour 4 ans (l’année de fonctionnaire stagiaire ne comptant pas) après leur titularisation et devront rembourser une partie s’ils démissionnent avant. Le ministère va même plus loin dans le projet actuel, en contraignant à un engagement de 4 ans les lauréat·es de tous les concours qui ne passeraient même pas par la première année d’élève fonctionnaire. Nos interlocuteurs·rices au ministère prennent souvent exemple sur d’autres types de formation pour justifier cette mesure, notamment à travers leurs propres parcours dans les grandes écoles, mais ils·elles oublient toujours que les grandes écoles se basent sur un système de prérecrutement, alors que pour la réforme du concours les fonctionnaires seront déjà recruté·es !


Aujourd’hui, de nombreuses questions subsistent : les étudiant·es pourront-ils·elles poursuivre en master M2E (transformation du master MEEF) si ils·elles ont échoué au concours ? comment sera mis en place le dispositif transitoire pour les concours, pour les masters ? Comment les lauréat·es vont-ils·elles être affecté·es ?
Nous pouvons d’ores et déjà anticiper sur le développement d’un marché de prépas concours dans le privé, sur des difficultés pour les formateurs·rices à assurer les multiples formations/préparations aux concours (sans moyens supplémentaires), sur un bouchon sur le concours de L3 pour notre discipline.
Le SNEP-FSU était pour rediscuter de la formation mais pas dans ce format, et surtout continuera de revendiquer que les stagiaires ne soient pas moyens d’enseignement, et aussi que les enseignant·es bénéficient de meilleurs salaires et conditions de travail, condition sine qua non pour lutter contre la crise d’attractivité des différents concours de la Fonction publique même si l’EPS y est confrontée dans une moindre mesure.