Monsieur Philippe BAPTISTE,
Ministre chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
Monsieur le Ministre,
Une note du directeur de la DGESIP en date du 3 juin 2025 a été adressée à tous·tes les président·es d’universités pour les « inviter à organiser la 3ᵉ édition des Villages Sports lors « des » événements phares de rentrée ». Cette opération « Villages Sport » serait en référence à la feuille de route partenariale pour « le développement de la pratique physique et sportive étudiante », d’avril 2023, signée par la ministre de l’ESR, la ministre JS, FU et la conférence des grandes écoles.
Nous avions, à propos de cette feuille de route, envoyé un courrier à Mme la Ministre le 16 juin 2023 pour porter notre appréciation et surtout nos propositions – revendications pour le développement du sport à l’université et dans l’ESR, incluant l’ensemble des dimensions (formation, démocratisation, recherche et vie de l’étudiant·e). Nous vous joignons de nouveau ce courrier, car il reste malheureusement d’actualité. Nous écrivions à propos de cette feuille de route : « Autant nous pouvons partager, en partie, l’écriture de ces trois leviers, autant les moyens décrits pour ces trois axes nous paraissent largement insuffisants, voire contre-productifs. » Cette feuille de route n’améliorera pas le développement durable de la pratique sportive, car il manque le véritable levier sur lequel jouer : la création d’emplois d’enseignant·es d’EPS titulaires… et un « plan Marshall » d’installations sportives.
Aussi la note de la DGESIP sur cette opération « Village Sport » nous apparait, dans le contexte austéritaire actuel, être une poursuite d’une opération de communication pour continuer à masquer l’insuffisance, le sous-dimensionnement chronique depuis des années des SUAPS, pour pouvoir, a minima, essayer de remplir les 8 missions du décret 2018.
Il nous est conté dans cette note que cela s’inscrit « après l’élan généré par la semaine olympique et paralympique 2025… ». Cette note de la DGESIP est accompagnée par une note de « la sous-direction de la réussite de la vie étudiante » qui, elle, écrit que ces événements « Villages Sport » de rentrée sont « des événements clés pour dynamiser la vie sportive étudiante… ».
Au vu du contexte, nous ressentons avec nombre d’équipes et de collègues des SUAPS une hypocrisie et/ou un mépris face au décalage entre la nécessité partagée par tous·tes de développer la pratique sportive étudiante et le manque de moyens. Il n’y a pas eu concrètement d’héritage des JOP 2024 en moyens pour le développement du sport à l’université.
À l’heure où plus des 2/3 des universités sont en déficit budgétaire pour la rentrée 2025 et où toutes leurs composantes et services, dont les SUAPS, sont amenés à faire des économies, cette opération relève globalement d’un décalage et d’une sorte d’indécence.
De nombreux SUAPS nous remontent des gels de postes (départ à la retraite non remplacé), des non-renouvellements ou interruptions de CDD, des diminutions de dotations de fonctionnement – quand elles ne sont pas supprimées au nom de la substitution par une part CVEC – des diminutions de la masse salariale via des réductions de l’offre d’APSA et de créneaux…
Ajoutons que nous percevons à travers la politique actuelle de votre ministère des tentatives de diluer, de disloquer l’outil structurel de service public que sont les SUAPS, services communs inscrits au code de l’éducation.
Dans le cadre de l’acte 2 de l’autonomie pour les établissements expérimentaux lancé à la rentrée 2024, apparaît la possibilité de supprimer les ou des services communs. Pourquoi le proposer ?
Déjà certains grands établissements qui ont la possibilité de déroger à des réglementations nationales, restructurent les SUAPS dans de grandes directions générales des services. Cela dilue, éparpille, disloque les structures SUAPS avec leurs missions et leurs personnels. Ajoutons le rapport de l’IGESR en septembre 2024 sur la place des composantes dans l’université. Celui-ci fait en recommandation n° 2 : « Supprimer le chapitre IV de la partie réglementaire du code de l’éducation relatif aux services communs. »
Dans le contexte, la demande de France Universités en février 2025, qui propose d’inscrire la vie étudiante dans les missions des universités et fait la proposition n°4 : « Traduire les politiques de vie étudiante dans une gouvernance adaptée », inquiète fortement les SUAPS.
Les SUAPS sont un levier structurel central pour développer la pratique sportive et la formation par l’enseignement des APSA (Activités Physiques Sportives et Artistiques) pour tous·tes dans le service public de l’ESR. Ils en font preuve chaque jour malgré le peu de moyens.
Aussi, l’opération « Villages Sport » de rentrée en l’état est une communication pour masquer le vide de la politique publique et l’absence de financements pérennes pour développer la pratique sportive de tous·tes les étudiantes à l’université, en particulier via les SUAPS.
La véritable dynamisation de la vie sportive étudiante organisée par les SUAPS et les AS passe à la fois par des créations de postes d’EPS en SUAPS pour la formation et l’animation vie de campus ; il faudrait en urgence au moins 100 créations (7,5 millions – cotisations comprises), un plan Marshall sur les installations sportives et l’instauration d’UE « sport » obligatoire et facultative dans le cursus Licence (cf. notre courrier du 16/06/2025).
Par ailleurs, l’organisation d’événements de rentrée dans nombre de SUAPS est souvent faite depuis des années pour faire connaitre leurs offres et modalités de pratiques. Cette organisation nécessite du travail, de l’engagement de la part des équipes avec leurs directions.
Faire croire que cette opération « Village sport » est un « événement clé pour dynamiser la vie sportive étudiante… » est un leurre, une illusion et un mépris dans le contexte actuel.
La grande majorité des enseignant·es d’EPS dans les SUAPS avec leur direction, voire leurs présidences d’universités, n’est pas dupe du sens de cette opération qui n’attaque pas les vraies entraves, freins au développement et à la démocratisation de la pratique sportive étudiante avec sa dimension formation.
Nous vous demandons qu’aucune pression ne soit mise sur nos collègues et directions de SUAPS sur la mise en oeuvre de cette opération. Nos collègues et services savent ce qu’ils ont à faire ou à prioriser pour faire connaître et développer la pratique sportive à cette rentrée avec leurs moyens sous-dimensionnés.
Nous sommes prêts à vous rencontrer pour en débattre, apporter des propositions pour offrir d’autres perspectives pour répondre à l’objectif du développement de la pratique et de l’enseignement sportif à l’université. Objectif qui est au service de la réussite, de l’émancipation à travers une formation complète et équilibrée pour tous·tes les étudiant·es.
Recevez, Monsieur le Ministre, l’expression de nos meilleurs sentiments.
Benoît HUBERT, Secrétaire Général
Pascal ANGER, Secrétaire National Secteur Enseignement Supérieur et Recherche
Gilles RENAULT, Responsable National STAPS
Maxime ESPOUNE, Responsable National SUAPS-GÉ
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Copie à :
– Directeur général DGESIP, M. Olivier GINEZ
– Conseiller Vie étudiante, M. Franck LOUREIRO
– France Universités et son président
– GNDS et son président
– SNESUP-FSU
– Organisations étudiantes : ANESTAPS, FAGE, UE, UNEF, …
– FFSU et son président
– C3D et son président