Par Pascal ANGER & Gilles RENAULT
En cette rentrée, les collègues et étudiant·es en INSPÉ et en STAPS connaissent des difficultés fortes liées à la mise en place de la réforme de la formation des enseignant·es. Nous allons faire le point sur quelques éléments à l’origine de ces difficultés :
- Les statuts des lauréat·es ;
- Les moyens de formation en L3 ;
- La licence LPE et la dispense des épreuves d’admissibilité ;
- L’acceptation des non-lauréat·es dans les INSPÉ et les débouchés pour les recalé·es au concours L3 ;
- Le contenu du CAPEPS L3 ;
- La refonte de la formation des PE ;
- Le besoin en jurys, leurs conditions de travail et les continuités pédagogiques dans les STAPS ;
- Les berceaux d’accueil avec tuteur·rices dans les académies pour les stagiaires et élèves fonctionnaires ? Une question très S3 + rapport aux mutations des titulaires.
Avant cela, nous tenons à préciser que l’idée originelle de la réforme, à savoir renforcer l’attractivité en rémunérant les lauréat·es recruté·es dès la licence lors d’une année de formation en tant qu’élèves fonctionnaires, se fracasse sur les impensés de la réforme que nous allons détailler, son financement insuffisant et sur l’état de l’enseignement supérieur public. Ajoutons que cette réforme est voulue et pensée pour soumettre encore plus la FDE aux exigences de l’employeur (MEN) dont l’une d’elles est de faire évoluer le métier d’enseignant·e de concepteur en métier d’exécution. La désuniversitarisation est un élément pour cette visée.
L’autonomie des universités est un dogme intouchable quant à la mise en place des formations issues de la réforme (licence LPE, master M2E). Mais les situations d’austérité, de gel de postes, de misère de l’université imposent des choix sans rapport avec les besoins de formations et leur répartition sur le territoire. L’autonomie des universités casse de fait l’égalité territoriale d’accès à la formation d’enseignant·es sur le territoire.
- Les statuts des lauréat·es
Le ministère a publié un décret (2025-352 – Avril 2025) définissant les statuts des lauréat·es de concours ; élève fonctionnaire en M1 rémunéré·e 1 400 euros et fonctionnaire stagiaire en responsabilité à 50 % en M2 rémunéré 1 800 euros. Il met en place une période d’engagement à servir de 4 ans à compter de la titularisation, que nous pensons contraire à la recherche d’attractivité et surtout injuste pour les lauréat·es nommé·es directement fonctionnaires stagiaires. Les ministres qui se sont succédé ont toujours mis en avant l’idée que les lauréat·es L3 seraient affecté·es sur l’académie de formation en licence, cette mesure est pourtant impossible à mettre en œuvre. Les affectations n’ont jamais été soumises à autant de contraintes : lieu de stage en responsabilité (rectorat), lieu de formation (INSPÉ) et ce, avec une anticipation de 2 ans. Le ministère a envisagé un système d’affectation lié uniquement au rang de concours que nous contestons. Aucune prise en compte des situations personnelles et contrairement à ce qui est annoncé aucune priorité de maintien.
Les échanges des organisations syndicales avec l’administration du master « Métiers de l’Enseignement et de l’Éducation » ont permis d’obtenir certaines avancées sur l’ajout explicite dans le texte du tutorat mixte, sur le mémoire de master qui n’est plus un mémoire de stage, sur l’apport de la recherche dans la formation. Toutefois, les organisations syndicales sont unanimes pour affirmer qu’un mi-temps en responsabilité constitue une charge de travail trop lourde pour la formation et l’obtention d’un master. Le ministère ne semble pas prendre en compte les leçons du passé, continue d’invisibiliser le travail de préparation des étudiant·es et s’accroche à une vision fantasmée selon laquelle le temps d’enseignement est par nature formateur. Parallèlement, les maquettes font état d’un nombre d’heures de formation en master plus faible (de combien, à chiffrer) que le master MEEF ou le projet 2024. Ce choix de considérer les M2 M2E comme des moyens d’enseignement à mi-temps, et ce que nous dénonçons, a des répercussions très importantes sur l’affectation des lauréat·es.
- Les moyens de formation en L3
Le ministère n’a pas obtenu de Bercy de moyens pérennes pour la réforme. Il est question d’une enveloppe de moyens pour 2025-2026 sans garantie de reconduite aux années suivantes. Autrement dit, il n’y aura pas de postes en plus pour une modification aussi structurelle de la formation dans le pays. Les universités ont besoin de postes. Les heures en plus ne corrigent pas les copies.
Le ministère a obtenu de Bercy et distribué une enveloppe correspondant à 60 h pour 10 groupes dans 70 universités du pays. Cet argent ne sera versé au budget des universités qu’au budget 2026. Les universités ont anticipé le versement ou non, décidé de son affectation pour le Premier ou le Second Degré, pour telle ou telle matière. Sans engagement pour 2027, toutes les universités n’ont pas cherché à modifier les maquettes et créer des modules spécifiques. Il en résulte que certains STAPS bénéficient de blocs de 60 h pour chacun des groupes de L3EM, d’autres pour certains groupes uniquement, d’autres enfin n’ont rien attribué à leur STAPS, car l’université estime que les étudiant·es sont déjà mieux formé·es que dans d’autres disciplines, d’autres attendent le versement effectif et l’utiliseront pour les oraux uniquement. Cette inégalité territoriale de formation des candidat·es est insupportable.
- Le nombre de postes aux concours
La période de transition à 2 concours L3 et M2 panique les équipes déjà lessivées par la charge de travail dans les STAPS et les INSPÉ.
Les deux concours auront lieu en même temps pour laisser des chances de réussite aux étudiant·es de L3. Les M2 pourront choisir de passer le concours M2 ou le concours L3. Le nombre de postes par concours devait être rendu public en juillet, ce qui était un leurre. La répartition finale par discipline ne devrait être connue qu’en janvier 2026, si un budget (P) 2026 est arrêté. La répartition globale aux concours L3 et M2 annoncée par le MEN, des postes aux concours Second Degré serait de 8 700 pour le concours C (C) M2 et 8 000 pour le C.L3, soit 48 % des postes CAPES en C.L3 et 52 % C.M2. Quid pour le CAPEPS ? Nous avons, à la suite du CSA MEN du 4/11, l’info de ce que le ministère défendrait dans les arbitrages budgétaires (Bercy) pour le CAPEPS en termes de postes offerts et de répartition entre L3 et M2. Cette hypothèse serait de 478 postes (42 % du total) au C.L3 et 645 au C.M2 (670 en 2025). Si on se projette sur cette hypothèse à N+3 (R.2028), cela est très inquiétant pour l’avenir et pour 2026, une probable « boucherie » pour les étudiant·es du C.L3. Rappelons que tout cela est bien sûr sous réserve des décisions budgétaires ! Le nombre de postes détermine le travail et les choix des équipes et des candidat·es. Pour le moment, les étudiant·es de M1 et M2 ne savent pas à quel concours se préparer. Les inscriptions au concours M2 sont ouvertes et celles au concours L3 ouvrent à la mi-octobre. Nous aurons à la clôture des inscriptions le ratio nombre de candidat·es pour un poste.
Nous réclamons depuis des années un plan pluriannuel de recrutement. Nous portons le mandat d’offrir 1 500 postes au concours par an pour rétablir les niveaux d’encadrement dans les collèges et les lycées des années 2000. Cette revendication, portée depuis 4 ans, n’est pas écoutée et nous perdons 800 postes par an sur cette revendication. Dès lors, nous demandons que les deux années de transition permettent de remettre sur la table notre objectif d’encadrement. Nous demandons donc 1 500 postes au concours L3 et 1 500 postes au concours M2 pendant 2 ans.
- L’acceptation des non-lauréat·es dans les INSPÉ et les débouchés pour les recalé·es au concours L3
La question des recalé·es aux concours L3 est aujourd’hui l’inquiétude numéro 1. Dans des disciplines comme la nôtre, les effectifs en licence sont très importants et le nombre de postes au concours beaucoup trop faible. Environ 5 000 étudiant·es sont inscrit·es chaque année en licence « Éducation Motricité » pour moins de 700 postes au concours. Si le concours L3 ne compte que 400 postes, la situation d’échec au concours L3 va concerner énormément d’étudiant·es. Le ministère indique que les universités pourront choisir ou non d’inscrire en M2E des non-lauréat·es du concours. Il affirmait en juin inciter les universités à le faire de manière explicite, mais avouait son absence de prise sur la décision des universités. Force est de constater qu’il n’est pas entendu et que la situation de cette génération d’étudiant·es est catastrophique.
Pour comprendre la situation, nous devons présenter succinctement l’organisation des M2E entre INSPÉ et universités :
- Un INSPÉ définit une politique commune de formation sur toute l’académie et sur plusieurs sites. Il est rattaché à une université de l’académie mais peut porter des masters avec plusieurs universités de l’académie.
- Le rectorat fixe le nombre de lauréat·es affecté·es en master M2E (donc en M2E 1ère année) qu’il souhaite accueillir au regard des berceaux de postes en mi-temps M2 qu’il définit. Ces lauréat·es sont inscrit·es de droit dans le master M2E de l’INSPÉ de l’académie.
Il existe aujourd’hui 4 positionnements différents des institutions INSPÉ-Universités pour les étudiant·es en fonction de leur lieu d’études en STAPS :
- L’INSPÉ de l’académie refuse d’accueillir des non-lauréat·es. Le conseil d’institut et l’université de rattachement considèrent que leur mission est de former des lauréat·es de concours, de professionnaliser et de ne pas s’occuper de préparer un concours. L’état financier de l’établissement ne permet pas de soutenir des effectifs étudiants importants ; les autres universités qui portent les masters MEEF actuels avec les INSPÉ peuvent décider de retirer leurs moyens également. Le risque n’est pas jugé tenable.
- L’INSPÉ accepte d’accueillir des non-lauréat·es mais l’université porteuse de la licence STAPS et du master MEEF EPS jusqu’ici refuse de s’engager dans le master M2E. Elle en retire ses moyens jugeant qu’elle a déjà fort à faire pour former ses étudiant·es en L3 avec des moyens ministériels non pérennes pour les années suivantes. L’INSPÉ n’aura pas, alors, de non-lauréat·es dans son M2E EPS.
- Question pour R.2026 : si un·e non-lauréat·e L3 est accueilli·e en INSPÉ M2E-1 (car il·elle aura bien sur validé aussi sa L3) et qu’il·elle obtient son M2E-1 alors il·elle passe bien en M2E-2 et ensuite passe le concours de son choix ?
- L’INSPÉ accepte de compléter son groupe de lauréat·es en M2E par des non-lauréat·es. Ils n’auront pas de formation spécifique aux concours. Le total peut-être différent du nombre de places en master MEEF. Il peut aussi être égal au nombre de places en master MEEF moins le nombre de berceaux pour les lauréat·es.
- L’INSPÉ met en place une formation de préparation au concours, indépendante de son master M2E.
Les STAPS peuvent également choisir de mettre en place des DU ou des formations non-diplômantes de préparation au concours pour les étudiant·es recalé·es en licence. Dans ce contexte, les prépas privées au concours vont se développer plus vite encore que ces dernières années.
- Le contenu du CAPEPS L3
Nous terminerons sur le contenu du CAPEPS L3. Il n’est pas acceptable de recruter des enseignant·es d’EPS sur une prestation physique tirée au sort, pour des questions de culture physique et sportive et d’équité entre candidat·es. Autre point, les APSA supports, de l’oral et des prestations physiques diffèrent, ce qui pose des questions de choix de formation aux équipes en STAPS. Enfin, le PSC1 et le TASA sont réclamés à l’admission. Ce n’est pas sans créer quelques problèmes dans les universités et les services des rectorats.
- Le besoin en jurys, leurs conditions de travail et les continuités pédagogiques dans les STAPS
Nous mettons ensuite sur la table la question des jurys pour les années de transition. Les écrits de concours vont se positionner dans le calendrier universitaire de fin de deuxième semestre. L’organisation pratique entre écrits et examens sera compliquée pour les étudiant·es et les formateur·rices. Les participations aux jurys pour les écrits sont aujourd’hui très chronophages, contraintes et stressantes, non pensées en articulation au travail quotidien des enseignant·es et des formateur·rices, et extrêmement mal payées. La recherche de jury par l’inspection générale est lancée. Nous voudrions avoir des garanties sur les conditions et la charge de travail des jurys pour ces concours des 2 années de transition.
- La refonte de la formation des PE
Le ministère a décidé de la mise en place d’une Licence Professorat des Ecoles (LPE) qui est envisagée comme la voie de formation de la moitié des professeur·es des écoles à moyen terme. Il table donc sur l’ouverture de 5 000 places par les universités en licence LPE. Les universités et les INSPÉ ont les possibilités ou non de s’engager. Il en résulte une profonde modification de la carte de formation, et même des fermetures de sites de formation au professorat des écoles.
Parallèlement, le ministère veut mettre en place des passe-droits pour les titulaires d’une licence LPE se présentant aux CRPE. Il s’agit de dispenser des écrits ces candidat·es. La rupture d’égalité ne semble pas heurter le ministère. Le ministère ne veut pas limiter les flux d’étudiant·es entre académies. Un·e étudiant·e en LPE dans une académie pourra passer le concours d’une autre académie ; le tout pouvant amener des effectifs de candidat·es importants dans les académies attractives, faibles dans les autres et des ruptures d’égalité avec les candidat·es issu·es d’autres formations.
Le SNEP-FSU revendique le fait que la pluralité des parcours de formation des PE est une richesse pour les équipes et met en avant la qualité des parcours mis en place dans les STAPS pour former les professeur·es des écoles. Nous tenons à ce modèle qui paraît bien attaqué par des
passe-droits hasardeux.
Nous nous réjouissons cependant du retour au second groupe d’épreuves du CRPE de l’épreuve d’EPS. Les QCM étaient une folie, le ministère nous a entendus. Les modalités de la nouvelle épreuve séparant culture sportive, culture citoyenne et culture physique renvoient à une vision de la formation des futurs PE bien pauvre. Nous continuons de réclamer une épreuve pratique au concours.





