Stage FSU Femmes 2017 – Femmes et Espaces Publics

Le stage annuel de la FSU s’est tenu au mois de Décembre 2017.

Parmi les thèmes abordés pendant ces deux jours celui sur « Femmes et Espaces Publics » nous concernait plus particulièrement. En voici un compte-rendu.

Depuis les travaux de Sylvie Airal (2011, La Fabrique des garçons) et d’Yves Raibault (2015, La ville faite par et pour les hommes), nous avons découvert que le sexisme est inscrit dans l’espace urbain: les rues ne portent que des noms d’hommes, 75% des budgets publics sont dévolus aux pratiques masculines, seules les femmes subissent le harcèlement de rue, elles n’ont pas le même usage de la ville que les hommes. Un travail a depuis été engagé avec les urbanistes pour penser la ville différemment. Et permettre aux femmes d’investir l’espace public.

Dans la continuité de ce travail, la géographe Marion Tillous a analysé la relation des femmes à l’espace public au Brésil et en Egypte.

Dans l’espace public, les gens ne se connaissent pas mais ne s’ignorent pas, des rituels de civilité existent. On explicite son action. Il y a une « Attention civile » : échange de regards puis on détourne le regard pour ne pas être intrusif. Entre hommes et femmes c’est souvent différent, ces rituels de civilité ne sont pas respectés : regards appuyés, contacts intrusifs, distance interpersonnel réduite, remarques à caractère sexuel et/ou sexiste. Quelques chiffres : si en France, 100% des femmes ont été harcelées d’après une enquête du HCE, en Egypte c’est 83% des femmes qui ont été harcelées. Cela n’a donc rien à voir avec les vêtements portés.

Le contrôle social des femmes s’étend bien au delà de la sphère publique, le harcèlement est un rappel à l’ordre.

Dans l’espace privé, pour sois disant garder l’honneur de la famille on interdit aux femmes d’aller dans l’espace publique ou on limite leurs déplacements.

Dans les espaces de travail, comme les déplacements sont obligatoires pour aller travailler, elles sont plus exposées. Et il leur est quasiment impossible de porter plainte en cas d’agression, faute de temps. Elles demandent des voitures réservées aux femmes.

Dans les espaces d’autorité (Police, hôpital, Ecole), il est très difficile de faire reconnaître un harcèlement. D’autant plus que la publicité incite au viol.

Ces incidents sont récupérés pour justifier un renforcement du contrôle social par les forces de police.

Marion Tillous propose quelques solutions possibles : Renoncer au renforcement de l’arsenal policier pour éviter la récupération. Eduquer et attaquer les manifestations de la domination masculine. Demander un investissement dans les transports collectifs pour faire baisser la densité de la fréquentation.

Ensuite, Chris Blache, nous a présenté plusieurs recherches socio-ethnologiques sur la cours de récréation.

Tout d’abord, une petite fille explique comment les garçons prennent toute la place dans la cour de récréation de son école, schéma à l’appui ! Comment les filles se contentent de l’espace qui reste, comment les garçons refusent qu’elle joue au foot avec eux, et comme des jeux « de filles » sont prévus (corde à sauter, balles, raquettes…), en retour certaines filles interdisent aux garçons l’accès à « leurs » jeux. Une expérimentation a permis de réorganiser la cours selon la demande de tous les enfants, garçons et filles.

Dans une autre école, il a été observé comment les garçons excluent les filles du match de foot, du terrain de foot. Elles apprennent à se mettre en retrait. Les garçons s’arrogent tous les droits. Solution trouvée par les instituteurs : une cours sans foot qui permet des jeux mixtes, plus de respect et moins de violences, des jeux calmes, des jeux lents. On retrouve les mêmes mécanismes d’exclusions sur les citystades dans l’espace public.

Enfin, l’avocate Laurène Questiaux, nous a présenté son travail sur l’affichage public dans l’Affaire de Dannemarie en Alsace

Un maire pour faire l’apologie de « La Femme », a affiché dans sa ville des images sexistes stéréotypées : la mère ou la putain ! Cet affichage, comme d’autre, est une forme de harcèlement dans l’espace public. Pour pouvoir intervenir et faire retirer les panneaux, il fallait considérer que l’Egalité femmes-hommes est une liberté fondamentale. Nous nous sommes appuyés sur une jurisprudence antérieure utilisant la notion de dignité humaine, droit fondamental. Le juge de Strasbourg a ordonné le retrait des panneaux, et a reconnu que cela contrevenait aux droits fondamentaux. Mais la mairie a fait appel et le conseil d’Etat a reculé. L’affaire sera re-jugée ultérieurement. Donc nous n’avons pas encore l’outil juridique pour nous battre contre ce genre d’affichage. En fait, il existe un continuum des violences qui invisibilise les violences. La violence symbolique autorise le harcèlement physique. C’est une « propagande sexiste ». Les maires représentent l’intérêt général et ne peuvent invoquer la liberté d’expression. La loi interdit le harcèlement, l’exposition en position d’indignité, … L’« outrage » est un terme utilisé pour les dépositaires de l’ordre public. Donc on ne peut parler d’ « outrages sexistes ». Mais les injures à caractère sexiste sont pénalisées depuis le 3 août 2017.

Donc il n’y a pas besoin de nouvelles lois. Mais il n’y a pas de volonté politique de la faire respecter. Et une certaine complaisance avec la culture du viol.

Paris et Londres se sont engagés à ne plus afficher des images dégradantes des femmes.

C’est une bonne chose. Sauf que c’est déjà interdit par la loi.

La liberté est l’argument utilisé par les dominants pour cacher la domination, c’est un discours pervers. Révéler les violences et les nommer, c’est déjà immense. En tant qu’enseignants nous avons un rôle immense à jouer.

cecile.cazalets@snepfsu.net

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