Entretien avec Annabelle Motta, responsable du dossier LGBT au SNEP

Tu as pris la responsabilité du dossier égalité / LGBT. Pourquoi ?

Parce qu’il existe des discriminations spécifiquement liées à l’orientation sexuelle et qu’il est important, pour lutter contre celles-ci, de les rendre visibles.

Est-ce le rôle d’un syndicat de s’occuper de ce problème ?

Oui, pour au moins 2 raisons :

  • la première est en relation avec mon expérience personnelle. En tant que prof d’EPS, j’ai été confrontée à une situation particulièrement violente par rapport à mon orientation sexuelle. (lire). J’ai eu la chance de trouver les mots justes au bon moment, et de bien vivre mon homosexualité, notamment parce que j’ai toujours été soutenue par mon entourage. Mais si ça n’avait pas été le cas ?

C’est à mon avis une fonction essentielle de notre syndicat de se rendre disponible pour venir en aide à certains collègues dans cette situation.

  • la seconde est un constat professionnel. Les discriminations et violences verbales, physiques, psychologiques, lorsqu’elles sont homophobes, sont trop rarement qualifiées comme telles. Or, pour combattre un problème, il faut pouvoir mettre les mots dessus.

Est-ce que tu penses que l’avancée des droits LGBT liée au mariage pour tous, que la situation progresse ?

En terme de droit, c’est vrai que le mariage pour tous est un progrès dont il faut se réjouir . Mais j’ajouterai que le combat est loin d’être gagné. L’hypocrisie est toujours de mise puisque, si nous avons le droit d’adopter nos enfants, il faut toujours les concevoir de manière clandestine, hors la loi. Cette bataille, que de nombreuses collègues mènent souvent dans l’ombre, est long et semé d’embûches (quel médecin acceptera de prescrire les traitements, comment faire si mon chef d’établissement ne m’accorde pas les jours nécessaires aux nombreux voyages pour une PMA…)

De manière plus visible, on aura aussi tous pu observer au cours de ces débats, la libération et la médiatisation de la parole homophobe. Comme si c’était juste un droit à la liberté d’expression. Or comme pour le racisme, l’antisémitisme, ces propos sont punis par la loi. Mais on a l’impression que lorsqu’il s’agit des LGBT, c’est moins grave.

Résultat : comme le montre le rapport de SOS-Homophobie tous les ans, les violences de toutes natures sont en hausse depuis le vote du mariage pour tous.

Nous aurions pu croire qu’après ces déversements de haine, la situation se serait calmée. Mais à voir la teneur des discours de certains candidats à la présidentielle, les polémiques à propos des affiches de prévention du VIH, par exemple, c’est loin d’être le cas.

A tel point qu’avec ma compagne, nous devons accélérer les procédures de mariage pour espérer l’adoption plénière de notre petite fille, de peur d’un retour en arrière à partir d’avril prochain….

Quel rôle peut jouer l’EPS dans cette bataille ?

L’EPS, parce qu’elle parle du corps, permet d’aborder de manière singulière la thématique du masculin et du féminin. Et la lutte pour l’égalité des droits LGBT n’est, à mon avis, que le prolongement de cette égalité garçon/fille.

Si nous décidions de faire des groupes en fonction du sexe dans nos cours, nous exclurions

de manière structurelle les filles qui ont envie de se mesurer aux garçons et les garçons qui n’auraient ni l’envie de d’affronter d’autres garçons, ni les caractéristiques physiques et psychologiques valorisées par le modèle masculin.

En cherchant à comprendre les stéréotypes masculins/féminins au travers de nos cours, nous pouvons réfléchir et organiser la mixité afin de l’utiliser pour favoriser l’égalité garçons/filles en permettant à chacun de se construire. Cela passe par une lutte systématique contre les discriminations liées au genre, et à la sexualité (assumée ou présumée).

Penses-tu que dans le milieu sportif, la question de la lutte contre les discriminations homophobes soit taboue ?

Je répondrais oui sans hésiter. Je vais prendre l’exemple terrible de l’attentat d’Orlando. L’UEFA, pendant la coupe d’Europe a refusé d’accorder une minute de silence en hommage aux victimes de la boite gay. Critiquée par les associations LGBT elle a finalement organisé « une minute de silence avant le quart de final en mémoire des victimes de l’attentat d’Istanbul et des autres attaques qui se sont produites pendant le tournoi ».

Cette omerta, ce refus d’utiliser les mots homosexuels ou homophobie, c’est caractéristique du milieu sportif, mais pas seulement. Les violences à l’école (de l’insulte « sale pédé » au harcèlement d’un adolescent trans pouvant le pousser au suicide), ne sont que trop rarement qualifiées comme homophobes par les enseignants, les CPE, les chefs d’établissement.

A l’école, on ne parle d’homosexualité qu’à travers les MST en SVT, le triangle rose des déportés en histoire, et la relation destructrice entre Rimbault et Verlaine… Ne pourrait-on pas envisager de proposer des modèles de construction d’identité sexuelle alternatifs, un peu plus positifs, à nos adolescents ?

Cette invisibilisation de la communauté LGBT crée le terrain propice aux discriminations. C’est pour cela que les évènements comme les Gay Games ou la Gay Pride, qui sont ouverts à tous et toutes, quelle que soit son orientation sexuelle, sont essentiels pour construire plus de respect, par la reconnaissance de la différence. C’est le premier pas vers l’égalité.

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