Qu’est-ce que la transidentité ?
Nous reprenons la définition donnée par Loé Lis1
« La transidentité est le fait de ne pas s’identifier au genre (féminin ou masculin) auquel on a été assigné·e à la naissance.Les personnes qui s’identifient au genre auquel elles ont été assignées à la naissance sont cisgenres. Les personnes qui ne s’identifient pas au genre auquel elles ont été assignées à la naissance sont trans. On utilise de préférence le terme “trans” qui fait consensus dans la communauté, plutôt que “transgenre”, ou pire, “transsexuel·le”.
Le fait de ne pas s’identifier au genre d’assignation ne signifie pas nécessairement s’identifier à l’autre genre établi par la norme hétéropatriarcale*. Certaines personnes ne s’identifient à aucun des deux genres, ou simultanément ou successivement aux deux. Elles sont non binaires.
L’assignation de genre est un processus qui commence dès la période prénatale et a été largement étudié par le mouvement féministe. Il consiste à attribuer un genre, à attendre ou à condamner une série de comportements en fonction de ce genre. Le genre est établi sur la base des organes génitaux externes visibles à la naissance, selon des critères cissexistes*. Dans notre société hétéropatriarcale, tou·te·s les enfants sont assigné·e·s à l’un des deux genres, même les enfants intersexes, qui sont mutilé·e·s pour que leurs organes correspondent à ces critères et pour faciliter leur perception par le corps médical et leur famille comme appartenant bien à l’un de ces deux genres : masculin ou féminin.
On parlera de personnes AFAB (assignées filles à la naissance) et de personnes AMAB (assignées garçons à la naissance) pour distinguer des parcours différents, sans que cela signifie quoi que ce soit de l’identité de genre* réelle de ces personnes. »
Beaucoup de ces personnes trans, qui sont élevées « comme des garçons » ou « comme des filles », entame un parcours de transition dès l’adolescence pour être en harmonie avec elles- mêmes.
Souvent rejeté.es par leur famille, humilié.es par leur camarades, nié.es par les institutions, les enfants non-conformes aux normes de genre sont psychologiquement fragiles.
Au moment de l’adolescence, celui de la construction identitaire, ces élèves méritent la mise en place d’un environnement accueillant de la part de l’école : reconnaissance, bienveillance, écoute sont les premières marches d’un bien-être, ou plutôt un « être bien » à l’école.
Le problème, c’est que cette population est souvent invisible, car peu de coming-out sont effectués avant l’âge adulte par peur des représailles. Or à l’adolescence, leur détresse est grandissante à cause des changements liés à la puberté, les éloignant de plus en plus de ce qu’ils/elles sont réellement.
Pourquoi il faut s’intéresser à cette problématique
Les chiffres sont alarmants :
- 85 % ne subissent un harcèlement à propos de leur identité de genre2
- 21% d’entre eux mettent fin à leur scolarité à cause de la transphobie
- 1 élève sur 3 attente à ses jours
L’environnement scolaire inflige de véritables épreuves aux élèves trans. Les agressions, qu’elles soient verbales ou physiques sont régulières, et le climat d’insécurité est permanent. Le tout souvent très peu pris en compte par les adultes, faute d’informations et de formations sur le sujet.
Les toilettes dans la cour, les vestiaires en EPS…. Où est leur place ? Celle qui prend en compte leur singularité et leurs droits d’être tranquille, en sécurité ? C’est pourtant ce qui leur manque chaque jour pour pouvoir se concentrer sur les apprentissages et non sur les humiliations du quotidien. : « Les petites filles me viraient des toilettes des filles parce que j’avais l’apparence d’un garçon (…). Les garçons me viraient des toilettes des garçons puisque j’avais un prénom de fille (…) Au final, je me débrouillais pour ne jamais avoir à aller aux toilettes à l’école »
Dans un extrait de « Devenir il ou elle »2, un chef d’établissement tient ces propos « On ne peut pas vous garantir le respect de votre identité ». On imagine comment l’élève en question peut ressentir la négation de ce qu’il est….
Si l’école a le devoir de s’adresser à tous, pourquoi une telle réaction de la part des représentants de l’institution alors qu’aux Pays Bas, par exemple, non seulement la spécificité de ces élèves est reconnue, mais des aménagements grâce à des projets d’accueil individualisés leur permettent même d’intégrer le temps d’aides ou de soins à leur emploi du temps ?
L’école parle très rarement des homos, et JAMAIS des trans…. Comment se construire positivement dans ces conditions ?
Ce que chacun d’entre nous peut faire
D’une part pour aider un enfant transgenre qui arrive à l’école, ou se découvre au fur et à mesure de sa scolarité.
D’autre part, pour construire un vivre ensemble qui permet à tous de changer de regard et intégrer la diversité sexuelle
- Respecter strictement le genre et le prénom choisi par l’enfant.
- Travailler sur le harcèlement en général :
la transphobie est une discrimination au même titre que le racisme, le sexisme, la grossophobie, l’homophobie, l’anti-sémitisme, etc….
A ce titre, il est nécessaire de ne pas l’oublier quand nous établissons avec les élèves la liste des discriminations possibles.
- Inclure dans le discours de débuts d’année, face aux élèves, ce qui ne sera pas admis dans nos cours, ni à l’école : les insultes de toutes natures.
Il faut nommer la transphobie pour reconnaitre son existence. Et envoyer un signal d’écoute aux élèves potentiellement LGBT, donc en décalage avec notre société hétéronormée et cis-genrée. (Si l’on considère l’ensemble des personnes LGBT, statistiquement, 1 élève par classe est potentiellement concernée ; c’est bien sûr plus rare pour les transgenres, mais en même temps, de plus en plus assumé).
- Informer l’élève trans s’il est demandeur, lui permettre de s’orienter pour trouver de l’aide à l’extérieur. (MEN, associations et numéros verts)
- Trouver de l’aide auprès d’associations pour être accompagné dans la mise en place des groupes de parole avec tous les personnels de l’établissement, avec les élèves.
- Contacter, faire intervenir une association pour aider les parents qui ne parviennent pas comprendre les questionnements, le parcours de leur enfant : pour créer du lien, et les aider à entendre l’expression atypique du genre de leur enfant. Exemple : Association Contact : http://www.asso-contact.org/ dont le but est le « dialogue entre les parents, les lesbiennes, gays, bi et trans, leurs famille et ami.es ».
- Réfléchir collectivement à la problématique spécifique des toilettes, autour pourquoi pas d’un projet mis en place dans l’établissement ?
Outils
Ministère
Le ministère a publié en 2013 un rapport sur « Les discriminations LBGt-phobes à LEcole, état des lieux et recommandations » qui reste un outil de référence, (Rapport Teychiné)
Le ministère de l’Education Nationale a mis en place un numéro d’écoute « Non au harcèlement »
Pour les élèves : Un service d’écoute et d’aide pour les victimes et témoins d’homophobie.
Pour les personnels qui donne des clés pour repérer, comprendre et agir.
Un numéro d’écoute 7j/7 de 8h à 23h : 0 810 20 30 40 ou 01 58 91 12 92
Un service d’écoute et d’aide aux victimes de harcèlement
N° vert gratuit « Non au harcèlement » : 3020
Du lundi au vendredi de 9h à 18h (sauf les jours fériés)
nonauharcelement.education.gouv.fr
Associations
– SOS homophobie : association agrée par le Ministère de l’Education nationale. Elle assure des formations et propose un kit cartable : Comprendre et agir pour lutter contre les lgbtphobies.
https://www.sos-homophobie.org/sites/default/files/kit-cartable.pdf
– C’est comme ça : Association « Pour les jeunes Gays, Lesbiennes, Bi, Trans et curieux » qui répond à nombre de questions que les jeunes (et les moins jeunes) se posent
http://www.cestcommeca.net/
Chrysalide : Propose des outils pédagogiques spécifiques pour lutter contre la transphobie
http://chrysalidelyon.free.fr/
Et en Education Physique et Sportive ?
Il existe des problèmes spécifiques en EPS, puisque nos apprentissages passent par le corps. Il nous faudra réfléchir absolument aux mots que nous utilisons, aux groupes que nous faisons, aux activités que nous faisons pratiquer pour éviter de mettre à l’écart ces élèves, ce qui se traduirait de manière quasi automatique, par un évitement de nos cours.
Le témoignage de Damien rapporté par David Latour ( La transphobie en milieu scolaire, février 2011 dans le n° 487 des Cahiers Pédagogiques sur le thème « Filles et garçons l’école ») est sans appel.
Le pire je crois que c’était les cours de sport et la séparation activités de filles/activités de garçons. D’un côté la gymnastique (GRS) et de l’autre les sports collectifs (foot, basket). Me retrouver à faire des pirouettes gracieuses (…) devant tout le monde était carrément un enfer et j’ai préféré simuler un problème de santé et me faire dispenser de sport jusqu’au Bac. Cela a été très mal perçu de la part du corps enseignant et j’ai été considérée comme une ‘flemmarde’ pendant des années sans que jamais personne n’essaie de comprendre ce qui pouvait bien se passer pour moi.
Ce qu’on peut faire :
Faire en sorte de viser l’égalité entre élèves suppose d’éviter tout ce qui renforce la bi- catégorisation des sexes
- Ne jamais proposer des activités différenciées par sexe: la gymnastique pour les filles, le foot pour les garçons.
- Ne plus dénommer les groupes en fonction du sexe : « les garçons par ici, les filles par là ». Concevoir des groupes à l’avance ne fonction de l’APSA et/ou du projet d’apprentissage : groupes de couleurs, de niveaux, de poids, etc.
- Pour les vestiaires, proposer aux élèves trans un temps décalé pour se changer (avant ou après les autres), pour éviter de se retrouver confronté à une situation gênante.
- Ne jamais faire semblant de ne pas entendre moqueries et insultes.
- Eviter les activités barèmées en fonction du sexe : si statistiquement, les garçons font de meilleures performances mesurées que les garçons, dans la quasi-totalité des classes, il y a des filles sportives plus performantes que des garçons non sportifs. Les barèmes par sexe tendent à renforcer une bi-catégorisation de sexe qui n’est pas utile à prendre en compte pour les apprentissages. Lorsque qu’il y a notation (transformation d’une performance en note) et quand le sexe est pris en compte, l’élève trans peut être amené à faire un choix : négocier, ouvrir la discussion avec l’élève en question et lui permettre de faire ces choix.
Pour aller plus loin
Aujourd’hui en France, il faut attendre 18 ans pour pouvoir commencer un parcours de transition. La puberté est donc vécue avec une énorme violence, car le corps se transforme de plus en plus pour ressembler à ce que la personne en transition n’est pas.
Le monde médical est souvent sourd aux dysphories de genre, qui sont régulièrement non considérées. C’est encore pire en province, où les enfants sont obligés de se tourner vers des consultations pour adultes, qui ne prennent pas en compte leurs caractéristiques spécifiques.
Notre responsabilité est grande, nous les adultes de l’école, pour protéger ces élèves, les écouter, les orienter…. Pour les laisser trouver la place qui est la leur.
Pour aller plus loin, consulter également, le travail de Loé Lis, trans et prof documentaliste : http://svt-egalite.fr/index.php/reflexions-et-outils/transidentite/comment-prendre-en-compte-les-eleves-trans
- http://svt-egalite.fr/index.php/reflexions-et-outils/transidentite/comment-prendre-en-compte-les-eleves-trans [↩]
- Chiffres du CRIPS. Ile-de-France : Personnes trans’, quels enjeux de santé http://www.lecrips-idf.net/lettre- [↩] [↩]