Analyses et propositions sur le projet de loi « Démocratiser le Sport en France »

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Mesdames les Sénatrices,
Messieurs les Sénateurs,

Nous tenons à vous faire part de nos analyses et propositions sur le projet de loi « Démocratiser le Sport en France » et les amendements à l’étude actuellement au Sénat.
Le SNEP-FSU, syndicat majoritaire des enseignants d’EPS et syndiquant aussi les professeurs de sport, travaille régulièrement sur ces problématiques et a adressé à chaque groupe parlementaire les 10 mesures qu’il propose pour rendre « la jeunesse plus sportive » lors de la « semaine de l’EPS » qui s’est déroulée du 15 au 19 novembre 2021. Parce que l’Ecole touche l’ensemble des élèves, parce que l’Ecole est le lieu des apprentissages, parce que la pratique physique sportive et artistique devrait être reconnue comme priorité nationale compte tenu des enjeux, le SNEP-FSU prône l’augmentation des horaires d’EPS à 4h sur l’ensemble de la scolarité. Nous portons également 10 propositions pour le sport.
Nous partageons évidemment l’idée de démocratiser le sport en France, c’est-à-dire comme le rappelle la définition du Larousse « Rendre quelque chose accessible à toutes les classes sociales, le mettre à la portée de tous ». C’est en ce sens que nous partageons l’exposé des motifs de la loi, mais considérons qu’à part le titre et l’exposé des motifs, cette loi ne porte pas les ambitions qu’elle affiche. En effet, aucune des mesures concrètes ne se retrouve dans cette proposition de loi, et pire, les politiques conduites entraînent la multiplication des suppressions des postes en EPS (depuis le début du quinquennat le bilan est de 771 suppressions de postes en EPS dans le second degré pour 26 954 élèves de plus). Démocratiser le sport tout en supprimant les emplois d’enseignants d’EPS et en affaiblissant la place de la discipline à l’Ecole semble une équation impossible.
Depuis des années, la place de l’EPS et le lien entre le sport et l’EPS est mis à mal à l’Ecole : tant dans les programmes que dans la certification. Aujourd’hui par exemple, il n’y a pas de note spécifique en EPS au DNB.


Pour le SNEP-FSU, l’accès aux pratiques physiques sportives et artistiques est essentiel pour l’émancipation humaine (terme utilisé dans l’exposé des motifs) et, à ce titre, nous revendiquons que l’accès aux pratiques des APSA soit un droit pour tous, comme le rappelle « La Charte internationale de l’éducation physique, de l’activité physique et du sport » de l’UNESCO : L’accès au sport est un droit fondamental pour tous, dans son article 1 « La pratique de l’éducation physique, de l’activité physique et du sport est un droit fondamental pour tous ».


L’exposé des motifs énonce le problème d’accès aux installations sportives comme majeur, nous le partageons. Mais nous sommes extrêmement sceptiques sur la solution envisagée qui, même si nous ne la contestons pas, ne va pas changer grand-chose. En effet, la solution proposée est de permettre l’accès aux équipements sportifs des établissements scolaires hors-temps scolaire par les associations, clubs, etc. Avec une attention particulière lors de la construction de nouveaux établissements pour qu’un accès « extérieur » soit possible : construire par exemple le gymnase en limite de propriété pour permettre un accès extérieur. C’est une revendication que nous portons, et qui est mise en oeuvre là où des installations sont construites intelligemment en concertation avec nos représentants, par voie de conventionnement. En effet, le SNEP-FSU a construit une réelle expertise pour le développement d’installations sportives adaptées aux scolaires et permettant la pratique en club. Nous avons travaillé avec plusieurs fédérations et édité 5 référentiels pour des équipements adaptés. Ils sont cités dans le guide ministériel « l’accès aux équipements sportifs pour l’enseignement de l’EPS et pour l’ensemble des pratiques sportives scolaires » édité en 2012 et préfacé par JM Blanquer.


Outre le fait que les équipements sportifs intra-muros des établissements scolaires représentent environ 10% du parc des équipements sportifs, le souci de nombre d’entre eux dans les établissements est leur vétusté, leur inadaptation à une pratique sportive de qualité et leur manque de fonctionnalité. De plus il faut aussi penser, lors de la conception des équipements, aux espaces de rangements distincts entre club et école. Cela demande évidemment des investissements importants et des concertations pour permettre d’aller en ce sens.


A ce titre, le SNEP-FSU propose d’étendre la mise en place de commissions tripartites ou pluripartites (Education nationale, Région, représentant des enseignants d’EPS, voire monde sportif) pour travailler au développement des équipements sportifs. Là où ces commissions existent, cela permet des avancées concrètes. Il est évidemment nécessaire d’aider les collectivités territoriales pour le développement de vrais plans nationaux de construction d’équipements sportifs utiles aux scolaires et à l’extra-scolaire ainsi qu’aux universités.


Afin de réellement avancer, il faudrait faire évoluer l’article L 214-4 du Code de l’Education en notant « Les équipements nécessaires à la pratique de l’éducation physique et sportive doivent être construits intra-muros ou à proximité immédiate des établissements à l’occasion de la création d’établissements publics locaux d’enseignement, ainsi que lors de l’établissement du schéma prévisionnel des formations mentionné à l’article » pour permettre le développement des équipements nécessaires pour tous les établissements. Nous rappelons ici notre revendication de constructions d’équipements sportifs dans ou à proximité immédiate des établissements scolaires. Les équipements doivent être adaptés à l’EPS et à une pratique sportive de qualité pour permettre une utilisation extérieure, et accessibles à tous, sans discrimination.


Comme un amendement porte sur la nécessité de développer l’enseignement de l’aisance aquatique, la nécessité de construire des piscines doit être évoquée.


Concernant le sport universitaire, il est rappelé dans l’exposé des motifs la nécessité de « libérer du temps de pratique ». C’est en ce sens que nous proposons la création d’un module obligatoire à l’université en licence. Cela permet d’inclure à l’emploi du temps les pratiques sportives et de « libérer du temps ». C’est une reprise de la 1ère des 7 propositions du rapport interministériel « Auneau-Diagana » en 2008 « Créer une unité d’enseignement (UE) APS obligatoire en licence ». Cette décision serait un levier structurant pour le développement de la pratique sportive de chaque étudiant. La libération de temps commun pour la pratique sportive volontaire, via les SUAPS, est aussi importante.


Sur l’insertion d’un article L. 312-2-… ainsi rédigé : « Nul ne peut se soustraire à l’enseignement physique et sportif pour des motifs autres que médicaux. » « En cas de doute sur le motif réel de l’inaptitude de l’élève, le directeur d’école, le chef d’établissement ou l’enseignant peuvent demander la réalisation d’une visite médicale par un médecin scolaire. Les personnes responsables de l’enfant sont tenues, sur convocation administrative, de présenter les enfants à cette visite médicale. »
Nous pouvons y souscrire avec le bémol d’importance qui est la situation de la médecine scolaire qui ne pourra répondre à ces sollicitations. Par ailleurs nous contestons l’exposé des motifs qui précise que les cours d’EPS sont ceux qui connaissent la plus forte augmentation des contestations pour motifs religieux… faute de statistiques et de remontées établissant ces faits. Nous dénonçons l’instrumentalisation de notre discipline à cet égard car si des inaptitudes « de complaisance » existent cela relève de plusieurs problématiques (éloignement de la pratique physique, adolescence…). Dans de nombreux cas, le travail éducatif (chef d’établissement, vie scolaire, enseignants d’EPS, infirmières…) permet de faire évoluer les représentations et de faire respecter l’obligation scolaire. C’est pourquoi la visite médicale doit être faite dans ce processus de travail éducatif commun.
Concernant l’amendement sur la formation des enseignants en INSPE « à la promotion des activités physiques et sportives comme facteurs de santé publique », nous estimons cela intéressant et rappelons que c’est aussi par la pratique des activités physiques et sportives que les futurs enseignants (à l’INSPE et à l’université) prendront pleinement conscience de cela. Par ailleurs nous pensons que, dans notre société, d’autres enjeux indispensables peuvent être rappelés et nous proposons d’ajouter « comme facteurs de santé publique, de cohésion sociale et de réduction des inégalités ».


Conscient du nombre de noyades et de la nécessité que l’Ecole apporte à chaque élève les compétences et connaissances nécessaires pour les éviter, il nous paraît trop réducteur d’utiliser le terme « aisance aquatique ». En effet, pour maitriser son corps et apporter les connaissances sur le milieu aquatique naturel, la simple délivrance d’un test d’aisance aquatique ne répond pas aux enjeux. Ainsi nous proposons une autre écriture « Dès le plus jeune âge et tout au long de la scolarité, les programmes scolaires comportent l’enseignement de la natation, priorité nationale et la prévention des noyades. ». Nous sommes toutefois surpris de cet ajout dans ce texte de loi sur la démocratisation du sport alors que c’est là le but des programmes scolaires.


Sur l’insertion d’un article L 321-3-1 ainsi rédigé « Outre le programme d’enseignement physique et sportif, l’Etat garantit une pratique quotidienne minimale d’activités physiques et sportives au sein des établissements du premier degré. Un décret fixe les conditions d’application du présent article » nous sommes dubitatifs et même opposés. En effet, si bouger est important, le temps et le lieu de l’Ecole est celui des apprentissages. Si on peut partager la volonté du Sénat de développer la pratique physique et sportive à l’école primaire, le moyen de sa réalisation devrait plutôt passer par une augmentation des horaires d’EPS. Enseignants du premier degré, CPC et CPD EPS sont des atouts pour permettre de développer un enseignement de qualité. C’est pourquoi nous proposons de passer à 4h d’EPS pour tous l’horaire hebdomadaire. Par ailleurs, il faut permettre une formation initiale et continue pour tous les enseignants en ce sens. Le SNEP-FSU propose 20 mesures pour améliorer la pratique physique et sportive à l’école qui comprend le développement de l’EPS mais également l’ensemble du temps de l’enfant.
Par ailleurs, la création d’une association sportive dans toutes les écoles, à l’image du second degré, ne peut se faire sans moyen pour les faire vivre et les développer. Administrer une association nécessite une présidence, un secrétariat et un trésorier…

Environ 10% des professeurs d’écoles sont issu de la filière STAPS, le SNEP-FSU propose qu’au moins un enseignant par école reçoive une formation « à dominante ». Cet « enseignant ressource EPS » jouerait un rôle de coordination et impulserait la dynamique EPS de l’école (programmation, rencontres, échanges de service, lien avec les mairies et le collège,..). Il pourrait avoir dans son service un forfait AS pour animer le sport scolaire et une décharge en relation avec la taille de l’école. Par ailleurs, chaque enseignant qui le souhaite devrait pouvoir bénéficier d’un forfait pour animer ce sport scolaire associatif.


Titre II
Le SNEP-FSU revendique un réel service public du sport en France avec un ministère de plein exercice et un budget porté à 1% du budget de l’Etat. Sans moyens et volonté politique forte, la démocratisation ne pourra se faire.
La mise en place de la parité dans toutes les instances dirigeantes du mouvement sportif va dans le bon sens mais si c’est un élément nécessaire, ce n’est pas un élément suffisant au développement de la pratique féminine. Bien d’autres leviers devraient être actionnés conjointement.
Tous les éléments qui vont vers le développement de la démocratie dans les instances sportives : prise en compte des avis des licenciés, des associations de supporters, etc. est pour nous important pour démocratiser le sport.
Le SNEP-FSU est attaché au développement du sport sans discrimination, à la place du sport féminin, au sport partagé.


Titre III
Article 9
Aujourd’hui les dérives du sport sont nombreuses : dopage, violences sexistes, marchandisation. Il nous semble important d’agir très fortement pour les combattre, protéger les sportifs et les sportives et éduquer les jeunes pour qu’elles ne se perpétuent pas. Le titre III nous semble centré sur la régulation des « paris sportifs » qui sont pour nous une des dérives qui entraine addiction et « sport par procuration ». L’interdiction de la publicité pour les paris sportifs est pour nous important. Nous demandons la fin de la publicité qui en est faite et qui amène de nombreux jeunes, notamment des quartiers populaires, vers cette addiction qui éloigne des pratiques réelles.


Article 10
Aujourd’hui, les Français veulent avoir accès aux événements sportifs masculins et féminins, notamment dans une période où la pratique sportive est réduite pour cause de pandémie. Cela nécessite un accès par le service public audiovisuel de ces événements. Le développement de la marchandisation de ce secteur éloigne de nombreux concitoyens de l’accès au spectacle sportif, ce qui est dommageable.


En espérant que vous serez attentifs à notre démarche qui vise à améliorer la place du sport dans notre société en proposant nos analyses et permettre que la loi ait les moyens pour atteindre l’ambition qu’elle affiche, nous vous prions d’agréer, Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs, nos sincères salutations.

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