Quand l’enseignement se transforme en « job », il y a du souci à se faire pour l’avenir de l’École publique !
Nous tenions à débuter ce Conseil d’Administration en alertant tous ses membres sur l’état de l’École Publique en ce mois de Juin 2022. En effet, notre établissement fait partie intégrante du système éducatif et son fonctionnement en est impacté si le système se délite.
Nous sommes confrontés en ce mois de Juin 2022 à une crise de recrutement sans précédent
Dans plusieurs disciplines, le nombre de places au concours est supérieur au nombre d’admissibles, induisant de fait un nombre insuffisant d’enseignants à la rentrée : c’est le cas par exemple des mathématiques ; 816 admissibles pour 1035 places, ou en allemand avec 83 admissibles pour 215.
Ainsi, se mettent en place dans plusieurs académies des cellules de crise avec des « jobs dating » pour recruter des enseignant.es en 30 minutes chrono en promettant une formation lors de la prise de fonction. Alors qu’il aura fallu des années pour construire une formation initiale des enseignants permettant de répondre aux défis de l’enseignement, il n’aura fallu que quelques années pour tout détruire.
La perte d’attractivité des métiers de l’enseignement peut s’expliquer pour diverses raisons :
1- Des conditions de travail des personnels et d’apprentissage des élèves qui se dégradent :
Avec la suppression depuis 2007 de 25 588 postes d’enseignants dans le second degré alors que 221 232 élèves de plus sont présents !
Cela entraîne la hausse des effectifs par classe : depuis 2021, la France est classée dernière des pays de l’UE concernant la moyenne des élèves par classe au collège avec 25.1 élèves en moyenne, quand celle de l’UE est de 20.7 !
C’est aussi une perte de sens des métiers, avec un management qui demande toujours de « faire plus avec moins de moyens » et qui détériore les relations professionnelles.
Les dernières réformes sur les différents niveaux d’enseignements, provoquent une diminution du temps d’apprentissage des élèves :
- Réforme collège (2016) : – 162 heures sur l’ensemble du cursus collège
- Réforme LGT (2019) : -216 heures sur l’ensemble du cursus lycée
- Réforme LP (2019) entre – 294h et -380 h selon les filières. En sachant que les élèves de la voie professionnelle avaient déjà subi une perte d’heure (1/4) lors du passage du bac pro de 4 ans à 3 ans en 2009 !
2- Une déconsidération des métiers qui grandit
Au niveau salarial, quand un enseignant débutant démarrait avec 2,2 fois le salaire minimum en 1981, aujourd’hui c’est, après 5 ans d’études, à 1.14 fois le SMIC. Selon les données du ministère (note du 13/7/2013 de la DEPP), un enseignant travaille en moyenne 41h17 par semaine et 18 jours durant ses congés, et cela avant l’imposition des 2 heures supplémentaires et les augmentations d’effectifs par classe qui ont aggravé la situation.
Toute cette déconsidération, accentuée ces dernières années par le rabâchage médiatique, pèse énormément chez les personnels.
Comme à l’hôpital, où des services d’urgences ferment partiellement faute de personnel, l’affaiblissement du service public d’Éducation orchestré depuis des années entraine une situation catastrophique. Il est primordial de faire confiance aux personnels et usagers et de redonner les moyens pour reconstruire l’École.
C’est bien d’un changement de cap dont notre École Publique a besoin, car chaque jeune doit recevoir une éducation de qualité pour lui permettre d’apprendre, de s’émanciper, de devenir citoyen.ne critique et lucide et de trouver un emploi.
Contrairement à ce que l’on entend, l’argent existe pour cela.
Le magazine Challenge rappelle qu’en 2021, les 500 familles ont gagné 300 milliards de plus (30% d’augmentation!). Quand il y a 25 ans, la richesse des 500 familles équivalait à 6% du PIB, maintenant elle correspond à 47% ! Associé aux dividendes de plus en plus importants reversés, nous ne pouvons que suggérer de mieux redistribuer cet argent dans un but d’intérêt général. Ces milliards ne seraient-ils pas plus utiles pour investir dans l’Ecole (60Md par an de budget) ou l’hôpital…?
Nous avons fait le calcul, avec moins de 1% de cet enrichissement (2 milliards), il est possible de passer l’horaire hebdomadaire d’EPS à 4 heures dans tout le second degré, dans l’intérêt des élèves. Améliorer l’Éducation et les Services publics, c’est économiquement possible, cela relève de choix d’investissement.
Au niveau de notre établissement, nous continuons de revendiquer :
- La création de x classes pour baisser les effectifs
- La transformation de y heures supplémentaires en heures postes
- Z heures pour permettre tel et tel enseignement ou projet
- autres
Il est donc plus que jamais nécessaire de développer un plan d’urgence pour l’École Publique et qu’un collectif budgétaire soit voté à l’Assemblée Nationale pour la rentrée scolaire 2022. Les métiers de l’Éducation doivent être revalorisés pour contrer la crise de recrutement en cours.