Compte tenu des différentes instances qui se sont tenues dans un temps très court : CDN de rentrée, CDNE puis CDFN et maintenant un nouveau CDN en un mois, je ne vous ferai pas un topo traditionnel mais je vais vous livrer quelques éléments pour le débat que nous aurons en groupes pour dégager de l’actualité ce qui nous permet d’avancer dans nos revendications.
D’abord combattre l’idée reçue qui vise à dire que rien ne serait possible compte tenu des contraintes budgétaires et du budget de l’Etat. Des possibles existent si une volonté forte du politique dans la lutte contre l’évasion fiscale et l’optimisation fiscale se fait jour. Les « Pandora papers » nous le rappelle fortement. 11 300 milliards échappent à l’impôt de pays. En France on estime à 17 milliards d’euros en 2020 le coût de l’évasion fiscale. Avoir des revendications qui peuvent paraître utopiques dans le contexte ne le sont plus tant que cela si on adopte une politique de réforme de la fiscalité et un partage des richesses plus juste permettant le développement des services publics. Nous n’avons pas à confondre le combat politique et idéologique, la lutte de classes menée par le capitalisme et le libéralisme avec des moyens qui n’existeraient pas pour faire autrement.
Un petit retour sur le 5 octobre
Le 5 octobre n’a pas été une mobilisation exceptionnelle mais elle aura au moins eu le mérite d’exister dans le contexte. Au moment de cette mobilisation interprofessionnelle à laquelle appellent ont appelé cinq organisations syndicales de la fonction publique (CGT, FO, FSU, Solidaires et FA-FP) l’IFOP a publié un sondage sur « le rapport des Français aux fonctionnaires à l’heure de la manifestation du 5 octobre ». Même s’il faut avoir en tête que ce sondage a été commandé par un organisme privé Cartegrise.com qui vise la dématérialisation des demandes d’immatriculation, il nous faut regarder les résultats, non pour en faire une vérité mais parce qu’il donne une image de ce que pensent les sondés et qui va à rebours de ce que nous portons en se prononçant « en faveur de plusieurs pistes de réforme touchant au statut des fonctionnaires dans notre pays » : 76 % sont favorables à l’alignement des régimes de retraite des fonctionnaires sur ceux du privé, tant chez les sympathisants de gauche (73 %) que ceux proches de la droite (87 %); 65 % « adhèrent à la proposition d’augmenter le temps de travail des fonctionnaires et 55 % ne seraient pas opposées à la remise en cause de leur sécurité de l’emploi ; 52 % des personnes interrogées adhèrent à la baisse des effectifs avec un clivage droite gauche, 36 % des sympathisants de gauche contre 70 % des électeurs proches de la droite. Les sous-investissements, la casse des services publics, les suppressions massives de postes fragilisent ces services publics et nuisent au service rendu pour les usagers. Il y a donc une certaine colère qui s’exprime vis-à-vis d’eux et de ses agents sans que ces usagers n’analysent les raisons pour lesquels de tels dégradations existent. Face aux difficultés, les usagers en viennent eux même à demander les transformations voulues par le gouvernement. Nous avons à mieux expliquer encore la nécessité des services publics, leur indispensable renforcement (le contexte COVID doit nous y aider) et dire ce que provoquerait augmentation du temps de travail, fin de la sécurité de l’emploi et retraites alignées sur le privé.
Si de notre côté nous en sommes convaincus, nous avons avec la FSU à essaimer en dehors de notre microcosme.
Parlant d’investissement, on ne peut pas ne pas parler du presque candidat Macron qui de sortie en sortie fait de nombreuses annonces. Certaines pourraient paraitre positives, d’autres non mais quelle réalité de ces discours à la veille des élections présidentielles ? Qu’a-t-il fait pendant cinq années de pouvoir ? Il faut lui reconnaitre toutefois un éclair de lucidité le 12 octobre même si ce dernier est bien tardif : « On a ces dernières années sous investi en éducation, formation, enseignement supérieur et la recherche »… Si cette assertion est vraie au regard des chiffres, la dépense en éducation est passée de 7.6% du PIB en 1999 à 6.6%. Elle bat en brèche toute la communication de Blanquer qui ne cesse de répéter à longueur d’antenne que jamais un gouvernement n’avait autant investi dans l’Education et pour ses enseignants… La réécriture de l’histoire par Blanquer a parfois des limites et le réel rattrape souvent celui qui s’y adonne.
Dans le même temps, Macron a annoncé son grand plan « France 2030 » doté de 30 milliards d’euros déployés sur 5 ans. 10 objectifs pour « mieux comprendre, mieux vivre et mieux produire » : 8 milliards d’euros pour le secteur de l’énergie, afin de construire une France décarbonée et résiliente (le nucléaire est mis en avant), 4 milliards d’euros pour les « transports du futur » avec notamment l’objectif de 2 millions de véhicules électriques et hybrides. 2 milliards d’euros pour une nouvelle révolution de l’alimentation saine, durable et traçable, 3 milliards d’euros pour le secteur de la santé (développement médicamenteux), – On peut y voir aussi dans ces annonces, une forme de réponse à la condamnation de la France à réparer les conséquences de son inaction climatique au plus tard le 31 décembre 2022 suite aux actions entreprises dans le cadre de « l’affaire du siècle ».
Dans le domaine culturel, le président fixe l’objectif que la France devienne le premier pays producteur de contenus culturels et créatifs et enfin 2 milliards d’euros pour la nouvelle aventure spatiale et les fonds marins
Bref un plan pour un futur mandat…
Lors de son déplacement consacré aux Jeux Olympiques et Paralympiques à Paris, le président de la République a annoncé le financement et la construction de 5 000 installations sportives. Un plan de 250 millions d’euros qui sera à la main de l’Agence nationale des sports. Concrètement dit-il il y aura 1 000 stades, 1 000 dojos, 500 courts de tennis, et 500 courts de paddle-tennis d’ici trois ans.
250M€ pour ces 5000 équipements de proximité soit 40 000 euros par équipements… quand le coût d’un gymnase avoisine le million d’euros voir plus, on mesure tout de suite le décalage entre ses grandes annonces et la réalité de ce qui pourra être fait. Comme à l’habitude, il rejette sur la responsabilité territoriale l’effectivité de sa volonté politique. Ce n’est pas de ce type de volontarisme dont nous avons besoin mais d’un réel plan d’investissement financé sur le long terme.
Au plan Politique
On constate avec consternation la zemourisation du débat politique. Comme à chaque échéance électorale maintenant, les questions d’identité, d’immigration, de sécurité prennent le pas sur les questions sociales qui sont au cœur d’un « vivre ensemble ».
Blanquer s’inscrit dans cette logique en créant son think tank « le laboratoire de la République » afin, dit-il, de remporter « la bataille des idées » en défendant notamment « l’humanisme et l’universalisme » face au « wokisme ». Au regard de ses expressions et de sa politique on peut très largement douter de sa volonté de défendre « la République, indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Ou, en tout état de cause, il défendra une certaine conception de la laïcité, de la démocratie et du social… Quand on voit le soutien de la députée LREM Aurore Bergé, on ne doute pas du haut niveau de réflexion de ce nouveau think tank…
A l’instar du collectif racine, collectif de profs défendant les idées du FN devenu RN, nous avons maintenant en notre sein un collectif de prof zemmourien qui commence à polluer les réseaux sociaux… Ce sont les mêmes mouches qui ont juste changé d’âne.
L’augmentation du coût de l’énergie et des carburants aura au moins cet effet bénéfique qu’il permet de replacer dans le débat les questions sociales de coût de la vie, de pouvoir d’achat… avec la peur latente pour nos gouvernants d’une reprise d’un mouvement social de type gilet jaune. Il est toujours malheureux qu’il faille des crises pour que le politique se préoccupe des questions essentielles pour nos concitoyens.
La campagne électorale débutant et les candidats émergeant, il nous faut commencer à regarder de près les différentes propositions concernant l’Ecole, notre première responsabilité mais aussi à mettre ces dernières au regard du projet global développé. Des propositions émergent suite aux annonces de Macron à Marseille et d’Hidalgo sur le salaire des enseignants qui ont été le déclencheur…
Pour autant, pour l’heure, rien n’est dit de ce qui, concrètement se mettrait en place et il faut rester prudent face aux tentatives des politiques de plaire à certains électorats.
Chez LFI on trouve la proposition de mettre fin à Parcoursup et de donner les moyens pour accueillir tous les étudiants à l’université, « refonder la recherche fondamentale » pour davantage de sciences humaines, la titularisation de tous les agents et la fin de « l’évaluation permanente et sa paperasse ». Il souhaite par ailleurs une revalorisation des enseignants de « 15 % dès l’élection » puis « 15 % supplémentaires à négocier avec les syndicats » pour un coût total de 17 Md€, la volonté d’abroger les réformes de Hollande et de Blanquer sur les collèges et lycées et de supprimer le contrôle continu au baccalauréat, Il rétablir le bac professionnel en quatre ans, créer des établissements du CAP au BTS et une allocation mensuelle pour chaque lycéen professionnel de 1 063 euros à partir de 16 ans…
Pécresse quant à elle reste sur le logiciel traditionnel de droite : fondamentaux et autorité. Elle propose l’organisation d’une vraie conférence sur le financement de l’université pour préparer « l’étape 2 de l’autonomie » des universités, elle souhaite créer une » banque nationale des jeunes » qui financerait les études et envisage un ministère de l’Industrie et de la Recherche, pour décloisonner recherche publique et privée. Par ailleurs, elle annonce vouloir créer des « écoles publiques sous contrat » dans lesquelles il y aurait plus de français et de mathématiques en cycle 2, un examen d’entrée en 6e Enfin, elle veut « régionaliser le recrutement des enseignants du secondaire et la gestion de leur carrière » et donner plus d’autonomie aux EPLE sans oublier sa volonté de supprimer 150 000 postes de fonctionnaires.
Pour le parti communiste il y a une proposition visant à revoir le temps scolaire des élèves pour le porter à 32h, un plan de recrutement de 90 000 enseignants, une diminution du nombre d’élèves par classe pour le porter à 20/25, une revalorisation salariale qui s’inscrit dans une volonté de dégel de la valeur du point d’indice pour tous les agents de la fonction publique dans le but d’augmenter « de 30% les salaires en trois ans ».
Pour boucler ce petit tour, Zemmour, quant à lui, annonce la suppression des aides sociale aux familles d’élèves perturbateurs, la restauration de la fonction de proviseur chargé de faire respecter l’ordre dans les établissements (le grand retour des surveillants généraux pour ceux qui ont connu) et de « retrouver l’école du mérite, de l’excellence, de l’effort et de l’autorité : celle qui fabriquait des Français, et des Français bien faits, qui savent lire, écrire, compter ».
Ces quelques exemples non exhaustifs montrent qu’il faut nous atteler à un décryptage des projets mais aussi à une rencontre avec celles et ceux qui maintenant sont candidats, candidates. A titre d’exemple, Bruno ayant participer à une réunion au PCF a porté l’exigence des 4heures d’EPS qui semble avoir recueilli l’assentiment. Mais pour l’heure, ce qu’on peut dire de manière globale c’est que rien de bien neuf se dessine en dehors de quelques propositions dont nous avons du mal à imaginer les mises en œuvre (je pense notamment à l’abrogation des réformes collège et lycée qui ne dit pas si la volonté est un retour à la situation ante et si c’est pour construire tout autre chose).
Quelques mots encore sur l’Ecole
1369 créations de postes ETPT dans le 1er degré. On pourrait s’en féliciter si, dans le même temps, il n’y avait pas 38% de contractuels recrutés en plus par rapport à l’an dernier et si ces créations ne s’opéraient pas par redéploiement : 1354 emplois supprimés dans le 2d degré. La communication ministérielle sur l’évolution des emplois (+913) est trompeuse parce que les AESH maintenant en CDI (900) intègre le plafond d’emploi dont ils étaient absents lorsqu’ils étaient en CDD. Par ailleurs, les dépenses du second degré augmentent de 1,5% alors que le nombre d’élèves explose et que le taux d’inflation pour 2021 est de 2,1%
Comment être dupe des communications du ministre qui vise à faire la démonstration que jamais un gouvernement n’avait autant investi…
Le fait le plus remarquable de ce budget est le favoritisme vers l’enseignement privé qui connait une hausse budgétaire de 3% alors qu’il y a suppression de 159 postes…
Un autre fait remarquable en ce mois d’octobre et qui est loin d’être anecdotique et montre le malaise à tous les étages est la manifestation devant le cabinet du ministre des personnels de l’administration centrale. Ce qui les a mobilisés est la note de service publiée au BO du 3 décembre 2020 qui impose le détachement dans des corps administratifs des 130 enseignants qui travaillent dans l’administration centrale ce qui, de fait précarise leur situation.
Je ne parlerai pas ici des problématiques liées à la formation des enseignants, aux lignes directrices de gestion, de la possibilité pour les temps partiel de recourir aux heures supplémentaires, de la fonctionnalisation de l’IGÉSR ou encore de la loi Rilhac qui vient d’être adoptée en deuxième lecture au Sénat…, nous aurons probablement l’occasion d’y revenir au cours de ces deux jours.
Par contre, un an après l’épouvantable assassinat de Samuel Paty, le débat sur la laïcité est plus vif que jamais. La commémoration de cet assassinat au sein des classes a une nouvelle fois mis nombre d’enseignants face à la difficulté et à leur solitude. D’autre part, les révélations sur les violences sexuelles au sein de l’Eglise ont mis en exergue le fait que la lutte des religieux contre le principe de laïcité n’était pas éteinte et que le président de la conférence des évêques de France s’est senti autorisé à dire que le secret de la confession était plus fort que les lois de la République…
Je l’ai déjà dit ici mais ce thème de la laïcité largement instrumentalisé par les politiques et divers groupes, doit être plus fortement investi par notre syndicalisme. Dans notre syndicalisme de transformation sociale émancipatrice, il est une pierre angulaire du vivre ensemble, de la liberté de conscience, de penser, de s’exprimer. Si nous voulons transformer la société alors il faut que chacun-e soit émancipé et puisse porter dans le débat public non des croyances mais sa libre opinion étayée.
Blanquer, lui, a une nouvelle fois franchi les limites. Comment un politique qui développe la précarité, la concurrence, l’explosion des collectifs, la répression contre les expressions des enseignants et donc est à rebours des principes républicains de liberté, d’égalité, de fraternité et qui par ailleurs favorise l’enseignement privé, s’épanchait dans les colonnes d’extrême droite montrant une certaine conception personnelle de la laïcité ose dire au CNAM « Si quelqu’un a un problème avec les valeurs de la République, ça peut être possible sur le plan démocratique, en tant que citoyen français, par contre ce n’est pas possible en tant que fonctionnaire de la République » « si vous ne les transmettez pas et si même vous militez contre les valeurs de la République, éventuellement sortez de ce métier, parce que vous vous êtes trompés à un moment donné »… drôle de conception du fonctionnaire / citoyen et des principes républicains qui s’imposeraient aux uns pendant que d’autre s’en exonère… Cela ne préjuge rien de bon concernant l’oral 3 des concours installé par Blanquer.
Pour terminer parce que j’ai dit ne pas vouloir faire un long topo, nous sommes maintenant engagés dans une campagne ayant pour mot d’ordre les 4h d’EPS de la sixième à la terminale, mot d’ordre qui permet de tirer l’ensemble des fils pour une transformation de l’Ecole et une revitalisation qualitative et quantitative de l’EPS.
A ce stade, nous avons réalisé la journée commémorative des 40 ans de l’EPS au sein du MEN, journée qui de mon point de vue a été riche et qui nous permet aussi de dégager des éléments de débat pour continuer à avancer sur notre projet. Il faut qu’au sein des différents groupes nous puissions en tirer un bilan critique.
Nous avons, dans le cadre du PLF rencontré l’Assemblée nationale sur le budget sport. Audition assez ubuesque, le rapporteur nous disant ne rien connaitre au sport ni au budget, ce qui est un révélateur important de tout l’intérêt que porte la représentation nationale à l’objet sport…
Nous avons également rencontré le sénat sur le PLF éducation nationale mais sur le volet « sport à l’Ecole ». Le rapporteur est ici Grosperin que nous connaissons bien… En fin d’audition, il a convenu que l’augmentation de horaires serait un bon signal à apporter.
Les interpellations des parlementaires via le mailing suivent leur cours.
Une rencontre était prévue hier à l’assemblée nationale avec les députés Juanico et Tamarelle-Verhaeghe suite à leur rapport « Évaluation des politiques de prévention en santé publique » qui propose notamment de passer les horaires d’EPS en lycée à 3h. Coralie, Andjelko ou Nathalie nous en diront plus.
Nous sommes maintenant dans la phase de finalisation de la « semaine de l’EPS » avec pas mal d’initiatives qui se construisent (dont nous reparlerons) puis nous aurons notre congrès qui devra se terminer sur un appel fort dans le cadre de la campagne.
Bref, la campagne bat son plein, il nous faut travailler pour mener tout cela de front et jusqu’au bout en veillant surtout à la médiatisation des opérations. D’autant que d’autres mobilisations plus générales sont programmées et dont nous avons à être partie prenante : une mobilisation contre les VSS les 20 et 25 novembre, une action climat le 6 novembre à Paris, une construction de mobilisation à venir dans le supérieur avec les STAPS, pour n’en citer que quelques-unes et que nous avons d’autres combats à mener (usure professionnelle) … Je pense notamment à la question de l’« usure professionnelle » et de l’enquête qui a été lancée parce que nous avons l’objectif de pousser à la création d’un GT spécifique sur les conditions de travail des enseignants d’EPS et les fins de carrière.
Une des discussions qu’il nous faut avoir est de savoir si le dispositif que nous avons construit est suffisant ou s’il faut envisager d’autres actions et, si nous avons la capacité de nous projeter, de voir quelles suites y donner pour voir aboutir nos revendications sans occulter le fait qu’après notre congrès nous serons toutes et tous en plein congrès FSU.