Spécialité : Éducation physique, pratiques et culture sportives

Monsieur le Directeur Général,

Après consultation du projet présenté par la DGESCO aux organisations syndicales le mardi 13 avril dernier, nous proposons quelques réflexions avant que le texte programme ne soit publié.

Globalement, nous ne souhaitons pas que le texte actuel soit dégradé. Les leçons du passé récent des programmes lycées ou collège, où l’administration contre l’avis de la profession avait fait table rase du travail du CSP, nous appelle à la vigilance. Mais nous pensons que des choses peuvent être encore améliorées.

Nous avons comme repère les anciens programmes de l’enseignement de complément, le travail fourni par les équipes dans le cadre de l’expérimentation actuelle d’enseignement renforcé ainsi que les programmes publiés dans l’ensemble des spécialités.

Notre point de vue ici, en plus du texte proposé, tient compte de cet ensemble. Comme vous le savez sans doute, nous sommes opposés à la réforme du lycée qui a totalement désorganisé les lycées, augmenté les inégalités, mis les élèves dans un stress permanent. Nous faisons malgré tout des propositions en tentant de positionner la spécialité en cohérence avec l’ensemble, tout en mettant en évidence sa spécificité et son originalité.

Si cette spécialité a un intérêt, c’est par ce qu’elle apporte de différent des autres. Sans rentrer dans les détails, c’est l’étude d’activités sportives ou artistiques qui caractérise son apport, en proposant un aller-retour permanent entre théorie et pratique. C’est en cela que, par exemple, l’approche du corps se différencie des SVT, comme l’incarnation des « valeurs » se différenciera de la philosophie. Nous nous retrouvons donc dans l’idée de la lettre de saisine « Le programme de cet enseignement s’appuiera sur la complémentarité des apports pratiques et des contenus théoriques issus de différents champs disciplinaires (EPS, sciences, humanités), sur la pratique et la culture sportive ». Et les propositions du texte présenté vont aussi dans ce sens.

Deux remarques exprimées lors de la consultation par les autres syndicats nous semblent contradictoires avec cette saisine :

Certains voudraient que cette spécialité incarne à elle seule toutes les spécialités, pour correspondre à tous les profils des élèves et à tous les attendus de Parcoursup ! D’où l’idée de vouloir tout circonscrire avec des apports théoriques qui couvriraient tout l’univers culturel des possibles en convoquant tous les champs disciplinaires. Or il nous semble important de se décentrer et d’appréhender cette spécialité dans le parcours global de l’élève. Les élèves eux-mêmes, par les choix de leurs spécialités autres que l’EPPCS, complèteront leurs formations et connaissances. Le risque le plus grand de cette posture qui se voudrait « totale » serait un programme infaisable, irréalisable mais surtout in fine qui n’intéressera personne : pourquoi prendre cette spécialité qui n’aurait rien de spécifique ?

D’autres y voient un mini STAPS, avec une centration trop grande sur les pratiques. Au-delà du mépris sous-jacent pour la pratique physique qui ne serait pas digne d’études supérieures, si ce n’est en STAPS, là aussi il nous semble que cette vision procède d’une vision réduite des combinaisons de spécialité choisies par les élèves et leur complémentarité. De plus c’est méconnaitre les STAPS qui proposent par exemple très peu de pratique physique notamment en première année et qui recherchent des étudiants aux profils les plus divers.

Le projet de programme présenté à la consultation

Depuis notre courrier au CSP, certaines de nos propositions semblent avoir été en partie prises en compte, notamment une certaine réduction possible du nombre d’APSA à enseigner. La DGESCO a proposé elle aussi des améliorations du texte notamment :

Préambule

La nouvelle rédaction du premier des objectifs principaux :

« L’amélioration du niveau de compétence dans plusieurs APSA.

A travers la pratique d’APSA diversifiées, les élèves renforcent leurs capacités motrices, affinent leurs habiletés et accroissent leurs performances. Ils développent une aisance motrice éprouvent des émotions, source d’épanouissement, de bien être, de santé et d’investissement pérenne dans la pratique physique »

est plus ambitieuse et préférable à celle proposée par le CSP :

« Le développement de compétences dans plusieurs APSA. A travers la pratique de plusieurs APSA, les élèves affirment une disponibilité et une aisance motrice, sources d’épanouissement et de santé ».

L’organisation de l’enseignement

La lettre de saisine du CSP précisait « Cet enseignement devra permettre aux élèves de développer : une pratique approfondie d’activités physiques, sportives et artistiques… »

La durée minimale d’une séquence (18h) indiquée dans le texte est faible au regard du volume global et même en dessous de celle de l’enseignement commun. Cette logique de faiblesse horaire combinée à la multiplication des APSA étudiées, déjà à l’œuvre en EPS a produit ce que l’on nomme « des éternels débutants », les élèves changeant en permanence d’APSA qui leur interdit d’apprendre réellement. La poursuite de cette logique dans la spécialité produirait des « éternels débutants spécialisés », empêchant par là-même une réelle « incorporation » des connaissances et savoirs.

Autour de 30h nous paraît être la bonne durée d’une séquence pour obtenir un réel approfondissement et éviter dispersion et saupoudrage.

De plus, dispersion et multiplication d’APSA, et en l’absence de référentiels nationaux, risqueraient de rendre les modalités et formes d’évaluation très complexes à gérer et inégalitaires sur le territoire.

Apports Pratiques

Le programme précise « il s’agit d’amener les élèves à rechercher une efficacité maximale dans les APSA afin de réaliser des performances de niveau supérieur à celui attendu dans l’enseignement commune d’EPS. » Pour clarifier les choses et éviter une contradiction fâcheuse, dans le chapitre suivant du programme les contenus des séquences d’APSA ne peuvent donc seulement se référer aux attendus définis pour l’enseignement commun d’EPS, mais doivent être déterminés à un niveau supérieur. De plus, il nous semble nécessaire de définir des attendus de fin de lycée de spécialité au niveau national et par APSA. Le patrimoine professionnel des enseignant·es d’EPS est riche de référentiels (cf. le niveau 5 du BO n°36 du 03/10/19).

Apports Théoriques

Pour les apports théoriques, la rédaction en termes d’objectifs d’apprentissages et non plus en termes d’exemple de contenus possibles, nous semble aller dans une délimitation plus précise de ce qu’il y a à apprendre, et son caractère national évite de reposer le contenu d’enseignement entièrement sur des choix d’équipes et de créer des inégalités territoriales.

La richesse proposée par le texte est très grande. Les axes de questionnement et objectifs d’apprentissage sont déjà nombreux, et ce programme est très ambitieux, nous pensons même qu’il faudrait un peu l’alléger : nombre d’étudiant·es ne maitrisent pas la totalité des contenus proposés à l’issue de la licence STAPS ! En conséquence, nous ne souhaitons pas proposer d’autres axes supplémentaires de questionnement et d’objectifs d’apprentissage, bien que certaines problématiques auraient mérité d’être traitées (par ex : l’impact environnemental des pratiques sportives). Par contre, la liste sélective des apports théoriques proposée ici devrait à notre sens faire régulièrement l’objet de révision.

Un corpus, livret d’accompagnement devra ensuite être fourni comme ressource pour les enseignant·es, en espérant que le service public sera en mesure de le faire avant les éditeurs privés…

Des moyens horaires pour les équipes afin de mettre en place ce programme inédit doivent être alloués, et s’accompagner d’une formation professionnelle.

Un fil rouge : l’entrainement

A notre sens ce qui doit être renforcé dans ce programme, c’est l’articulation entre les apports pratiques et théoriques. Les croisements possibles entre les objectifs d’apprentissage des apports théoriques et l’approfondissement des apports pratiques des APSA.

Pour ne pas que toute cette richesse ne produise un patchwork qui serait problématique à décrypter, pour les enseignant·es comme pour les élèves, il nous semble qu’une démarche unificatrice doit être proposée. Selon nous il s’agit de l’entrainement (entendu au sens large comme moyen rationnel d’apprendre, donc de se transformer, pour obtenir un résultat). Couplé à l’organisation d’un évènement sportif ou artistique en fin d’année, il permet d’agréger toutes les pratiques et connaissances pour leur donner un sens individuel et social. C’est pour nous la matrice même de cette fameuse incarnation ou incorporation, cet apprentissage « par corps » qui donne son intérêt à cette spécialité. L’entrainement dépasse le simple et seul objectif de l’amélioration de la performance sportive. L’entrainement, par sa durée et ses objectifs, permet une mise à l’épreuve des éléments étudiés dans l’enseignement de spécialité, il constitue le terrain idéal pour des allers-retours signifiants entre théorie et pratique (ex : connaissances physiologiques sur le développement musculaire et entrainement en musculation).

Voici résumées, rapidement, les grandes lignes de ce que porte le SNEP FSU pour le programme de l’enseignement de spécialité.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Directeur Général, en notre profond attachement au service public d’Education.

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