Le mouvement social dévoile un écart abyssal entre volonté populaire et politiques néolibérales. Après l’artillerie législative utilisée et des débats plus qu’insincères, de nombreux constitutionnalistes laissaient peu de doute sur la censure totale de la loi. C’était sans compter que si le Conseil Constitutionnel (CC) juge en droit, il a une composition particulière (3 membres nommés par le président de la République, 3 par le président de l’Assemblée Nationale, 3 par le président du Sénat). Si le SNEPFSU n’attendait pas grand-chose de cette décision, il en prend acte, mais elle ne change pas la nature d’une loi injuste, brutale et illégitime. Continuons l’action pour gagner le retrait et construire les conquêtes sociales de demain.
« Chemin démocratique » ou « chemin institutionnel » : une question de légitimité.
Il y a plusieurs semaines, E. Macron annonçait sa volonté de poursuivre le « chemin démocratique » de la loi. A l’heure où ces lignes sont écrites, cette dernière vient d’être validée par le conseil constitutionnel et promulguée dans la nuit suivante par le Président, est-ce cela le « chemin démocratique » ? Evidemment, nous pourrions dire que le « chemin institutionnel » est arrivé à une étape de validation de la loi. Il restera à la mettre en œuvre par décrets.
Pour autant, la loi est-elle validée démocratiquement ? Cela dans un contexte où plus de 2 français·es sur 3 y sont opposé·es, où des millions de français·es ont manifesté, ont fait grève, depuis des mois pour dire leur opposition, où les syndicats de salarié·es sont unanimement contre, où les député·es y sont majoritairement opposé·es et ont été empêché·es de voter, où les débats ont été « tronqués » tant par leur organisation (47.1, art 38 au Sénat) mais aussi par des mensonges répétés des ministres((reconnus par le conseil constitutionnel dans son avis 69 la circonstance que certains ministres auraient délivré, lors de leurs interventions à l’Assemblée nationale et dans les médias, des estimations initialement erronées ». Il est d’ailleurs étonnant que cela n’ait pas entrainé une invalidation pour insincérité des débats)) .
Dans cet exemple précis, chemin institutionnel ne vaut pas chemin démocratique .
Les institutions ne répondent aucunement aux intérêts et volontés majoritaires et populaires.
D’un mouvement syndical à un mouvement social…
La lutte engagée depuis le 19 janvier, impulsée par une Intersyndicale unie a pris de l’ampleur. La revendication commune « 64 ans c’est non » affirme que ce n’est pas aux travailleurs de payer par 2 ans de vie, le financement des retraites .
Le syndicalisme, dont le SNEP-FSU, a développé ses analyses, arguments, a décortiqué la réforme et porté des contrepropositions .
C’est une étape indispensable pour faire avancer les idées. Nous avons aussi mis en place des outils (tract aux parents et aux étudiants STAPS notamment) pour renforcer la campagne d’opinion .
Le mouvement a largement dépassé la base syndicale et est devenu le plus grand mouvement social, par le nombre et la durée, de ces 50 dernières années .
… à une aspiration démocratique
Depuis des mois, la population confirme son opposition à la réforme, sa volonté de tout autre chose (un sondage annonçait que 68 % des français étaient favorables à la retraite à 60 ans). Sans majorité à l’Assemblée Nationale pour voter son texte, Macron a utilisé le 49.3. Enlever la possibilité de voter aux député·es, après de longs débats et une mobilisation sociale historique, n’est pas la vision que les citoyen·nes se font de la démocratie. Ainsi, les cortèges se sont renforcés, avec la jeunesse, mais aussi des personnes qui n’étaient pas contre la retraite à 64 ans ! La crise démocratique est totale, l’avis du conseil constitutionnel la renforcera sans doute, car dans le même temps celui-ci a rejeté la demande de Référendum d’Initiative Partagé.
49.3 : la fin des débats et le début de la répression !
La résignation espérée par le pouvoir n’a pas eu lieu et la mobilisation grandit depuis janvier. Les arguments des organisations syndicales ont gagné la bataille des idées. Il ne reste donc plus que la force pour le pouvoir .
Depuis le 49.3, interpellations arbitraires, violences policières, intimidations, répressions se sont multipliées. Nous les condamnons .
Le SNEP, avec la FSU et de nombreuses organisations, alerte sur une situation dangereuse pour les libertés publiques. Avec un ministre de l’intérieur qui renvoie l’opposition à du « terrorisme intellectuel », qui souhaite dissoudre des mouvements de protection de la nature ou baisser les subventions d’associations telle que de la LDH, le danger est fort .
De nombreux organismes, en France comme à l’étranger, ont condamné la répression : la défenseure des droits de la République Fran- çaise, la commission consultative des droits de l’homme, le syndicat de la magistrature, Amnesty International, la commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe… Le « classement » de la pétition sur le site de l’Assemblée Nationale pour la dissolution de la BRAV-M montre que même le droit de pétitionner est remis en cause .
Nous devons avoir une vigilance accrue sur les libertés publiques dans la période : celle de s’exprimer et de manifester notamment.
Aller plus loin que le retrait : un véritable enjeu !
Le mouvement montre une volonté forte d’arrêter de subir après des années d’impositions néolibérales. C’est une manière de « relever la tête » et de dire notre volonté de reprendre en main les affaires qui nous concernent : retraites, travail, notamment dans le champ syndical. Alors que depuis des années, le néolibéralisme a tout fait pour déposséder les salarié·es de leur travail (management, sens du travail, baisse des droits, …) et pour nier leur voix, notamment en affaiblissant les syndicats, c’est une excellente nouvelle… Ce processus n’est pas prêt de s’arrêter, nous appelons à l’amplifier dans tous les établissements .
Il faut donc gagner sur les retraites (60 ans et 75 % pour tous et toutes pour le SNEP-FSU((En janvier 2023, un sondage IFOP pour Politis annonçait que 68 % des français souhaitaient une réforme de l’âge de départ.. pour la retraite à 60 ans !)) !) .
Il est aussi nécessaire de « reprendre la main » sur de nombreux sujets (protection sociale, services publics, économie, …). Mais aussi sur des sujets spécifiques pour être souverain·es sur notre métier de professeur·e d’EPS : la formation initiale et continue, les contenus disciplinaires, la certification, le sport scolaire, les créations de postes, … Sur tous ces sujets, l’administration avait mis en place des instances de démocratie sociale (coordos FPC, élu·es des AS, CTSD, etc.). Soit ces instances ont été supprimées ou transformées, avec souvent baisse des moyens afférents, soit la voix des personnels y est de plus en plus difficilement prise en compte. C’est bien d’une grande vague démocratique, dans notre métier, et au-delà, dont il est question. Il est de la responsabilité de chaque enseignant·es d’y participer, de prendre des responsabilités à tous les niveaux pour permettre cette réappropriation de notre métier : ne laissons plus faire : soyons acteurs et actrices du métier de demain .
Continuons la lutte : nous allons gagner, si ce n’est aujourd’hui, ce sera demain. Un élan démocratique, social et citoyen s’est levé.