La réforme envisagée par le gouvernement avec le doublement des stages en milieu professionnel (de 22 à 33 semaines), la possibilité de déroger au cadre national en décidant localement des grilles horaires des disciplines, en privilégiant les « savoirs fondamentaux » (français, mathématiques) marque la fin de toute ambition de formation générale émancipatrice des jeunes de la voie professionnelle. Ce projet assigne les jeunes à résidence et les enferme dans un adéquationnisme de la formation avec les bassins d’emploi et les métiers sous tensions alors même que si ces dernier·ères le sont c’est en général du fait de conditions de travail et salariales déplorables. La réforme vise juste à former de la main d’œuvre pour les entreprises qui en ferait la demande… Il ne s’agit plus d’élever le niveau de formation et de qualification d’un tiers de la jeunesse en lycée mais de répondre à des besoins économiques immédiats. Ce n’est pas le rôle de l’École, du système public d’Éducation et il s’agit d’un projet dangereux pour nos élèves, pour notre société. Par cette entremise c’est une remise en cause de l’ensemble du système appelé à trier davantage pour d’une part dégager une élite et de l’autre former une main d’œuvre à la main du patronat. C’est là toute la vision développée par le macronisme basée sur une fracture sociale marquée.
Si ce projet est catastrophique pour les élèves et pour la voie professionnelle qu’en sera-t-il pour les autres niveaux et pour les personnels ?
À terme, les impacts de cette réforme pourraient être extrêmement lourds :
- Une baisse des horaires disciplinaires
Après la dernière réforme qui a amputé les horaires disciplinaires en EPS, le doublement des stages aura pour conséquence mécanique une nouvelle baisse des horaires. Par ailleurs, en dehors de cet aspect, mettre une focale sur ce que le ministère appelle des « savoirs fondamentaux » tout en laissant la main aux établissements de définir les grilles horaires en dehors de tous cadres nationaux, la conservation des horaires d’EPS s’avérera bien plus compliquée.
- Une minoration des savoirs culturels
Dans le cadre d’un projet qui met à bas l’exigence d’acquisition d’une culture commune permettant aux élèves de devenir des citoyen·nes libres et éclairé·es, de s’insérer dans le monde, d’en être acteur·rice, la discipline EPS et ses savoirs culturels risquent d’avoir à servir le projet d’adéquationnisme professionnel. Le risque est assez conséquent de voir revenir l’Éducation Physique Utilitaire et Professionnel pour former les élèves aux différentes postures aux postes de travail qu’ils pourraient occuper.
- Un devenir des BTS en question
La « voie royale » désignée par le ministère lors de la précédente réforme était la poursuite d’étude en sections de BTS partant de l’analyse fallacieuse que ces jeunes n’étaient pas armé·es pour l’enseignement supérieur en université. Lors d’audiences, il apparait que la fermeture des filières tertiaires « peu insérantes » et coûteuses en poursuite d’étude seraient d’ores et déjà sur la sellette. Le but de la réforme n’est pas l’augmentation des qualifications mais d’améliorer l’employabilité immédiate des élèves. Si elle se mettait en place, combien d’entre eux·elles se dirigeraient alors vers une poursuite d’étude ? Le risque de voir s’éteindre nombre de filières de BTS est grande avec à la clef nombre de suppressions de postes.
- Vers la fin du collège unique ?
Dans le cadre de cette réforme, seront mises en place des demi-journées de découverte des métiers au collège dès la cinquième. Le but non avoué est bien de diriger le plus tôt possible les élèves vers l’enseignement professionnel nouvel mouture. Si cet objectif était rempli, nul doute que nous assisterions à la recréation de filières dès le collège pour trier les élèves en fonction des orientations qu’on leur destine. Ici encore le risque est grand que des heures d’enseignements soient une nouvelle fois perdues au profit de ces temps de découverte des entreprises locales…
- Un blocage des possibilités de mutation
La réforme va engendrer, à n’en pas douter, des suppressions de postes en LP. Pas forcément de suppressions sèches mais, comme cela est permis maintenant par décret du mois de juin dernier permettant aux collègues de LP de candidater sur des postes de lycée ou de collège, un transfert de la voie professionnelle vers la voie GT et les collèges. Le besoin en enseignant·es serait donc « amoindri » et impacterait le nombre de postes aux concours. Allié à la réforme de la FDE avec des stagiaires à temps plein, les postes seraient préemptés, d’autres non ouverts et bloqueraient le droit à mobilité.
Comme on le voit par ces quelques exemples probablement non exhaustifs, tout le système, tou·tes les enseignant·es seront touché·es par cette réforme. Ne pas la laisser passer est donc primordial !