Les espaces de l’EPS, une exigence de sécurité

Un des objectifs de l’éducation physique et sportive, discipline scolaire obligatoire durant toute la scolarité et dans toutes les voies de formation, consiste à éduquer à la sécurité, plus précisément à développer chez les jeunes des compétences leur permettant d’apprécier la dangerosité de diverses situations auxquelles ils sont ou seront confrontés, de les prévenir, de juger des risques éventuels pour leur propre intégrité physique ou pour celle d’autrui, enfin de faire des choix, prendre des décisions pour assurer leur sécurité.

Cette éducation s’opère dans le cadre de programmes réglementaires, par la confrontation à une diversité de situations que permet de créer le traitement des activités physiques et sportives de notre temps à des fins éducatives.

C’est là un enjeu de l’école moderne qui doit préparer les jeunes à agir et réagir au sein d’une société qui demande de plus en plus de capacités d’adaptation et des décisions rapides, justes, efficaces.

Pour atteindre ces objectifs, la prise de risque dans l’activité doit être ressentie comme telle par l’élève ; elle est un des moteurs de cette activité, même si le risque « objectif » est réduit au maximum. Il faut rappeler que nous nous situons dans un cadre imposé correspondant à l’obligation scolaire, l’élève ne choisissant pas de pratiquer ou non l’activité mais devant se conformer aux exigences de l’institution. La notion de « risque accepté » par le pratiquant ne peut donc pas être retenue.

C’est dire que l’institution scolaire, ainsi que l’ensemble des collectivités responsables qui interviennent dans le cadre de la décentralisation, mais aussi bien évidemment l’enseignant, agent de cette obligation scolaire, tous, doivent offrir aux jeunes des conditions optimales de sécurité matérielle, à partir desquelles l’activité scolaire pourra ensuite se développer. C’est d’ailleurs globalement le cas, l’Ecole étant un lieu particulièrement sécurisé !

L’état des équipements utilisés pour l’EPS

Pour autant et au regard de la sécurité, on ne peut pas dire que les bases matérielles (installations et matériels) utilisés pour l’enseignement de l’EPS soient dans un état irréprochable.
C’est ce qui ressort des enquêtes réalisées à plusieurs reprises ces dernières années par l’Observatoire National de la Sécurité des Etablissements Scolaires (ONSES) crée en 1995.

Ainsi pour ce qui concerne l’état des équipements sportifs intégrés aux établissements du second degré (enquête réalisée dans cinq départements en 2002) :

  • la plupart des installations et matériels sont très anciens (20 ans et plus), l’entretien y étant très souvent inexistants,
  • la conséquence : les enseignants considèrent les équipements inadaptés à leur fonction (37 % des fosses de réception, 36 % des pistes d’athlétisme…),
  • à l’inverse les matériels soumis à une réglementation (handball, basket-ball, football) sont jugés adaptés dans plus de 80 % des cas.

En 1998, une enquête réalisée auprès de 1 900 établissements du second degré (publics et privés) concernant l’ensemble des équipements utilisés (intégrés et extérieurs) montrait par exemple que dans de nombreux gymnases (1/3) on relève des problèmes de fuites, d’infiltrations d’eau, venant en particulier des toitures, provoquant des risques graves de glissades sur les sols. 40 % des gymnases utilisés ne sont pas gardiennés et le téléphone d’urgence est absent dans plus d’un quart des gymnases. Hors, plus de 60 % des accidents scolaires en EPS dans les collèges et lycées ont lieu dans les gymnases.

De façon générale toutes les enquêtes soulignent le caractère vieillissant des installations et matériels ce qui pose des problèmes de sécurité, d’hygiène et conception dépassée!

Il faut particulièrement se pencher sur l’état des cages de buts de football, handball, basket-ball, ces matériels étant soumis à des exigences de solidité et de vérification édictées par le Décret du 4 juin 1996.

Quelques mois après la sortie du Décret, l’ONSES interrogeait tous les établissements à propos de son application sur la réalité des vérifications opérées.
Près de 7 000 réponses dont la moitié inexploitable révélant la méconnaissance du contenu et des délais imposés par le Décret, mais révélant aussi une absence d’information, de transparence entre les utilisateurs et les propriétaires d’équipements.

Cette enquête faisait apparaître que 90 % des équipements visés par le Décret avaient été vérifiés, et 26 % étaient déclarés non conformes.

Dans son rapport 2001, l’ONSES indique que sur 354 sites contrôlés par la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), 123 rappels de la réglementation ont été nécessaires, la DGCCRF soulignant : « le mauvais état de certains buts, leur mauvaise fixation, l’absence de registres retraçant les essais…« 

Enfin sans s’immiscer dans l’instruction de l’accident dramatique d’Evry où un élève a été récemment tué par le renversement d’une cage de handball, le SNEP a constaté à cette occasion que, « Du fait des ambiguïtés de la décentralisation et des compétences trop diluées entre différentes collectivités, de l’insuffisance et du mauvais état de nombreuses installations utilisées dans des conditions extrêmement diverses, on a abouti à un émiettement des responsabilités.« 

Equipements et accidents en EPS

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, l’accident est un « événement fortuit, indépendant de la volonté humaine, produisant un dommage corporel identifiable ».
Un certain nombre de situations « accidentogènes » (par exemple, des chutes) restent heureusement sans conséquences physiques et relèvent de « l’incident » qu’il conviendrait d’analyser afin d’éviter de le reproduire.

Une enquête réalisée en 1999/2000, sous l’égide de l’ONSES, dans l’Académie de Lyon, a permis de constater que si l’état des équipements n’est que minoritairement responsable des accidents en EPS, il faut quand même pointer un certain nombre d’insuffisances :

  • la vétusté de certains matériels, en particulier les agrès,
  • l’encombrement des espaces de travail par des matériels mal rangés ou instables,
  • une majorité d’accidents survient dans des aires de travail non séparées et dans des conditions d’acoustique médiocre,
  • les chocs dus aux ballons, surtout s’ils sont mal gonflés,
  • les tapis de réception, les matelas de chute (leur état, mais aussi leur positionnement), en gymnastique, saut en hauteur…

En fait, on peut considérer que, tant les enseignants dans leur activité pédagogique que les élèves dans leur activité physique, tous tiennent compte du contexte matériel dans lequel ils évoluent et adaptent leurs prises de risques en fonction de l’éventuelle dangerosité des équipements utilisés.
La sécurité des équipements doit ainsi être mise en étroite relation avec les exigences de qualité et de fonctionnalité.

Quelles exigences ?

Au-delà de la nécessité d’un effort financier concerté entre l’État et les différentes collectivités territoriales afin de mettre à niveau la sécurité, la qualité et la fonctionnalité du parc actuel vieillissant des installations et de promouvoir des constructions nouvelles…

Clarifier les responsabilités, les préciser

Dans le cadre du transfert de compétences issu des Lois de Décentralisation, le SNEP demande que les collectivités de rattachement (le Département pour les collèges, la Région pour les lycées) soient pleinement responsables de la mise à disposition des établissements des installations nécessaires à l’enseignement de l’EPS, soit en construisant directement ces installations , soit en aidant spécifiquement les collectivités locales pour construire et en participant aux frais de fonctionnement des installations existantes.

Cette responsabilité dans la mise à disposition doit être précisée par la Loi et inclue bien évidemment les exigences de sécurité.

Signer des conventions d’utilisation tripartites 

Entre la collectivité de rattachement, le propriétaire, l’établissement) pour l’utilisation des installations extérieures à l’établissement.

Ces conventions clarifient, précisent les différentes responsabilités des trois parties, en particulier en ce qui concerne la qualité d’utilisation et la sécurité.
Elles sont rendues obligatoires par l’article 40 de la Loi du 6 juillet 2000.

Hors, actuellement on considère que seulement 50% des conventions ont été signées ; l’ONSES propose une convention-type qui a reçu l’accord des associations nationales d’Elus.

La signature de la convention sera précédée d’un état des lieux et chaque année il serait très opportun d’envisager une visite conjointe des installations afin de procéder aux réparations, mises en sécurité nécessaires.

Instaurer un contrôle périodique des équipements sportifs. 

C’est une proposition de l’ONSES qui demande la mise en place d’une commission de contrôle spécialisée pour les équipements sportifs.

Ce contrôle pourrait s’appuyer sur un référentiel tel que le Guide des matériels d’activité physique et sportive utilisés dans un cadre collectif – Examen des points essentiels liés à la sécurité. Cet ouvrage est destiné à aider les propriétaires d’équipements sportifs utilisés en milieux scolaires et associatifs, à faire le bilan des équipements existants, et à prendre les mesures nécessaires pour assurer le maintien de la sécurité de ces équipements.

Ce document est actuellement d’application volontaire, il rappelle en particulier les obligations réglementaires existantes.

Tenir des registres de l’état et du suivi des équipements. 

Cette proposition de l’ONSES à l’intention des gestionnaires d’équipements permet de garder la mémoire de toutes les interventions faites sur les installations et matériels utilisés.

Former les enseignants

Enfin, prévoir d’inclure dans la formation initiale et continue des enseignants d’EPS des modules sur les questions de responsabilités des enseignants et de sécurité des élèves….

Certes, nous savons que le risque zéro en matière de sécurité, n’existe pas. Mais il nous semble quand même que des progrès sensibles pourraient être accomplis et des accidents certainement évités si tous les acteurs des activités physiques et sportives à l’école ou dans les associations arrivaient à mieux communiquer, afin que chacun sache et puisse prendre ses responsabilités.

Tous les acteurs, c’est-à-dire les pratiquants qu’il faut éduquer à la sécurité et qui doivent être exigeants, les enseignants, les entraîneurs, les dirigeants, les chefs d’établissements, les élus et l’ensemble des services qui concourent à la gestion des enseignements, des pratiques et des équipements.

Jean-Paul TOURNAIRE
Secrétaire national du SNEP
Membre de l’ONSE
S

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