Retenues pour fait de grève : Le rectorat de Créteil condamné 

Par Jean FAYEMENDY

J. A. est professeure d’EPS dans l’académie de Créteil. Elle décide de participer à la journée nationale de grève du vendredi 24 janvier 2020. Ayant été mutée dans l’académie de Bordeaux, elle reçoit le 19 octobre 2021 un titre de perception des finances publiques pour le recouvrement de la somme de 285,39 € « pour service non fait ». Le rectorat de Créteil a en effet considéré qu’en application de l’arrêt Omont1 , il était fondé à procéder à une retenue de 3/30ème sur le traitement de J. A. au titre des vendredi 24, samedi 25 et dimanche 26 janvier 2020 !

La rectrice de l’académie de Créteil ayant rejeté sa requête par laquelle elle contestait le retrait de 3 jours de salaire considérant qu’elle n’avait cessé le travail qu’un seul jour, J. A. saisit le Tribunal Administratif de Bordeaux.

Dans son ordonnance, le TA de Bordeaux relève qu’il n’est pas contesté que « le mot d’ordre de grève national portait sur la seule journée du 24 janvier et n’était pas reconductible », que notre collègue « a repris effectivement son service le lundi 27 janvier au matin », qu’il n’est ni soutenu ni même allégué qu’elle aurait eu des obligations de service le samedi 25 et le dimanche 26 janvier 2020, (…) les samedi et dimanche consécutifs au vendredi où elle était en grève ne pouvaient être regardés comme des journées de service non fait ».

Le TA de Bordeaux a annulé le remboursement de 2/30ème de la rémunération de janvier 2020 et a condamné l’État à verser à J. A. la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles. Notre collègue a été défendue par Me Frédéric Weyl, un des avocats du SNEP-FSU.

Le SNEP et la FSU contestent toujours, d’une part, la jurisprudence Omont et, d’autre part, la règle du 1/30ème dont elle est indissociable.

Un article récent de la revue AJFP2 parle d’une « jurisprudence radicale » qui « n’est pas sans dissuader certaines formes de grève » considérant que le « tropisme Omont » équivaut à « la dénaturation du droit de faire grève ». Son auteur signale que le Comité européen des droits sociaux, comité d’expert·es indépendant·es institué par la Charte sociale européenne, statuant sur réclamation de la CGT, a conclu que la règle du 1/30ème « entraîne une retenue disproportionnée sur le salaire des grévistes et revêt effectivement un caractère punitif qui n’est pas compatible avec l’exercice du droit de grève ». Dans ces attendus, le TA de Bordeaux a largement repris les arguments défendus par Me Frédéric Weyl, avocat du SNEP-FSU et de notre collègue. Preuve est que le combat syndical pour défendre le droit de grève et pour l’abrogation de l’arrêt Omont est toujours d’actualité.

  1. Dans l’arrêt Omont (07/07/1978), le Conseil d’État a jugé « qu’en cas d’absence de service fait pendant plusieurs jours consécutifs, le décompte de retenues à opérer sur le traitement mensuel d’un agent public s’élève à autant de trentièmes qu’il y a de journées comprises du premier jour inclus au dernier jour inclus où cette absence de service fait a été constatée, même si, durant certaines de ces journées, cet agent n’avait, pour quelque cause que ce soit, aucun service à accomplir » [↩]
  2. Actualité Juridique Fonctions Publiques – décembre 2024 [↩]
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