L’EPS dans la nouvelle réforme de la formation

Epreuve EPS au CRPE, chute prévisible des horaires de formation : le SNEP et SNUipp ont écrit à M.Blanquer pour obtenir une véritable épreuve EPS au CRPE et l’alerter sur la chute prévisible des horaires de formation si sa réforme FDE était appliquée en l’état (…)

Monsieur le Ministre,

Nous souhaitons vous alerter sur la situation de l’EPS dans la nouvelle réforme de la formation.

Suite à nos différentes interventions, une épreuve EPS obligatoire au concours PE a été rétablie. C’est une bonne
nouvelle parce que c’était une condition indispensable pour que l’EPS soit étudiée en formation initiale, dans les
masters.

Cependant, deux points nous préoccupent particulièrement : le contenu de l’épreuve d’EPS au CRPE et la baisse
prévisible et dramatique des horaires de formation.

Contenu de l’épreuve au concours  

L’épreuve actuelle du CRPE permet « d’évaluer les compétences du candidat pour l’enseignement de l’éducation physique et sportive (EPS) et sa place dans l’éducation à la santé à l’école primaire. (…) Le sujet se rapporte soit à la progression au sein d’un cycle d’activités, soit à une situation d’apprentissage (…) dans une activité physique, sportive et artistique praticable à l’école élémentaire ou (…) maternelle. 

Dans les contraintes actuelles de la formation, cette épreuve convient aux acteurs. Elle permet de préparer les étudiant-es dans les activités les plus couramment enseignées en primaire (natation, danse, jeux collectifs, athlétisme), d’intégrer les enjeux de la discipline, les contenus didactiques, et les démarches d’apprentissage. Certaines académies, comme Lille, proposaient même une épreuve avec des vidéos présentant des moments de séances ordinaires filmées dans les classes, façon très intéressante d’évaluer la capacité des candidat-es à lire et interpréter l’activité des élèves en situation d’apprentissage en vue de concevoir des évolutions possibles.  

Le nouvel intitulé (encore en projet) modifie très sensiblement l’épreuve : « l’épreuve est consacrée à l’éducation physique et sportive, intégrant la connaissance scientifique du développement et la psychologie de l’enfant ». L’entretien porte sur « la connaissance scientifique du développement et la psychologie de l’enfant » et se centre sur la « sécurité des élèves, la justification de ses choix, la programmation annuelle et, plus largement, dans les enjeux de l’EPS à l’école » (voir l’intitulé complet en annexe). 

Loin de nous l’idée que les connaissances sur le développement et la psychologie de l’enfant seraient inutiles, mais elles devraient être présentes dans toutes les disciplines et pas uniquement en EPS ! De plus, elles n’ont d’intérêt que si elles sont intégrées à un problème d’apprentissage. Or, ces apprentissages sont quasi absents de l’entretien d’EPS au profit de la sécurité, la programmation annuelle et les enjeux de l’école. 

Si cette épreuve ne changeait pas, on peut craindre qu’elle ne génère qu’un discours général sur l’EPS, qu’elle soit non discriminante pour le concours et surtout peu utile pour l’enseignement futur. 

Il nous semble donc très important de revoir la formulation de l’épreuve EPS. Nous demandons qu’elle soit – tout simplement – du même type que celle des autres disciplines, à savoir qu’elle évalue les compétences « à concevoir une séquence ou une séance l’EPS (cycle 1 à 3) », en relation avec les enjeux de la discipline (santé, citoyenneté, égalité filles-garçons, sécurité…), dans une activité physique couramment enseignée à l’école primaire. Les compétences sportives et/ou d’animation sportive des candidat-es doivent pouvoir faire partie de l’entretien. 

Baisse prévisible et dramatique des horaires de formation

Depuis 2007, la formation en EPS bénéficiait d’un horaire correspondant globalement à sa part parmi toutes les disciplines enseignées à l’école primaire (3è discipline en termes horaires après le français et les maths), soit 60h en moyenne sur les 2 années de master (de 48h à 100h, voir enquête SNEP 2020)

Cette formation permettait la recherche d’une cohérence entre trois objectifs : l’obtention du diplôme de Master, la préparation au concours PE, la préparation au métier pour être en mesure de débuter dans l’enseignement de l’EPS à l’école primaire, de la maternelle au CM2.

Nous contestions la faiblesse des horaires en master 2, très insuffisants, notamment pour les étudiant·es qui ne bénéficiaient que d’une année de formation.

La nouvelle réforme de la formation des enseignants, prévue à la rentrée 2021, remet en cause très fortement ces horaires. En effet, dans un horaire global de master faible et en application de vos grandes lignes directrices, 55% du temps de formation serait réservé à l’enseignement du français, maths et déontologie professionnelle, 20% pour les disciplines de la polyvalence (histoire, géographie, SVT, LVE, EPS, éducation musicale, arts plastiques), 15% pour les activités de recherche et 10% consacrés à des initiatives locales.

La conséquence de ces directives pour l’EPS est immédiate. Les nouvelles maquettes prévoient : Lille 24h (au lieu de 52h actuellement) ; Créteil 24h (48h actuellement), Dijon 42h (58h actuellement), Clermont 24h (50h actuellement), Corse 36h (54h actuellement). 

Soit une chute d’environ 50% en moyenne (entre un tiers et deux-tiers selon les cas) ! 24h de formation… c’est 6 demi-journées de formation sur 2 ans de master ! Comment former les étudiant-es à enseigner dans un temps si court ? 

Alors que vous communiquez beaucoup sur les enjeux de santé avec « Bouger 30 minutes par jour » (en plus de l’EPS) et sur son importance dans le cadre des JOP « Générations 2024 », la réforme de la formation des enseignant-es que vous voulez mettre en place va à l’inverse d’un développement de l’EPS à l’école primaire. L’EPS, encore plus que les autres enseignements, permet notamment de créer du commun dans un groupe classe, d’établir des règles, de travailler la coopération, le respect de l’autre… Les futures enseignant-es ont besoin d’une formation de qualité. Si celle-ci est réduite, comment vont-ils/elles s’investir pédagogiquement dans cet enseignement ? La Cours des Comptes, dans son rapport sur l’Ecole et le sport, préconise de « rendre plus effectif l’enseignement de l’EPS à l’école primaire ». Le message que vous envoyez ne va pas dans ce sens.

Nous ne voulons pas imaginer que l’ensemble de vos propositions relèverait d’un projet cohérent mais machiavélique qui se contenterait de prôner de « Bouger 30 mn par jour » en remplacement de l’EPS et ne nécessiterait ni une épreuve de qualité au concours, ni des horaires élevés en formation initiale… C’est pourquoi nous vous demandons, Monsieur le Ministre, d’investir dans la formation des enseignant-es du primaire et de donner la place qui revient à l’EPS (3è discipline de l’école primaire), pour répondre aux objectifs que vous-même affirmez comme fondamentaux.  Soyez assuré, Monsieur le Ministre, de notre attachement au service public d’éducation.

Courrier SNUIPP-FSU, SNEP-FSU, 23 octobre 2020

Annexes

Concours PE : épreuve actuelle (depuis 2013) 

L’épreuve comporte deux parties. La première partie permet d’évaluer les compétences du candidat pour l’enseignement de l’éducation physique et sportive (EPS) ainsi que sa connaissance de la place de cet enseignement dans l’éducation à la santé à l’école primaire. La deuxième partie de l’épreuve vise à apprécier les connaissances du candidat sur le système éducatif français, et plus particulièrement sur l’école primaire (organisation, valeurs, objectifs, histoire et enjeux contemporains), sa capacité à se situer comme futur agent du service public (éthique, sens des responsabilités, engagement professionnel) ainsi que sa capacité à se situer comme futur professeur des écoles dans la communauté éducative.

Première partie : le jury propose au candidat un sujet relatif à une activité physique, sportive et artistique (APSA) praticable à l’école élémentaire ou au domaine des activités physiques et expériences corporelles réalisables à l’école maternelle. Le sujet pourra être présenté à l’aide des différentes possibilités offertes par les technologies de l’information et de la communication usuelles, y compris audiovisuelles. Le sujet se rapporte soit à la progression au sein d’un cycle d’activités portant sur l’APSA ou la pratique physique et corporelle considérée, soit à une situation d’apprentissage adossée au développement d’une compétence motrice relative à cette même APSA ou pratique physique et corporelle.

Le candidat expose ses réponses (dix minutes) et s’entretient avec le jury (vingt minutes). Le jury élargit le questionnement aux pratiques sportives personnelles du candidat ou encore au type d’activités sportives qu’il peut animer ou encadrer.

Projet concours 2021

La première partie (trente minutes) est consacrée à l’éducation physique et sportive, intégrant la connaissance scientifique du développement et la psychologie de l’enfant. 

Le candidat dispose de trente minutes de préparation. 

A partir d’un sujet fourni par le jury, proposant un contexte d’enseignement et un objectif d’acquisition pour la séance, il revient au candidat de choisir le champ d’apprentissage et l’activité physique support avant d’élaborer une proposition de situation(s) d’apprentissage qu’il présente au jury. 

Cet exposé ne saurait excéder quinze minutes. Il se poursuit par un entretien avec le jury pour la durée restante impartie à cette première partie. Cet entretien permet d’apprécier d’une part les connaissances scientifiques du candidat en matière de développement et la psychologie de l’enfant, d’autre part sa capacité à intégrer la sécurité des élèves, à justifier ses choix, à inscrire ses propositions dans une programmation annuelle et, plus largement, dans les enjeux de l’EPS à l’école.

Intitulé des autres disciplines 2021 (arts, sciences/technologie, histoire-géographie) :

L’épreuve consiste en la conception et/ou l’analyse d’une séquence ou séance d’enseignement à l’école primaire (cycle 1 à 3). Elle peut comporter des questions visant à la vérification des connaissances disciplinaires du candidat.

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