Regard sur l’EPS en Espagne ?

Nous avons rencontré Anna Andia, professeur d’EPS au lycée français de Barcelone. Elle explique la situation de l’EPS en Espagne et identifie les principales différences.

Peux-tu nous décrire le fonctionnement de l’EPS en Espagne ?

En école primaire, en catalogne, les enfants ont deux créneaux d’une heure d’éducation physique. Au collège, cela correspond pour vous en France de la 5ème à la seconde, les élèves continuent d’avoir la même organisation.

Concrètement, sur le terrain, ces deux périodes d’une heure conduisent à avoir un temps de pratique très faible, 40 min au mieux ! Ce morcèlement de l’éducation physique ne nous permet pas de faire étudier sérieusement les élèves et cela décrédibilise notre discipline. Cela vient renforcer la vision d’une matière mineure et sans importance.

Au lycée, seuls les élèves de première ont 2 heures d’EP. Notre discipline n’a pas d’épreuve évaluée au BAC. Cela conforte les familles, les élèves et les autres enseignants dans leur vision d’une matière finalement sans grande importance.

Et L’association sportive ?

Il n’y a pas d’association sportive au sein même du collège. Ils ont la possibilité de faire du sport dans des clubs sportifs liés au collège. Il y a un organisme qui s’appelle « consell de l’esport escolar » qui se charge d’organiser cela, surtout les matchs de sports collectifs. La différence avec la France est que ces clubs sont indépendants de l’école et les entrainements ne sont pas réalisés par les enseignants d’ep mais menés par les entraineurs des différentes disciplines des fédérations.

Comment est organisée l’EP ?

Pour le primaire il y a 5 « «blocs de contenus » :

  • Le corps en tant qu’image et perception
  • Les capacités physiques de base : la force, l’équilibre…
  • Activité physique et santé : connaitre les habitudes alimentaires, l’hygiène de vie, les connaissances sur la respiration.
  • L’expression corporelle
  • Le jeu : avec une centration essentiellement sur les jeux traditionnels.

Pour le collège et le lycée, nous avons 4 blocs d’étude :

  • « Condition physique et  santé » qui  regroupe  les  compétences autour  de la musculation et de l’endurance
  • « Les jeux et sports » qui comprend les jeux traditionnels, les sports collectifs et individuels.
  • « L’expression corporelle » : danse et acrosport
  • « Les activités de pleine nature » : course orientation, la marche, vélo…

La majorité des écoles espagnoles programment majoritairement le bloc condition physique et les sports collectifs (foots, le hand, volley et le basket). Les élèves vont surtout pratiquer les sports classiques et avec peu de diversité.

L’institution nous incite à réaliser une EPS plus équilibrée dans les choix des APSA à l’intérieur des 4 blocs. Les contraintes d’installations, de formations et la conception de l’éducation physique limite vraiment l’ouverture vers d’autres activités.

Qu’est ce qui est étudié en EPS ?

Les attentes s’organisent autour de 3 grands pôles : les connaissances, la pratique et l’attitude.

A partir d’un programme national, les enseignants doivent définir dans chaque activité des connaissances et des contenus pratiques que les élèves doivent s’approprier. Ces choix sont laissés libres à chaque école. Nous avons une grande hétérogénéité sur le territoire avec de grandes disparités.

L’évaluation sera organisée autour de ces 3 dimensions (les connaissances qui représenteront un pourcentage de la note (l’équipe décide, normalement autour de 30%), les compétences pratiques (50%) et l’attitude (20%) de la note. Nous observons cependant une certaines dérives où des collègues vont évaluer les connaissances en réalisant des interrogations écrites ou orales. Je pense qu’au contraire nous pouvons proposer aux élèves des épreuves qui articuleront les connaissances et leur mise en œuvre pratique.

Quels sont les différences avec les français ?

J’ai l’impression que le système français valorise plus l’EPS. En Espagne, nous avons un modèle d’enseignement encore très traditionnel. Même si les programmes essaient d’ouvrir le panel d’activités ou de proposer une diversité d’objectifs, beaucoup de séances se limitent à de la course pendant 25 min et un calcul des pulsations. Il y a une programmation d’un nombre réduit d’activités, très centrées sur la performance de quelques-uns. Difficile de faire de grande généralités, mais j’ai perçu chez les enseignants d’eps français avec qui j’ai travaillé un intérêt plus important à l’humain, à la personne globale, en essayant de prendre en compte la performance de chacun et chacune. J’ai aussi des collègues qui ont vraiment cette démarche en Espagne. Au lycée français de Barcelone par rapport à mon ancien collège dans le système éducatif espagnol, nous proposons une EPS plus complète et variée. Elle permet à la fois l’expression de la performance des élèves tout en conservant sa dimension récréative et la place du jeu.

En France, le système d’évaluation est déterminé par un cadre national. Cela donne des repères plus clairs et une unité sur le territoire qui est plus important. En Espagne, il y a des critères d’évaluation, mais ils offrent beaucoup de possibilités, et chaque professeur ou équipe adapte. Il existe une très grande disparité entre les collèges ce qui accentue parfois les inégalités.

L’année dernière, le gouvernement a proposé une loi qui sortait du système scolaire les arts et réduisait le nombre d’heures d’EPS. Il y a eu un mouvement important de contestation qui a bloqué la mise en œuvre de cette loi. Pour défendre la place de l’EP dans l’école, nous devons montrer que

c’est une discipline qui permet la réussite de tous et toutes. L’Ep m’a permis non seulement de me développer personnellement et m’a aussi beaucoup apporté dans mon rapport aux autres disciplines scolaires. Ce sont à mon sens des voies intéressantes pour que l’ep prenne toute sa place dans l’école.

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