CDN des 11 et 12 janvier 2024 – Introduction

Avant de commencer, comme il est de coutume, je tiens, au nom du secrétariat national, à vous souhaiter une belle et heureuse année 2024 pour vous et vos proches. Le plus gros challenge syndical qui nous attend cette année se situe peut-être au niveau de l’engagement parce qu’il est parfois difficile de ne pas se trouver découragé tant les attaques sont nombreuses et remettent en cause notre modèle de société, notre école, nos solidarités et que les contre-propositions, les paroles contradictoires ne sont pas entendues … Ne rien lâcher, jamais ! doit être notre mantra… A se répéter chaque matin !

C’est dans un contexte international toujours plus tendu que nous ouvrons ce premier CDN de l’année. La guerre en Ukraine perdure et va connaitre un nouvel hiver mettant encore plus en souffrance les populations ; le conflit israélo-palestinien ne connait aucune trêve et là aussi ce sont les populations civiles qui en sont les premières victimes. Ce conflit fracture les opinions et les positionnements politiques entre soutien inconditionnel à Israël, soutien au peuple palestinien et arrêt des hostilités. La paix juste et durable avec reconnaissance des deux états doit rester une boussole sur laquelle nous devons nous appuyer. Tout conflit quel qu’il soit doit trouver des débouchés diplomatiques et les armes doivent se taire. Les milliers de morts, hommes, femmes, enfants, victimes innocentes sont autant de vies sacrifiées sur l’hôtel de la folie de quelques hommes… C’est inacceptable !

Ces dernières semaines, les Houthis qui règnent sur une grande partie du Yémen ont multiplié les attaques contre les navires en mer rouge et tiré des drones et des missiles en direction d’Israël afin de soutenir le groupe islamiste palestinien Hamas. Ils sont soutenus et appuyés par l’Iran, qui lutte contre Israël à Gaza. Ils ont promis de poursuivre leurs attaques jusqu’à ce qu’Israël mette fin à son offensive. Toute la région devient une poudrière et l’attentat perpétré en Iran n’apaise pas les tensions, bien au contraire. Tout ceci n’est pas sans conséquence pour nous à une échelle différente puisque la baisse de 20% du Traffic par le canal de Suez et le contournement de l’Afrique pour les porte-conteneurs induit une flambée des prix qui s’ajoute au contexte inflationniste que nous connaissons.

Pour s’attarder un peu sur l’IRAN, Le gouvernement de la République islamique d’Iran continue de restreindre la liberté d’expression, de réprimer ses opposants politiques, d’avoir recours à la torture, aux punitions telles que lapidation, amputations, et à la peine capitale, y compris pour les mineurs, de pratiquer la discrimination envers les femmes et des minorités. Malgré des critiques internationales et des interventions réitérées de l’Europe, le gouvernement iranien ne respecte pas la Déclaration universelle des droits de l’homme. Et paradoxalement, en dehors de toute moralité ce sera l’Iran qui présidera le forum social des droits de l’homme à l’ONU les 2 et 3 novembre à Genève… On marche sur la tête !

On ne fera pas le tour de la situation parce que nous pourrions également parler de plusieurs pays africains, de leur détestation de la France et de leurs rapprochements de la Russie et de la Chine.

S’il est une expression de Macron lors de ses vœux que je retiens, c’est « une génération, même plusieurs, qui malheureusement ont un peu perdu leurs repères » mais cette perte de repères n’est-elle pas incarnée par lui-même et son gouvernement ?

La France et ses politiques n’ont plus de boussole. Quelques exemples loin d’être exhaustif malheureusement. Macron qui se présente comme LE rempart contre l’extrême droite fait adopter avec l’aide des LR et du RN la loi Darmanin sur l’immigration. Ce texte qui est une victoire idéologique de l’extrême droite en instituant une préférence nationale fracture une bonne partie de la classe politique tant au sein de LR qu’au sein même de renaissance jusqu’à la démission de Rousseau, celle de Retailleau refusée. Pire que tout, ce texte a été présenté tout en sachant qu’une grande part de celui-ci était anticonstitutionnel demandant au conseil constitutionnel d’arbitrer des débats politiques, des débats d’opinion. Ce qui a obligé Laurent Fabius, président du conseil constitutionnel, lors de ses vœux a rappeler à Macron ce qu’était le rôle du conseil et ce qu’était un état de droit. C’est tout juste, en langage diplomatique, s’il ne lui a pas suggéré de retourner sur les bancs de l’Ecole. Cette méconnaissance de l’Etat de droit est malheureusement partagée au sein de son gouvernement, Prisca Thevenot, secrétaire d’Etat chargée de la jeunesse et du SNU détourne sa définition pour parler de nation de devoir ce qui lui a valu des cours en direct sur les réseaux sociaux…

Dupond Moretti, ministre de la justice, devant la cour de justice de la République. C’est la première fois dans notre histoire qu’un ministre et qui plus est un ministre de la justice se trouve devant la plus haute juridiction pour prise illégale d’intérêt. Où est la boussole quand un ministre est renvoyé devant la justice sans que ce dernier ne démissionne ni ne soit écarté ? Avec les membres des gouvernements Macron, la notion d’exemplarité est devenue un concept mou sans consistance ni valeur…La cerise sur le gâteau est la décision qui a été rendue parce que si « l’élément matériel » de la prise illégale d’intérêts était bien constitué, l’élément intentionnel ne l’était pas… Il aurait donc agi à l’insu de son plein gré…une première là aussi et probablement un précédent.

Agnès Firmin Le Bodo que personne ne connait mais qui est ministre de la Santé et de la Prévention à la suite de la démission d’Aurélien Rousseau et qui est visée par une enquête pour avoir reçu des cadeaux du laboratoire Urgo (mais ça a l’air d’être un critère dans la macronie) s’est rendue à l’institut Jérôme-Lejeune pour le labelliser en centre de compétences déficiences intellectuelles rare. Cet institut défend des positions anti-avortement et anti-euthanasie très marquées. Un signe plus qu’inquiétant à trois semaines de l’examen du projet de loi visant à inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution. Encore une erreur de casting comme disent les journalistes.

La perte de boussole a été également marquée par l’affaire Depardieu qui fracture le monde de la culture et le monde politique. Quand on voit Macron se porter défenseur inconditionnel de Depardieu sans prise en compte aucune de la parole des victimes, sans mesure aucune en renvoyant simplement à la justice le fait de dire ce qu’il en est, montre que la lutte contre toutes les violences sexuelles et sexistes a encore du chemin a parcourir. Ce qu’il y a de pire c’est l’image d’impunité des puissants véhiculé au plus haut sommet de l’Etat.

Pour tenter de ne pas oublier trop de choses sur le contexte politique, partons des vœux et de l’autosatisfecit de Macron. Pour lui, 2023 a été une année de « détermination, de choix, de régénération, de fierté ». Il fait le constat d’une France tenaillée par les menaces extérieures et les fractures intérieures. « La peur du retour de la guerre, du déclassement, de la perte de contrôle sont bien là ». Il s’agit ici d’un phrasé du néo-libéralisme visant à s’installer toujours plus par la stratégie du choc. Générer la peur, l’incertitude, la perte de contrôle pour imposer dans les esprits des réformes libérales censés les résoudre quitte à ce que ces solutions soient douloureuses. Je vous invite, pour celles et ceux qui ne l’auraient pas fait de lire l’ouvrage de Noémie Klein qui est très éclairant de cette stratégie. Après la disruption, le pacte et bien d’autres… Macron utilise pour cette année un nouveau mot clef le « réarmement » du pays. Ce terme employé à sept reprises, laisse penser que le bilan que dresse le chef de l’Etat sur sa propre action lors du premier mandat nécessite des corrections fortes… C’est le en même temps : je suis trop fort, je fais tout bien mais il y a des choses à changer malgré tout… La France, se félicite-t-il, a été « réarmée », grâce à son action et à des lois qu’il qualifie d’ « historiques » sur l’armée ou la justice… sans commentaire ! Il n’hésite pas à affirmer que la réforme injuste et injustifié des retraites permet « d’être en mesure de financer notre modèle social comme si, comme on nous l’a répété « l’argent magique n’existe pas »… mais quand on voit qu’en 2023 les entreprises du CAC 40 ont reversé 97,1 milliards d’euros à leurs actionnaires, de l’argent il y en a mais le gros problème de la répartition des richesses persiste.

Dans les éléments d’actualité, je veux juste pointer quelques autres éléments :

Allant toujours plus loin dans la restriction des libertés et dans un état autoritaire, un projet de loi est en préparation par des députés renaissance proche de Darmanin. Projet qui vise à réprimer la participation à des manifestations interdites (ces politiques n’ont pas digéré les décisions de justice cassant l’interdiction de manifestations pour une paix juste et durable en Israël et Palestine ou encore celle cassant la dissolution des soulèvements de la terre)

Guerini porte un projet de réforme de la Fonction Publique en se référant de Maurice Thorez. Je vous ai fait parvenir l’article du blog de Paul Devin qui explique le mensonge et le projet néfaste de Guerini donc je ne m’étendrai pas sur cette imposture. Mais ce sera un sujet qu’il faudra surveiller comme le lait sur le feu parce que le danger est réel de la casse totale du statut.

L’année 2024 marque la fin des aides de l’Etat pour amortir l’impact de l’inflation avec la hausse des prix. Le risque de récession en Europe existe toujours avec un chômage qui reste important en France (7,4%). Les conflits armés, les élections européennes, les élections aux états unis… autant de facteurs qui influeront sur l’économie.

Parler de la COP28, je ne sais pas si c’est trop utile vu les résultats des 27 précédentes. La seule chose qu’on pourrait pointer c’est cette phrase : « transitionner hors des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques, d’une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action dans cette décennie cruciale, afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050 conformément aux préconisations scientifiques ». Si les énergies fossiles sont pointées, il ne s’agit ici que de transition et d’ici 2050 quand on sait que la décennie à venir sera cruciale.

Le dernier point est bien sûr le remaniement avec Attal que sera resté moins de 6 mois à l’EN en renversant cul par-dessus tête l’ensemble du système éducatif pour devenir premier ministre à la place de Borne qui restera dans les mémoires comme celle qui aura activé pas moins de 23 « 49.3 ». Le jeu de chaise musical, vu les ministres susceptibles d’entrer ne changera pas la ligne politique et les combats restent à mener même s’il nous faudra reprendre nos bâtons de pèlerins pour rediscuter des choses en cours.

Quelques mots sur le sport avant d’évoquer la situation de l’Education juste pour parler de la commission d’enquête parlementaire qui a émis plusieurs signalements pour des déclarations erronées. Après investigations, la commission d’enquête parlementaire sur les violences sexistes et sexuelles, les malversations et les problèmes de gouvernance des fédérations françaises de sport présentera, le 16 janvier, son rapport de synthèse. Cette commission a mené quatre-vingt-dix auditions sous serment. Ils ont relevé de nombreuses approximations, omissions volontaires, mensonges, versions à géométrie variable. Six signalements à la justice pour parjure ont donc été émise. Sont visés le président de la Fédération française de tennis (FFT), le président de l’équitation, celui des sports de glace, l’ex-patron de la Fédération française de judo et secrétaire général de la Fédération internationale de judo, le directeur juridique de la Fédération française de football et le directeur général de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance. Ces personnes sont soupçonnées de n’avoir pas dénoncé des faits de violences sexuelles et sexistes dont elles auraient eu possiblement connaissance.

Il faudra par ailleurs qu’on fasse un point sur les JOP de Paris, sans parler de Macron et de ses gants de boxe qui lance l’injonction au Français de faire au moins « 30 minutes de sport » par jour mais aussi pour se positionner assez rapidement sur les JOP d’hiver de 2030.

Education :

Macron qui considère que les émeutes de l’été 2023 n’étaient pas la résultante d’un malaise social profond de la jeunesse mais plutôt un déficit éducatif qui amenait à un rejet de la République, de ses institutions et de la démocratie, a mis au centre de la réponse la question de l’Ecole. C’est ainsi qu’on a vu fleurir une forme de lutte contre le communautarisme avec l’interdiction de l’abaya, la possibilité d’instaurer le port de l’uniforme, les discours récurrents sur l’autorité et dernièrement le « réarmement civique » avec une mise en avant du SNU. Plus que des enjeux éducatifs on peut y voir une volonté de mise au pas de toute la jeunesse dans une perception de celle-ci qui se réfère à celle portée par Jean-Pierre Chevènement en 99 qui parlait de « sauvageons » ou Sarkozy en 2005 qui parlait de « racailles ».

La vision passéiste et réactionnaire de l’Ecole, développée notamment par l’Institut Montaigne et par une de ses membres qui était en responsabilité du programme éducatif de Macron en 2017, Fanny Anor, directrice de cabinet d’Attal, a pu se développer avec l’appui des droites et des thuriféraires d’une Ecole fantasmée d’antan.

Emmanuel Macron, lors de ses vœux indique donc vouloir engager un « réarmement civique ». Il veut faire de l’éducation nationale une grande priorité. Pour lui, « La France c’est une culture, une histoire, une langue, des valeurs universelles qui s’apprennent dès le plus jeune âge » il affirme par ailleurs vouloir « rétablir l’autorité partout où elle manque face aux incivilités et à la délinquance », image déformée de la jeunesse. Il veut « rétablir le niveau de nos élèves, l’autorité de nos professeurs, la force de l’enseignement laïc et républicain » qu’il s’est attaché à détruire de réforme en réforme depuis 2017. L’Education civique pourrait être accentuée pour faire grandir « la force morale » dit-il…

Je vais juste pointer quelques sujets sans porter ni jugement ni avis, ce sera aussi l’objet de nos débats de l’après-midi.

Nous avons face à nous des sujets à travailler sérieusement parce que certains portent au niveau de nos collègues qui peuvent être a priori d’accord :

Les groupes de niveaux, le port de l’uniforme, la fameuse ou fumeuse « exigence des savoirs », l’attractivité du métier, le brevet des collèges comme passage obligé pour le lycée et prépa lycée pour les élèves qui échoueraient, l’expérimentation des cours d’empathie dans 1000 écoles, l’extension de l’accueil des élèves de 8 heures à 18 heures « à tous les collèges en éducation prioritaire à la rentrée prochaine ». En 2023, 200 collèges ont expérimenté cet accueil prolongé. En 2024 ce seront « 1 100 collèges et 600 000 élèves » qui seront concernés, la réforme des enseignants.

Dans le même temps qu’on souhaite restaurer une autorité des enseignants qui serait perdue, on constate une augmentation du nombre de profs agressés, menacés (+15% de demandes de protection fonctionnelle),

Quelques mots sur le LP : La réforme de la voie professionnelle a donné lieu à une nouvelle grève le 12 décembre dernier. La mobilisation était importante si on se réfère aux chiffres de 11% du MENJ et de 40 à 50% pour les syndicats, la vérité se situant comme à l’habitude entre les deux… Les textes organisant cette réforme ont été examinés à la séance du CSE du 8 janvier, séance de repli après la fronde organisée avant les vacances où les organisations syndicales et les parents d’élèves ont fait tomber le quorum. Ce qu’il y a d’exceptionnel lors de cette séance c’est que ces textes n’ont reçu aucune voix Pour, même les organisations patronales ne s’y sont pas associées. Si l’avis reste consultatif, il s’agit là d’une claque démocratique importante et un échec de la stratégie, et du travail de conviction qu’a essayé Grandjean et son cabinet.

Tout n’est pas encore tout à fait en place mais le sera rapidement. 111 textes ont été examinés en CSE en 2023, ce qui donne la hauteur des velléités réformatrices dans l’Education sous Attal.

Pour faire dans le Macronisme primaire, nous devons « Réarmer » notre syndicalisme pour être encore plus à l’offensive.

Le Québec, avec prudence, peut nous servir d’exemple parce qu’il fait la démonstration qu’un rapport de force conséquent peut se construire. Le Québec vit une grève historique de la FP (enseignants de la FAE en grève depuis le 23 novembre + un front commun de syndicats constitués de 420 000 travailleurs de l’Etat). Les revendications qu’ils portent sont de même nature que les nôtres : amélioration des conditions de travail, salaires. Sur les salaires nous n’avons pas à être frileux, un enseignant au Québec touche en début de carrière 53000 dollars (36 040 euros) et 92000 au bout de 13 ans (62500 euros)

De nombreuses mobilisations sont d’ores et déjà programmées :

  • Ce soir 11 janvier lutte contre les VSS (rassemblement sur lequel nous nous rendrons à l’issue de nos travaux)
  • 13 janvier appel pour la Palestine et pour une paix durable
  • 14 janvier et 21 janvier lutte contre la loi immigration
  • 1er février journée de grève et de mobilisation dans l’Education nationale
  • 8 mars journée internationale pour le droit des femmes pour laquelle se dessine une journée de grève
  • 15 mars grève EPS – OBLIGATION DE RÉUSSITE !!!
  • Vers une mobilisation FP après la mi- mars

Quelles analyses faites-vous de la situation et du contexte ? Comment situez-vous les collègues ? Quel est le centre de gravité des discussions qui peuvent être menés avec les collègues ? Quel matériel avec quels axes prioritaires pour la grève du 1er février ? Comment se dessine la grève EPS du 15 mars dans les territoires ?

PARTAGER
IMPRIMER
Print Friendly, PDF & Email

Nos lecteurs aiment aussi...