« Pour une stratégie globale de lutte contre les noyades »

S’appuyant sur ce rapport de juin 2019 remis aux ministres de l’Education Nationale et de la Jeunesses et des Sports, il est intéressant de noter combien les piscines sont plébiscitées par les français. Ils sont, en effet, 41% à estimer qu’elles sont en nombre insuffisant et que la natation n’est pas une pratique comme les autres.

Sans doute que les noyades, enregistrées malheureusement chaque année, pèsent dans les débats.

Suite à des statistiques présentées dans ce rapport, 25% des élèves entrant en 6e ne savent pas nager.

Notre analyse ne portera que sur la partie concernant les équipements de la page 67 à 93, le document en comportant 190.

Quoi retenir sinon des choses connues et dénoncées par le SNEP-FSU mais enfin analysées par les Inspections en charge directement de cette pratique scolaire et culturellement reconnue. 

Inégalité de traitement

Est regrettée le manque de piscines couvertes et leur disparité sur l’ensemble du territoire ainsi qu’au sein même d’un territoire. 

En effet, si nous nous intéressons à la carte de répartition des bassins de natation couverts (carte à trouver dans le document), les zones de forte densité de population apparaissent sous dotées comme le sont certaines zones rurales. Plus de 48% des bassins de vie n’abritent pas de piscines couvertes. Et parallèlement, peu d’équipements aquatiques sont présents dans les espaces péri-urbains. Dans ces espaces, si 22% de la population nationale sont accueillis, ne sont trouvés que 14% de ces équipements. Plus grave encore, dans les communes disposant d’un QPV*, le taux d’équipement est inférieur de 40% à la moyenne nationale. L’analyse des temps de parcours pour se rendre sur ces équipements ne manque pas d’intérêt. 20 à 30mn pour s’y rendre est très souvent rédhibitoire.

La part prépondérante des communes 

Est mis en avant la politique volontariste des communes puisque 55% des bassins accessibles au public leur appartiennent et dont elles assurent la gestion. 28% appartiennent à des EPCI*et 3.5% appartiennent à l’Etat, départements et régions.

Dans un cas sur 10, ces collectivités territoriales s’appuient sur une délégation de services publics. Au sujet des DSP*, la cour des comptes émet une première réserve. La priorité doit être donnée à la pratique scolaire et non pas à des pratiques plus rentables pour les collectivités qui ont en charge cet équipement.

Intercommunalité et mutualisation des équipements.

S’il est vrai que la charge incombant aux communes est très lourde et qu’il est nécessaire qu’elle soit répartie sur l’ensemble des communes de l’intercommunalité, la cour des comptes émet une autre réserve intéressante. L’implantation la plus pertinente doit être recherchée afin de rendre accessible cet équipement par le plus grand nombre. La question des transports des élèves au titre de la natation scolaire doit être appréhendée. Un mauvais choix pourrait entrainer un temps plus long de déplacement au détriment du temps de pratique ainsi qu’une augmentation du coût des transports.

Des piscines et des centres aquatiques vétustes.

Dès 2002, le rapport Cathala dénonçait cet état de fait et aujourd’hui les chiffres sont sans appel. Plus de la moitié des bassins de natation a été ouverte avant 1985, 1/3 avant 1975 et la plupart des 1000 piscines, programme lancé dans le cadre du 3e plan en 1969, arrivent en fin de vie. Grand nombre d’entre-elles ne répondent plus aux normes d’hygiène et de sécurité. 

Pour les bassins construits avant 1985, 1000 (1/3) n’ont jamais fait l’objet de travaux d’envergure. Ceux de plus de 20 ans sont également concernés par la dégradation.

Des projets ambitieux mais coûteux en rapport avec les besoins ?

Deux familles de projets ont été présentées au CNDS* entre 2015 et 2017 et leur nature conduit à des usages différents pour des coûts très différents.

  • Une installation simple comprenant un bassin sportif, un bassin d’apprentissage et une pataugeoire pour un coût variant entre 5 et 8 M€ sans doute plus en phase avec la pratique scolaire.
  • Un complexe aquatique pour un coût entre 10 et 30M€ plus en phase avec une pratique ludique de grand public.

La part accrue du secteur privé

La baisse des mises en service de bassins de natation à partir de la décade 1985/94 fait apparaitre une moindre contribution du secteur public alors même que la part du secteur privé est en brusque augmentation. 

Les ambitions affichées de la FFN* s’inscrivent totalement dans le projet 2S2C* de JM Blanquer. En effet, elle réclame l’exploitation et la gestion de centres aquatiques sous la forme de délégation de service public (DSP). Le directeur général de la FFN de l’époque avait ainsi indiqué « Nous avons quatre axes d’intervention : la compétition, l’éveil et l’apprentissage, la nage forme et santé et le développement durable car l’eau est une denrée à laquelle il faut faire attention. Puisque la fédération et les clubs ont vocation à être présents sur ces quatre axes, il n’est pas incongru de prétendre gérer les piscines publiques ».

S’il est vrai que cette ambition n’a connu jusqu’ici que très peu de traductions concrètes, le ministère des sports est intéressé par la démarche.

Des exemples à suivre

  • Bordeaux Métropole : Une quinzaine de projets verra le jour d’ici 2022. Un plan piscine a été acté en 2017 assorti de la création d’un fond de soutien à la construction et rénovation de piscines.
  • La communauté d’agglomération de St Nazaire : Cinq nouveaux bassins ont vu le jour. Les créneaux disponibles ont augmenté de 40% pour les associations et ont été multipliés par quatre pour le grand public et par deux pour les scolaires. La gestion des piscines reste très majoritairement assurée par les communes (55%) ou par les EPCI (28%).

Un nouvel acteur : l’Etat

Le SNEP a toujours demandé à l’Etat un plus grand investissement. Réguler, corriger les inégalités est de sa responsabilité. Qu’il renouvelle son rôle est plus que nécessaire. 

Sur la période 2006-2018, le ministère des sports via le CNDS a alloué des subventions en regard de 516 dossiers (sur 272 000 équipements au plan national) sur la base de critères cumulatifs : quartiers de la politique de la ville (QPV) ou leurs environs immédiats et dans des territoires ruraux en carence d’équipements justifiée par la DRJSCS. Si cette aide peut être appréciable, elle s’avère déjà insuffisante au regard des besoins vu le retard accumulé depuis plusieurs années (voir à ce titre l’analyse faite par CATHALA dans son rapport en 2002).

*****

IGEN : Inspection générale de l’éducation nationale.

IGJS : Inspection générale de la jeunesse et des sports.

QPV : Quartier de la politique de la ville.

EPCI : Etablissement public de coopération intercommunale.

DSP : Délégation de service public.

CNDS : Centre national du développement du sport.

FFN : Fédération française de natation.

DRJSCS : Direction régionale de la jeunesse et des sports et de la cohésion sociale. 2S2C : Dispositif MEN «  Sport-Santé-Culture-Civisme », juin 2020

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