Jeux olympiques et paralympiques, problèmes et promesses

Par la Direction Nationale du SNEP-FSU

Posture offensive

Le SNEP-FSU est entré en campagne pour le développement de l’EPS lors de son congrès en décembre 2021, avec une double entrée sociale. Deux « fenêtres » politiques s’étaient ouvertes, à quelques années d’écart. L’une sur la politique sportive, l’autre sur la politique de santé publique. La première concerne l’attribution des jeux olympiques et paralympiques de 2024 à la ville de Paris1. Il nous a semblé important de revendiquer le développement de l’EPS, du sport scolaire et du sport dans toutes ses dimensions, à l’occasion de l’accueil par la France du plus grand et du plus médiatique évènement sportif mondial. D’ailleurs, le terme « héritage » s’est très vite imposé dans le langage médiatique comme une nécessité. Pour le SNEP-FSU et concernant l’EPS, cet héritage doit se traduire, à terme, par les 4 h d’EPS, de la 6e à la Terminale et une UE « sport » à l’université entre autres. Une fois la décision politique prise, celle-ci ouvrira nécessairement de nouveaux chantiers pour installer et stabiliser les nouveaux horaires de l’EPS : recrutements, formation, équipements…

Aujourd’hui, nous sommes à quelques semaines du début des JOP. Ce qui est certain, c’est que le SNEP-FSU, grâce à l’activité permanente de ses militant.es, a réussi à mettre dans le paysage sur une durée de plusieurs années, l’idée et le débat autour de la nécessité de développer le « sport à l’Ecole ». L’orientation du SNEP-FSU qui consiste à dire que cela passe obligatoirement par l’enseignement de l’EPS a été relevée dans les médias depuis des années maintenant.

Le pouvoir politique continue à « ignorer » les revendications du SNEP-FSU et continue une politique que nous avons qualifiée depuis 2017 comme une attaque contre l’EPS.

La deuxième « fenêtre », c’est la sédentarité, l’inactivité physique. Nous ne l’abordons pas ici car nous mettons la focale sur les JOP.

JOP, un double regard

Les JOP continuent à être une fenêtre sur l’excellence selon les codes sportifs de la performance sportive planétaire. Non seulement les meilleur.es athlètes s’y rencontrent et peuvent susciter l’engouement populaire lors des différents grands évènements sportifs internationaux (GESI), mais nous pouvons observer, savourer, apprendre, en assistant aux rencontres et autres épreuves des différentes disciplines olympiques. Il s’agit d’observer ce qui se fait de plus performant techniquement et technologiquement dans la culture sportive large.

Au SNEP-FSU, nous avons toujours défendu le sport comme faisant partie de la culture humaine,  populaire, au sens très large du terme. Les rencontres sportives, à tous les niveaux, et les JOP en font partie, sont un lieu où peuvent se côtoyer des personnes issues des classes sociales différentes.

C’est aussi une opportunité, devenue rare, que d’assister à un certain nombre d’épreuves, dans les disciplines sportives peu présentes médiatiquement mais aussi peu présentes tout court, dans la société française, à travers son tissu associatif notamment. Il n’y a qu’à comparer le nombre d’adhérent.es dans les différentes fédérations sportives pour s’en rendre compte même si, dans la durée, faute de soutien aux associations, ces chiffres ne se maintiennent pas.

Cependant, il ne nous est pas possible de ne pas prendre la mesure des problèmes sociaux, politiques, économiques et écologiques créés lors des GESI, y compris les JOP 2024. Des observateurs, des journalistes, syndicalistes, militant.es des différentes associations, des citoyens·es, … alertent sur les problèmes non traités. La question du dopage, y compris en amont des JOP, reste un grave problème récurrent. Nous ne développons pas plus dans ce texte.

JOP et économie

Nous ne développerons pas ici l’ensemble d’éléments à dimension économique dans le cadre de l’organisation des JOP. Nous caractériserons l’ampleur et l’ambition, les contradictions voire les gabegies financières et les retombées, qu’elles soient exprimées en termes de dettes (sociales et fiscales pour la plupart) ou des réalisations utiles à l’avenir.

L’ensemble des dépenses pour les JOP 2024 s’élève à quelques 9 milliards d’euros pour le moment. Cette somme est énorme, compte tenu du fait qu’il s’agit d’un rassemblement durant quelques semaines seulement. Selon le Comité français du sport international, seulement 1 milliard d’euros proviendrait de l’argent public et concerne essentiellement des infrastructures et autres aménagements urbains.  En réalité et suite aux dépassements des coûts, la dépense publique s’élèverait à 6 milliards d’euros2. La totalité des pays est concernée. Pour pouvoir concourir ensemble (10 500 sportifs de 206 pays), participer à l’organisation ou assister aux différents évènements, l’ensemble des infrastructures nécessitent des constructions, des rénovations, des aménagements urbains, des transports revus, des points de restauration etc.

Les investissements privés réclament forcément des retombées financières. Que des entreprises privées, multinationales gigantesques pour la plupart, s’emparent, via le « sponsoring » et les droits de retransmissions, de ce que les JOP représentent pour eux, c’est-à-dire un marché (avant, pendant et après l’évènement), ne doit plus continuer. La financiarisation des JOP ne connait qu’une seule logique : générer de gros profits. Le problème et la règle sont qu’il y a une « socialisation des pertes et une privatisation des bénéfices ». Pointons, par exemple, les exonérations fiscales votées qui sont un manque à gagner pour les recettes publiques.

La régulation publique, internationale, doit permettre l’arrêt de ce processus de quasi privatisation des JOP. Le CIO doit avoir un fonctionnement démocratique. L’ONU doit prendre un rôle important dans les prises de décisions.

Pour ce qui est des dépenses publiques, elles doivent garantir les bénéfices publics, d’une part, et les bénéfices, pas seulement économiques mais aussi sociaux, au sens large. Ainsi, les établissements scolaires et le tissu associatif doivent pouvoir utiliser l’ensemble des équipements mis sur pieds, les infrastructures doivent améliorer les conditions de vie, sans surcoût, des populations. Les transports en commun (notamment le métro) doivent être davantage accessibles aux personnes à mobilité réduite.

Les solidarités internationales doivent être mises sur pied, via les mécanismes transparents. A ce rythme, très peu de pays, riches évidemment, pourront désormais organiser les JOP. La démocratisation des retombées socialement positives doit rimer avec l’accès des pays du « sud » global à l’organisation des évènements de ce type.

JOP et travail

Pour une première fois dans l’histoire des JOP, une charte sociale a été signée avec les organisations syndicales permettant à ces dernières une visite/contrôle des différents chantiers et la vérification du respect du code du travail. Même si des entorses ont pu être constatées : emplois de sans-papier, sous-traitance non respectueuse du code du travail… Les conditions de travail sur les différents chantiers ont été plus respectueuses des salariés. Le besoin fort de bénévolat pour la tenue des Jeux masque une tendance forte de forme de travail dissimulé et la nécessité d’un engagement important d’agents de l’Etat a un impact fort sur leurs conditions de travail.

Par ailleurs, le nombre d’accidents du travail avait été divisé par 4. Au regard du bilan fait par l’OIT, on cherche à imposer cette charte aux USA pour les JOP 2028.

JOP et logement 

Une rénovation urbaine a été décidée depuis 2016, un an avant l’attribution des JOP à Paris. Le parc des logements sociaux va diminuer. Les JOP ont considérablement accéléré les choses, ne serait-ce qu’en raison des délais imprescriptibles. Les JOP doivent avoir lieu à la date prévue. Faute de quoi, la ville de Paris et même l’Etat français auraient à subir de forts coûts en termes de préjudice. Le CIO est le seul gagnant de toute façon.

Au moins 1500 personnes ont été expulsées3. Certes, nous sommes loin des 1,5 millions de personnes déplacées lors des travaux de Pékin 2008 mais cela n’exonère pas et ne rend pas acceptable cette situation.

Selon les règles de l’Agence nationale de rénovation urbaine, les personnes déplacées doivent être relogées dans un périmètre de 5 kms maximum du précédent logement. Les pressions subies par les anciens locataires, précaires pour la majorité, sont permanentes, pour qu’ils acceptent les dérogations à cette réglementation.

En gros, le profil sociologique de toute la « zone olympique » va fortement changer.

Les logements construits ou rénovés, doivent permettre de reloger la totalité des habitant.es des zones urbaines concernés. Les JOP ne doivent pas se transformer en outils de gentrification.

Nous pouvons rajouter l’évacuation des SDF des zones proches des sites olympiques, le déplacement des accueils collectifs de mineur.es loin de Paris, les étudiant.es qui doivent libérer leur chambre universitaire, ce qui porte le bilan « logement » à un niveau particulièrement problématique.

JOP et écologie

Les JOP 2024 sont, comme tous les rassemblements, sportifs ou autres, de masse, contributeurs au réchauffement climatique, en raison de très nombreux allers et retours, en avion notamment et participent plus globalement à leur niveau à la crise systémique écologique planétaire. Cependant, ils le seront moins que les GESI ayant créé le plus de débats sur ce sujet comme la coupe du monde de football au Qatar ou la future coupe du monde de football qui va se dérouler sur plusieurs continents, exemples les plus flagrants et indécents au vu de la crise écologique. Le CIO et le COJO disent vouloir à travers les JOP de Paris en faire des jeux responsables. Il faudra en faire le bilan. Si la problématique des transports doit être traitée avec deux entrées (éviter la multiplication des déplacements très polluants comme dans les deux exemples cités plus haut et poser la question de la proportionnalité des transports à l’occasion des GESI, dont les JOP, avec les mêmes problématiques que pour le reste des déplacements dans le monde), il demeure utile de se poser la question de la recherche d’un ou plusieurs sites dans le monde, dédiés aux JOP en raison de leurs caractéristiques climatiques, sociales, politiques, etc.

JOP et libertés publiques 

Les JOP de Paris deviennent aussi, au nom de la sécurité liée entre autre au contexte géopolitique,  des lieux d’expérimentation de renforcement de surveillance (algorithmes, reconnaissance faciale, …) et de contrôle des populations. Face à une loi dite d’exception, le contrôle de la population se renforce et laisse craindre que « l’exception » ne devienne la règle suite aux « expérimentations ». Les libertés individuelles et publiques sont de plus en plus contraintes et une vigilance accrue est nécessaire.

JOP et égalité hommes/femmes

La Charte Olympique affiche des principes éthiques fondamentaux universels. Parmi ceux-ci, la non-discrimination y compris de sexe (principe N°6) ; et la neutralité politique, religieuse et raciale (règle 50.2)4

Concrètement, d’olympiade en olympiade, de moins en moins de délégations nationales étaient composées exclusivement d’hommes. Depuis Londres en 2012, toutes les délégations ont des femmes en leur sein. La contrepartie nouvelle est la concession accordée à certains Etats au pouvoir explicitement religieux, d’accepter que des femmes de leurs délégations concourent avec des tenues à caractère religieux.

Concernant la question de l’égalité dans le mouvement sportif, il nous faut souligner le manque de femmes dans les instances dirigeantes du mouvement sportif et le manque de leur représentativité à tous les niveaux des organisations du sport.

JOP et handicap

Les Organisateurs des JOP 2024 communiquent beaucoup autour du changement apporté à la devise olympique en 2021 qui se lit désormais comme suit : « Plus vite, plus haut, plus fort – ensemble ». Si pour le CIO, il s’agissait alors de reconnaître le pouvoir unificateur du sport et l’importance de la solidarité, les organisateurs des JOP 2024 y voient aussi l’occasion de promouvoir l’unité du sport entre valides et en situation de handicap. Rappelons que le montant des primes à la médaille par le gouvernement français est (reste) identique pour tou.tes : femmes / hommes / valides / non valides ). Quant au « club France », il permettra pour la première fois d’honorer dans un même lieu, situé dans la Grande Halle de la Villette, les athlètes olympiques et paralympiques français.es, qu’il s’agisse des médaillé.es ou des autres membres de l’Équipe de France. De plus, force est de constater que les athlètes paralympiques ne sont pas oublié.es dans les opérations de promotion de l’évènement 2024 en France. Pour autant, ces actions volontaristes ne permettent pas (pour l’instant en tout cas) de remplir les stades avec la billetterie payante ou d’atteindre les objectifs de retransmission audiovisuelle des épreuves paralympiques.

JOP et paix

Les jeux olympiques dans la Grèce antique débouchaient déjà sur une idée que les jeux ne pouvaient se dérouler en temps de guerre. Ainsi, la « trêve olympique » était pratiquée, avec l’idée de l’unité des différentes cités de la Grèce d’alors. Les jeux, dès leurs origines, étaient pensés avec la paix à l’esprit.5 Ils faisaient partie des éléments sociaux constituant une vision utopique de la paix. Il n’est pas question ici de nier la violence qui existait dans la société à cette époque.

En s’inspirant des jeux antiques, P. De Coubertin, à la Sorbonne en 1892, parle des jeux qu’il veut relancer comme « un facteur potentiel pour une paix universelle ».

Depuis 1993 l’Organisation des nations unies (ONU) adhère à l’idée de la « trêve olympique » prolongeant ainsi l’idéal olympique de la paix.

Les jeux de Londres (2012) sont les premiers ayant vu l’ensemble des nations membres de l’ONU signer la résolution pour une « trêve olympique ».

S’il est vrai que les conflits armés n’ont jamais cessé dans les différentes parties du monde, il nous semble important de relever le discours olympique, officiel, comme résolument tourné vers l’idée d’un monde pacifié.

Tout au long du 20e siècle, les organismes internationaux tels que le CIO, mais aussi l’ONU, ont toujours eu à négocier dans un terrain mariant les nationalismes et l’internationalisme6. Il nous semble qu’il s’agit d’une posture indispensable dans un monde qui n’est plus polarisé en trois blocs (démocraties occidentales, sphère soviétique, les non-alignés) mais toujours en proie, plus que jamais, aux partages de la planète selon les puissances économiques et militaires des pays.

Par ailleurs, nous résistons à l’idée d’associer les JOP plus qu’ils ne doivent l’être, au problème des guerres dans le monde. La focale médiatique mise sur les JOP, compte tenu de leur caractère universel, qui plus est lorsque ces derniers ont lieu en France, chez nous, fait ressortir les contradictions et enflamme (parfois) les débats. Mais, nous mettons en avant l’idée que les JOP doivent être un appui de plus pour les forces pacifistes dans leur (notre) appel pour la paix dans le monde.

La posture du CIO, patron des JOP dans le monde et (théoriquement) indépendant des différents gouvernements, est autre chose. Elle fait partie des affichages publics et devient donc critiquable par définition. Nous avons aujourd’hui une dizaine de conflits armés. Le CIO a décidé de suspendre le comité olympique russe et biélorusse, en raison de l’agression que la Russie mène aujourd’hui contre l’Ukraine. Les athlètes russes pourront participer à titre individuel, sans leur hymne national et sans leur drapeau. Les équipes (sports collectifs etc) seront interdites de compétition.

Pour rappel, l’exclusion des « pays » des jeux ont existé par le passé : la cité de Sparte en 420 avant JC, Allemagne, Autriche, Hongrie, Turquie, Bulgarie en 1920 car vaincus lors de la première guerre mondiale, Allemagne et Japon en 1948 car vaincus lors de la seconde guerre mondiale, l’Afrique du sud dans les années 1970 pour cause d’apartheid, Yougoslavie en 1992 car mise au ban des pays par un embargo total.

Si la décision du CIO apparait comme cohérente, elle soulève au moins trois questions. La première est liée à la posture de l’Ukraine (qui demande l’exclusion des athlètes russes et qui ne souhaiterait pas de cessez-le-feu olympique (car elle estime que cela ancrerait davantage la Russie dans les territoires occupés). La deuxième est celle des différences (certains diront des préférences) de traitement des différents comités olympiques nationaux par le CIO. De nombreux conflits existent aujourd’hui. La question d’Israël, notamment, est posée au plan international par de nombreux observateurs, en raison des dizaines de milliers de Palestiniens morts sous les bombes de l’armée de l’état d’Israël. Enfin, la troisième relève du traitement accordé par certains pays aux femmes, minorités ethniques, membres des communautés LGBTQIA, et qui ne sont aucunement touchés par des mesures de sanction, sous quelque forme que ce soit. Souvent, les mêmes pratiquent la peine de mort.

Soulignons que le CIO permet la participation de 36 athlètes de l’équipe olympique des réfugié.es privé.es de leur nationalité.

JOP et EPS

Le SNEP-FSU considère la discipline scolaire EPS comme un maillon essentiel de la démocratisation « du sport » en France. C’est là que tous les enfants de France s’initient et se développent grâce aux apprentissages dans les différentes disciplines sportives et d’engagement physique artistique (APSA) dès le plus jeune âge. L’EPS est le maillon essentiel de la contribution du service public à l’éducation par « le sport », à l’accès à la culture sportive de tous les enfants et jeunes. Le caractère singulier de ce qu’est un service public fait de l’EPS le temps incontournable si l’on considère que des millions de jeunes Français.e.s n’auraient jamais de pratique sportive si cette discipline scolaire n’existait pas.

Les JOP étant l’évènement sportif majeur, au niveau mondial, le SNEP-FSU porte sur la place publique l’idée que l’organisation des JOP doit laisser un impact durable sur tous les segments du sport en France, et notamment l’EPS, en raison de son caractère massif et unique.

Dès le début des opérations communicationnelles portées par le gouvernement, dont le ministère de l’Education nationale, nous avons affirmé qu’il n’est pas permis de clamer toute l’importance du « sport » (et de ses effets en particulier par son enseignement et/ou animation contribuant à l’émancipation individuelle et collective) et des JOP, et de ne penser aucun développement de l’EPS, de façon durable, structurelle, symbolique, assise résolument sur la culture « sportive » et le regard critique, humaniste, porté sur celle-ci.

Le MEN est resté sourd à notre revendication principale pour le développement de l’EPS, les 4 heures d’enseignement hebdomadaire, de la 6e à la Terminale. Le MESRI n’officialise toujours pas une UE « sport » malgré le fait « qu’il juge cela essentiel ». Il nous semble important que chacun porte ses propres responsabilités. Les organisateurs des JOP de Paris ne sont pas responsables, en lieu et place du MEN, de ce que ce dernier ne fait pas pour l’EPS. En revanche, nous avons rencontré peu de propos engagés avec nous. Il faut noter, tout de même, que certain.es ont accepté de débattre avec le SNEP-FSU publiquement7.

Quant aux acteurs premiers des JOP, sportifs eux-mêmes, un certain nombre ont signé nos appels, tribunes et autres pétitions, et ce depuis des années.  Mais nous sentons une distension du lien que nous avions avec de nombreuses fédérations.

La tenue des jeux paralympiques doit être l’occasion de porter la question de l’inclusion au-delà des JOP mêmes. En EPS et dans le sport scolaire, toute inclusion doit être accompagnée des mesures significatives dont l’allègement des effectifs par groupe/classe et la présence d’AESH de manière systématique.

Politiques sportives

Dans son histoire, la politique du sport en France a été portée soit par un ministère de plein exercice ayant la main sur ses agent.es et en responsabilité les politiques publiques du sport, associé ou non à un autre périmètre (Jeunesse, Vie Associative, Ville, Santé, …), soit par un ministère délégué, soit par un Secrétariat d’Etat. Mais depuis quelques années, le ministère abandonne ses missions historiques, dont il organise le transfert vers d’autres acteurs. Avec l’obtention des JOP, clairement, le gouvernement a transformé le sport en véritable instrument de promotion politique, tant nationale qu’internationale, en ne portant pas sa fonction culturelle, son intérêt propre qu’il réduit à des propositions publicitaires (APQ, 2H). Dans le même temps, la crise démocratique et morale qui saisit les fédérations est refusée en tant que telle (rappelons-nous l’appréciation d’Oudea-Castera sur le rapport parlementaire).

Pour le SNEP, le sport doit être compris dans sa dimension anthropologique, plus qu’un mode de vie, il doit être saisi comme un processus d’accès de toutes et tous aux meilleures performances athlétiques, une des matrices du développement humain aux plans psychologique, biologique, symbolique et social. Toutes nos propositions visant à porter cette option au meilleur niveau politique et social possible.

C’est aussi l’optique dans laquelle nous considérons les JOP comme une mise en visibilité des meilleures réalisations sportives du moment.

Les profondes transformations sociales, technologiques, scientifiques, politiques, sous pression des urgentes questions climatiques et écologiques, conduisent le sport à réexaminer ses contenus, organisations et pratiques. Sa crise est telle que des réaménagements seront insuffisants s’ils ne posent pas comme préalable la volonté d’ancrer le sport dans une véritable refondation sociale et culturelle, garantissant la sortie du sport des sphères marchandes, garantissant les liens entre le sport de HN et tous les autres lieux de pratique etc. Une loi fondamentale pourrait convenir à cette entreprise.

Dans sa vision toujours plus libérale et individualiste du sport, le gouvernement considère que tous les acteurs se valent, que ce soit en matière de formation professionnelle (aux métiers du sport et de l’animation) ou s’agissant de l’organisation des activités sportives. Le sport privé marchand et les pratiques individuelles sont autant encouragés et valorisés que le sport fédéral. Malgré les dérives constatées, l’Etat donne toujours plus d’autonomie aux fédérations et demande aux services J&S de se recentrer sur des missions de contrôle. Quant au soutien au sport de haut niveau, il se limite désormais à la haute performance (médaillables). Cette politique pose à la fois un problème d’accès aux pratiques (démocratisation) mais aussi de risques au niveau de la sécurité et de la qualité des pratiques sportives.

Le ministère a confié ses missions historiques – le « sport de haut niveau » et le « développement des pratiques » – à l’Agence Nationale du Sport, créée en 2019 afin de partager davantage la gouvernance du sport avec les autres acteurs de l’écosystème (collectivités, mouvement sportif, monde économique). Ce système rencontre des difficultés à se mettre en place et donc montrer sa pertinence.

Sur le sport de haut niveau, une distinction a été faite avec le sport de haute performance, recentrant ainsi les moyens du ministère sur un nombre plus restreint de sportif.ves limité aux potentiel.les médaillables à court terme dans les grandes compétitions, notamment aux JOP 2024.

En matière de sport pour tous, les collectivités sont majoritaires dans la gouvernance des conférences régionales du sport, alors que l’Etat reste le seul financeur de ce qui devait être un « pot commun » et que ce sont uniquement les personnels J&S qui sont mis à contribution. L’accompagnement du sport associatif fédéré n’est plus la mission principale ; l’Etat finance désormais aussi le sport privé marchand (EX : pass’sport), et continue à soutenir les projets des collectivités (création/rénovation d’équipements sportifs mais aussi subventions de fonctionnement pour des stages « savoir nager » ou « savoir rouler à vélo »).

Quant à la « formation professionnelle » aux métiers du sport et de l’animation, le gouvernement continue d’encourager sa mise en œuvre par des acteurs privés, associatifs ou marchands, sans se donner les moyens d’en garantir la qualité. 

Concernant la mission d’information/conseil/accompagnement des usager.ères et des dirigeant.es associatif.ves, elle est limitée par le faible nombre d’agent.es dans les services J&S et le recentrage de leurs missions sur d’autres priorités.

Pour le SNEP-FSU, qui est porteur de 10 propositions pour le SPORT , c’est une tout autre politique qu’il convient de mettre en place. En lieu et place d’une communication de façade et d’une multiplication de dispositifs qui ne concernent qu’une minorité de personnes, il faut mener une véritable politique ambitieuse et volontariste en faveur du sport pour le plus grand nombre, avec un soutien accru à la vie associative et des formations aux métiers du sport de qualité portées par les établissements du sport et les universités. Cette politique doit être véritablement concertée, à tous les niveaux, en exigeant que chaque acteur (l’Etat, les Collectivités, le Mouvement Sportif et le monde économique) contribue en mettant de l’argent dans le pot commun…

Il faut par ailleurs renforcer le rôle et les moyens du ministère chargé des sports (crédits et personnels) ; son budget doit être immédiatement doublé (objectif = 1 % du budget de l’Etat) ; un plan pluriannuel de recrutements de personnels J1S dans les différents corps doit être programmé ; le/la ministre doit retrouver la mainmise sur son budget ainsi que sur ses personnels (en attendant une décision forte du gouvernement qui annoncerait la disparition de l’Agence Nationale du Sport, il est important qu’un ministère « fort » en assure la tutelle).

Conclusion : quelles luttes pour un impact progressiste et humaniste ?

Les JOP ne peuvent être considérés isolément du contexte social dans lequel ils sont organisés. Le gouvernement français et particulièrement le MEN, passent à côté de l’opportunité historique de se montrer cohérents.

L’héritage, officiellement écrit dans la charte olympique, n’est ni à la hauteur des valeurs annoncées de la charte, ni des exigences en termes de sommes investies sur l’ensemble du territoire national, ni en termes de choix des réalisations. Toutes nos revendications sur les équipements, pour les 4 heures d’EPS dans le second degré, pour l’UE « sport » à l’université, pour une réécriture des textes officiels afin de donner une place centrale à la culture « sportive » dans l’Ecole, ne sont à ce jour pas entendues. Le SNEP-FSU continuera, jusqu’aux JOP 2024 et après, à porter ses revendications qui concernent tous les jeunes.

Les forces de progrès social doivent peser pour une réappropriation démocratique, populaire, planétaire, des JOP au sens d’un bien commun humain. Au sein du mouvement olympique, il se passe exactement le même phénomène que dans le reste de la société. Les forces du capital, et surtout du très grand capital, s’emparent de toutes les sphères de l’humanité pour en faire des bénéfices, et les conserver. Les forces, dont le SNEP-FSU fait résolument partie, luttant pour une humanité solidaire, fraternelle et émancipée, une bifurcation écologique urgente et incontournable doivent se réapproprier les JOP. Car, il s’agit d’un patrimoine vivant porteur de progrès social, à condition de créer des rapports de forces nécessaires. Notre campagne pour l’EPS, le sport scolaire et le sport, est de ces mouvements-là. Notre texte de congrès de Vogüé en 2014, « Agir pour des ESI démocratiques, solidaires, écologiques et dé-marchandisés » reste d’actualité. Ce texte porte et soumet des idées pour la transformation des ESI. Le SNEP-FSU continuera de porter le débat pour des transformations indispensables auprès des élu.es, des fédérations sportives, le monde syndical etc.

Les JOP étant un évènement planétaire, il n’est pas possible de les penser sans rapport aux conflits, agressions et guerres en cours. Nous pourrions retenir les propos de l’historien Frank Deford8 : « Le point n’est pas d’arrêter la guerre pour les jeux. Le point est d’apprendre des jeux comment éviter la guerre. »

La financiarisation du sport de haut niveau, dont les JOP, conduit à de plus en plus de séparation entre une partie du sport de haut niveau et ce que nous appelons le sport pour tous. Nous continuons à agir dans un cadre qui se veut unitaire du sport. C’est le sens de notre appel pour les 4 heures de l’EPS, à l’occasion des JOP 2024.

Dans la même veine, l’idée, désormais sur la place publique, de faire entrer le e-sport dans le mouvement olympique est une autre conséquence de la financiarisation. Où est le sport ou la pratique physique dans le e-sport appartenant à des entreprises privées (brevets/logiciels, …) ? Non, tout ne se justifie pas par le gain d’argent. Le populisme numérique consistant à vouloir attirer les jeunes vers le mouvement olympique en leur faisant croire que jouer aux jeux vidéo est la même chose que de pratiquer une discipline sportive, physique et artistique, doit être reconnu pour ce qu’il est : un opportunisme économique capitaliste débouchant sur de nouveaux marchés et profits. Rien d’autre.

Si les pouvoirs publics veulent vraiment s’inspirer de la charte publique et de l’UNESCO, ils devraient enfin accepter l’idée que l’Ecole et l’EPS sont le premier lieu qui « touche » tous les jeunes. Donc, permettre effectivement l’accès à tout.es à la pratique sportive, c’est le faire à l’Ecole d’abord.

Les exigences du SNEP-FSU, liées au développement de l’EPS, du sport civil et du sport scolaire, demeurent plus que jamais d’actualité. Celles-ci portent sur : les horaires, les équipements sportifs, la formation initiale et continue, les recrutements massifs et pérennes, la revalorisation salariale, la réécriture des textes officiels de l’EPS etc.

  1. D’autres villes et territoires seront concernés par les épreuves : Lille, Marseille, Bordeaux, Nantes, Lyon, Saint-Etienne, Nice, Tahiti []
  2. J. Lindgaard, Paris 2024. Une ville face à la violence olympique. 2024 []
  3. J. Lindgaard, op.cit. []
  4. [1] 50/50, Le magazine de l’égalité femmes/hommes : file:///Z:/Egalit%C3%A9/2023.2024/Les%20valeurs%20universelles%20du%20sport%20Un%20combat%20f%C3%A9ministe%20-%2050%20-%2050%20Magazine50%20%E2%80%93%2050%20Magazine%20les%20p%C3%A9rip%C3%A9ties%20de%20l’%C3%A9galit%C3%A9%20femmes_hommes%20.htm []
  5. L’Olympisme. Genèse, principes et gouvernance. J.O. Segrave, 51-68. []
  6. J.O. Segrave, op.cit. []
  7. Marie Barsacq, Directrice Impact et Héritage du Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 (COJO), est venue débattre dans l’émission « Soirée de l’EPS » le 28 septembre 2023 []
  8. F. Deford, To see is to believe : The olympic games offer an image of peace, Sports Illustrated, 1988 []
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