CDNE des 12 et 13 janvier 2023 – Introduction

Bonjour à tous et toutes

Une fois n’est pas coutume, je vais pouvoir, via ce petit topo introductif, vous souhaiter à tous et toutes une bonne et heureuse année 2023. On pourrait penser que ces vœux sont incantatoires compte tenu du contexte et des projets à venir qui risquent d’assombrir encore un paysage bien morose mais les luttes à mener, les combats à initier sont autant de moments heureux parce que partant d’un passé et d’une situation difficile, nous avons la responsabilité de donner des perspectives, de construire un avenir. Nietzsche écrivait : « Féconder le passé en engendrant l’avenir, tel est le sens du présent ».

Au plan personnel, professionnel et syndical, je vous souhaite à tous et toutes ainsi qu’à vos proches, au nom du secrétariat national, le meilleur pour cette année ! Avec le secret espoir bien sûr que nous saurons mener des luttes victorieuses… Et des luttes à mener, ce n’est pas ce qui va manquer…

Quelques éléments de contexte en ce début de nouvelle année, histoire de poser le paysage dans lequel nous sommes malheureusement plongés

Au plan International

En dehors de la guerre d’Ukraine qui perdure et de l’ensemble des conséquences qu’elle provoque, on observe une montée du fondamentalisme, de l’extrémisme, de l’extrême droite… Sans développer plus avant, on a en tête ce qui se passe en Iran, en Afghanistan, en Israël, en Turquie, en Hongrie ou encore en Italie sans oublier bien sûr que tout cela n’est pas sans conséquence sur le territoire national avec la banalisation de l’extrême droite et son discours, du racisme, de la xénophobie et qui aboutit à des évènements monstrueux et meurtriers comme l’attaque de la communauté kurde à Paris. Ces évènements ne sont pas à prendre à la légère et touche aussi directement l’Éducation nationale et ses personnels avec Zemmour et son réseau « parents vigilants » qui essaient d’embraser l’Ecole en menant des campagnes sur les réseaux sociaux en contestant des apprentissages, en attaquant des chefs d’établissement, des enseignants. Il faut aussi mesurer que dans la mouvance zemmourienne on trouve des enseignants d’histoire géographie, de philosophie, des professeurs des écoles. L’extrême droite commence à gangréner nos milieux et il nous faut y être extrêmement attentifs. En parallèle nous pouvons néanmoins nous réjouir du retour de Lula au Brésil et des premières mesures prises par décret qui marquent une rupture radicale avec la politique menée par Bolsonaro. Pour autant, on voit bien que lorsque l’extrême droite ou le populisme accède au pouvoir, il ne le lâche pas facilement et attaque les démocraties comme le font les trumpistes ou les bolsonaristes qui ont envahi le congrès et le palais présidentiel dans une ambiance insurrectionnelle.

Au plan National

L’inflation avec la flambée des prix sur l’énergie, les denrées alimentaires… met plus encore en exergue les inégalités fortes dans notre pays. D’après l’INSEE entre 2020 et 2021 les revenus des 10% des plus riche ont augmenté en moyenne 4 fois plus que celui des 10% les plus pauvres. Le taux de pauvreté avoisine lui, sur la même période plus de 18% de la population soit près de 12 millions de personnes. Là aussi ces chiffres ne sont pas sans conséquence puisque cela touche nos élèves et non voit tout le hiatus qu’il y a à sommer l’école de gommer ces inégalités.

Pendant que certains, toujours les mêmes s’enrichissent, le gouvernement nous incite à toujours plus de sobriété : serrez-vous la ceinture, faites le dos rond face à l’inflation, mettez des pulls… Si, comme le dit l’ADEME, on constate de réels efforts, c’est bien souvent contraint par l’explosion des coûts et des salaires en berne qui obligent une bonne partie de la population à faire des choix drastiques. S’il n’est nul besoin d’être pauvre pour comprendre les pauvres, il apparait, au regard des choix gouvernementaux, que les millionnaires aux manettes ont bien du mal à comprendre les difficultés à vivre des Français. Un gouvernement de millionnaires en dehors des réalités du monde (19 ministres sur 41 sont millionnaires. 30 sont à la fois dans les 10% des Français qui gagnent le mieux leur vie et dans les 10% de ceux qui possèdent le plus). Ce sont ceux-là mêmes qui ont refusé l’augmentation du SMIC à 1 500 euros. Ce sont eux aussi qui avaient sucré 5 euros d’APL aux plus précaires. Eux, aussi, qui s’acharnent sur les chômeurs et leurs droits depuis cinq ans et dont la dernière réforme va amplifier les dégâts. Ceux-là, enfin qui refusent, toujours, de taxer les superprofits, amenuise les ressources de l’Etat et instaure un reste à charge sur le CPF…

Ce gouvernement multi condamné pour inaction climatique ne semble pas avoir pris la mesure des enjeux et l’expression de Macron lors des vœux le confirme largement lorsqu’il ose dire « qui aurait pu prévoir la crise climatique de cet été il y a un an ? ». Les COP climat et biodiversité se succèdent avec quelques résultats sans qu’on puisse vraiment dire que ça apporte des fruits réels. Par contre ces réunions génèrent des coûts écologiques avec une empreinte carbone conséquente si on mesure les impacts de la COP 27 qui a réuni 196 pays, 33 000 personnes sur 13 jours avec la visite de 100 chefs d’Etat et, plus ubuesque encore, 636 lobbyistes du gaz et du pétrole qui agissent pour qu’au final rien ne soit dit sur les énergies fossiles…

En termes de coûts démentiels, on pourrait aussi citer les deux voyages de Macron à la coupe du monde de football au Qatar qui auront coûté aux contribuables 501 000 euros soit 31 ans de SMIC, 480 tonnes équivalent CO2 soit 53 ans de l’empreinte carbone moyenne d’un français… Déplacement qui, au final, ne lui auront pas été utile au plan national. Dire que le sport n’est pas politique et tenter de récupérer et capitaliser sur le résultat de l’équipe de France à son bénéfice n’aura pu être possible et sa côte de popularité reste à un niveau très faible de 36%.

Pour continuer sur le refrain « ils vivent dans un autre monde », on peut citer le cas de notre ancienne ministre du travail Penicaud qui ne comprend pas le problème qu’elle et les membres de son cabinet d’alors aient pu créer l’agence de conseil Quintet pour vendre leur expertise sur la réforme de la formation professionnelle qu’ils ont portés et mis en œuvre. Elle est, par ailleurs, membre du conseil d’administration de deux organismes de formation : Galileo Global Education et Manpower.

On pourrait continuer longuement sur ce refrain tellement le décrochage avec la réalité est grand pour nos gouvernants…

Ce qui fait l’actualité c’est quand même la réalité du dialogue social que Macron2 avait promis de mettre au cœur. Nous en sommes au jour d’aujourd’hui à dix 49.3 pour imposer les lois de finance. Il s’agit d’un record depuis Rocard ! Depuis la révision constitutionnelle de 2008, l’usage du 49.3 est limité à un seul texte de loi par session parlementaire, sauf, projets de loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale, pour lesquels le Premier ministre peut y recourir sans aucune limite. Il ne reste donc qu’une possibilité d’utilisation alors que plusieurs textes très polémiques doivent être discutés : le projet de loi asile et immigration qui envisage des titres de séjours pour les « métiers en tension » et une efficacité accrue des OQTF (un tri organisé des migrants), le projet de loi LOPMI (loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur), le projet de loi sur les énergies renouvelables mais aussi le texte sur la future réforme des retraites… Il y a fort à parier que pour garder une cartouche 49.3, le texte sur les retraites passe par un rectificatif au PLFSS parce qu’alors un nouveau 49.3 ne serait pas comptabilisé… L’importance d’une mobilisation extrêmement massive sera de fait primordial, les débats ne pouvant avoir lieu à l’assemblée. Quand on sait que 78% des Français sondés sont défavorables à un recul de départ de l’âge en retraite et qu’un autre sondage atteste que 68% d’entre eux sont favorable au retour d’un départ à 60 ans, le gouvernement serait face à deux possibilités : battre en retraite (c’est le cas de le dire) ou passer en force. Après avoir tenté d’ouvrir des brèches dans l’unité syndicale qui se dessine, fait une grosse opération séduction auprès des députés les républicains (qui semble avoir marquée des points), après avoir joué sur des éléments de communication en passant d’une réforme nécessaire pour alimenter les services publics à une réforme visant à sauver le système de répartition ou en donnant des pseudo gages en promettant de retirer du décret passé en catimini avant les congés de Noël l’article réduisant la durée d’indemnisation du chômage de 40%, Macron semble avoir choisi le passage en force pour satisfaire aux marchés financiers, au diktat européen. Ce projet de réforme est dogmatique, technocratique sans aucune réelle justification. Le système de retraite enregistre un excédent de 900 millions d’euros en 2021. En 2022, l’excédent devrait s’élever à 3,2 milliards d’euros. Pour les années qui suivent, ce sont des projections à plus ou moins long terme dont on ne peut maîtriser les indicateurs. En tout état de cause, si l’espérance de vie augmente, celle sans incapacité était estimée en moyenne en 2020 à 64.4 ans chez les hommes et 65.9 ans chez les femmes. Reculer l’âge de la retraite à 64 ou 65 ans tendrait donc à voir une augmentation significative des arrêts maladie compte tenu de la dégradation de l’état de santé en fin de carrière… Rapporté à une politique globale, on voit bien que les économies espérées sur le système des retraites se reporterait sur le système de santé… Système de santé par ailleurs à l’agonie à l’hôpital mais Macron en a trouvé le responsable : les 35h… Les recrutements en berne, les salaires insuffisants ou les fermetures de lits n’auraient donc rien à voir avec la crise que traverse l’hôpital.

Nous aurons un éclairage plus précis lors du temps dédié aux retraites avec notre invité Eric Staelen qui, au-delà de son engagement au SNES, est membre du COR.

Éducation

Sur l’Éducation, c’est le grand retour de la méthode Coué. Que ce soit Macron lors de ses vœux qui annonce sans douter un seul instant : « nous avons aussi commencé de raviver la confiance dans notre éducation nationale » ou encore N’Diaye « Être heureux c’est important à l’école. C’est important que les professeurs et les personnels soient heureux, que les élèves soient heureux en arrivant à l’école le matin » et nous fait vivre après l’injonction à la confiance de son prédécesseur, celle à être heureux… Preuve s’il en est besoin que la parole des personnels n’est aucunement écoutée et encore moins entendue… Qui peut croire à ces affirmations dans le contexte ? Cette confiance renouvelée dont parle Macron peut s’illustrer par le nombre de candidats qui se sont inscrits au concours dans une période d’inscription allongée toujours inférieur à 2021… Le choc d’attractivité a dû faire son effet mais il était tellement violent que les potentiels candidats ne s’en sont pas remis encore et hésitent toujours à s’inscrire.

Cette école de la confiance dans laquelle il nous faut être heureux est aussi celle qui a un niveau très élevé d’inégalités sociales selon l’OCDE – OCDE qui ne manque pas de rappeler que le système éducatif français est celui dans lequel les enseignants sont ceux qui travaillent le plus avec les classes les plus chargées sans compter qu’ils et elles sont loin d’être les mieux payés-… Pour résoudre ces inégalités, le rassemblement national, soutenu par LR et une certaine Brigitte M., a la solution, l’uniforme à l’Ecole. Une fois masquées les différences elles n’existeraient plus… Ce texte est examiné aujourd’hui même à l’Assemblée.

Pap N’diaye et sa conseillère spéciale Brigitte Macron continue la politique blanquerienne sur le fond même s’ils font mine de s’atteler à la difficulté scolaire. Jamais les externalisations sous quelque forme qu’elles soient n’auront été aussi nombreuses (les PE volontaires qui interviendront pour assurer auprès des élèves éprouvant des difficultés une heure de français et une heure de mathématiques, des éducateurs sportifs qui interviennent dans quelques établissements pour assurer les deux heures de sport supplémentaires, des assistants de langue qui vont être recrutés pour renforcer les compétences linguistiques, la voie professionnelle risque d’être livrée aux entreprises, etc.), jamais l’enseignement privé n’aura bénéficié d’autant de largesse. C’est le grand plan de Pap N’diaye (1h de maths et de français, suppression de la techno en 6ème, demi-journées de découverte des métiers renforcé par une heure de dictée quotidienne en primaire) … Quelle ambition éducative !!!

Dans le même temps, 500 postes vont être supprimés dans le second degré, les moyens s’amenuisent, les classes se surchargent, les conditions de travail se détériorent… Tout cela dans un contexte de localisme exacerbé où la politique éducative se dessinera territoire par territoire, établissement par établissement. Le CNR qu’il nous faut surveiller comme l’huile sur le feu est l’instrument de cette politique de construction de projets locaux et le jeu de chaises musicales auquel nous assistons en ce moment tant au ministère que dans les départements vise à installer des personnes qui mettront en œuvre ces projets sans aucun esprit critique.

Sur les suppressions de postes, ce jeudi le ministre annonce à l’ensemble des cadres de l’Education nationale la sanctuarisation des moyens en lycée professionnel en 2023. Pour calmer la grogne on nous refait le coup utilisé lors de la transformation de la voie professionnelle. Les baisses de moyens se reporteront donc sur les lycées mais aussi et surtout sur les collèges (sûr que c’est ainsi qu’on guérira « l’homme malade du système »)

Ce qui guide ces politiques c’est la réduction des moyens. L’objectif est de ne pas dépenser un centime. Cette volonté de « maitrise budgétaire », on la constate également sur la revalorisation historique que l’on nous promet… D’annonces en annonces, les membres du gouvernement se contre disent et manipulent la vérité. Le pacte est toujours d’actualité et alors même que nos horaires, nos obligations quand on cumule tous les éléments du décret de 2014 sont faramineux, on se contente de proposer à quelques-uns de toucher un peu plus à la condition qu’ils assument des charges supplémentaires…

Le ministre, lors de la prochaine multilatérale du 18 janvier devrait faire des annonces sur cette « revalorisation ». Il y aura là probablement quelques raisons supplémentaires de se mobiliser le 17 même si cela est compliqué !

Fort heureusement, si nous souhaitons gagner plus, il nous restera la possibilité de conduire les bus scolaires en nous rendant dans nos établissements… Concurrences, rivalités sont à l’ordre du jour alors que l’on nous bassine avec la nécessité du travail collectif au sein des établissements pour favoriser la réussite des élèves. En dehors d’une augmentation de la valeur du point d’indice, on ne pourra parler vraiment de revalorisation !

Mobilisations

Ce contexte, vite brossé, donne bien évidemment lieu à de nombreuses Mobilisations. Aucun blanc-seing sur aucun sujet n’est donné au gouvernement qui craint, plus que tout, l’émergence d’un mouvement du type Gilets Jaunes (qui semble par ailleurs vouloir se remobiliser à quelques endroits) c’est-à-dire des mouvements spontanés et non organisés. De nombreuses mobilisations sectorielles se développent comme les mobilisations dans le secteur hospitalier, la grève des médecins, celle des contrôleurs SNCF, des boulangers pâtissiers… Les thèmes sont toujours de même nature et concernent essentiellement l’emploi et les salaires. Si les retraites vont prendre une place importante et essentielle dans les combats à venir et quel que soit le résultat de cette bataille (j’espère vraiment que nous gagnerons), il est important de ne pas minorer tout en les mettant en relation ces revendications sectorielles. Il est aussi important d’arriver à l’âge de la retraite dans des bonnes conditions et donc primordial d’agir sur nos salaires et nos conditions de travail en luttant notamment contre les réformes éducatives qui se dessinent. C’est l’enjeu du 17 janvier qu’il ne faut pas rater. Ce sera le premier pas de la construction d’une mobilisation massive sur les retraites le 19 janvier.

Parallèlement une mobilisation de type politique au côté d’un mouvement de jeunesse se construit le 21 janvier. Sans mélanger les genres, elle fait partie du processus d’une large mobilisation sociale qu’il nous faut gagner.

Élections professionnelles

Pour finir, je ne vous ferai pas de retour sur les élections professionnelles puisque nous avons un temps dédié juste après notre débat général. Par contre face aux conditions extrêmement difficiles que nous avons vécues, je tiens à remercier et féliciter l’ensemble de l’appareil militant et vous en particulier pour les efforts constant, l’abnégation dont vous avez su faire preuve pour faire voter un maximum de collègue. Nous ferons une analyse plus précise mais d’ores et déjà nous avons à nous questionner sur la manière de rendre visible nos actions, toutes nos actions (stages, mobilisations, travaux dans les instances…) pour faire comprendre l’utilité du vote. Voter, à quoi ça sert ? c’est la question à laquelle nous sommes sans cesse confrontés… C’est dès maintenant qu’il nous faut travailler cette question. Même si les problématiques ont été réelles, nous ne pouvons-nous retrancher derrière les difficultés de vote. C’est nécessaire mais pas suffisant et il existe d’autres ressorts à la non-participation qu’il nous faut ensemble explorer.

J’aurais pu parler de bien d’autres choses comme par exemple ce qui se passe au sein du sport scolaire mais nous aurons un temps dédié et c’est maintenant la place de l’analyse et du débat sur le contexte.

 J’ai commencé par une citation, je finirai par une autre citation de Saint-Exupéry celle-ci : « L’avenir n’est jamais que du présent à mettre en ordre. Tu n’as pas à le prévoir, mais à le permettre ». Alors, permettons le ensemble !

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