Deux études montrent que le critère le plus important concernant le développement des inégalités de revenus est… l’affaiblissement des adhésions syndicales !
1. « Selon une étude consacrée aux évolution de l’inégalité pendant les années 1980 et 1990 et portant sur l’Australie, le Canada, l’Allemagne, le Japon, la Suède, le Royaume-Uni et les Etats Unis, le taux de syndicalisation s’est avéré le facteur le plus influent.
Bien que le chômage élevé affaiblisse le pouvoir de négociation des travailleurs, dans cette étude, la baisse du nombre de personnes syndiquées était l’élément qui entretenait la relation la plus étroite avec le creusement des écarts de revenus. »
J. Weeks, Inequality Trends in Some Developed OECD Countries, document de travail n°6, New York, United Nations Departement of Economic and Social Affairs, 2005. in « pourquoi l’égalité est meilleure pour tous » Richard Wilkinson et Kate Pickett, Edition les Petits matins, 2010
2. Dans un document appellé « le pouvoir et le peuple », Florence Jaumotte et Carolina Osorio Buitron, économistes au Département des Etudes du FMI expliquent suite à une étude « nous établissons clairement un lien entre la baisse du taux de syndicalisation et l’augmentation de la part des revenus les plus élevés dans les pays avancés durant la période 1980-2010 ». « Le recul du syndicalisme semble avoir largement contribué à l’augmentation de la part des revenus les plus élevés ». « En moyenne, le recul du syndicalisme explique pour moitié environ l’augmentation de 5 points de pourcentage de la part des revenus revenant aux 10 % les plus riches ».
Paru dans « Finances et Développement » Mars 2015
Un édito du Monde Diplo reprend la seconde étude… Éloge des syndicats
Par Serge Halimi, avril 2015
Puisque chacun prétend se soucier de l’envol des inégalités, pourquoi cette analyse du Fonds monétaire international (FMI) est-elle passée à ce point inaperçue (1) ? En raison de ses conclusions ? Dans une étude présentée en mars dernier, deux économistes issues de ce temple du libéralisme relèvent « l’existence d’un lien entre la baisse du taux de syndicalisation et l’augmentation de la part des revenus les plus élevés dans les pays avancés durant la période 1980-2010 ». Comment expliquent-elles ce lien ? « En réduisant l’influence des salariés sur les décisions des entreprises », l’affaiblissement des syndicats a permis d’« augmenter la part des revenus constitués par les rémunérations de la haute direction et des actionnaires ».
Selon ces économistes du FMI, « une moitié environ » du creusement des inégalités que les libéraux préfèrent traditionnellement attribuer à des facteurs impersonnels (mondialisation, technologies, etc.) découlerait du déclin des organisations de salariés. Doit-on s’en étonner ? Quand le syndicalisme, point d’appui historique de la plupart des avancées émancipatrices, s’efface, tout se dégrade, tout se déplace. Son anémie ne peut qu’aiguiser l’appétit des détenteurs du capital. Et son absence, libérer une place qu’envahissent aussitôt l’extrême droite et l’intégrisme religieux, s’employant l’une comme l’autre à diviser des groupes sociaux dont l’intérêt serait de se montrer solidaires.
Or l’effacement du syndicalisme ne tient ni du hasard ni de la fatalité. En avril 1947, alors que l’Occident s’apprête à connaître trente ans de prospérité un peu mieux partagée, Friedrich Hayek, un penseur libéral qui a marqué son siècle, dresse déjà la feuille de route de ses amis politiques : « Si nous voulons entretenir le moindre espoir d’un retour à une économie de liberté, la question de la restriction du pouvoir syndical est une des plus importantes. » Hayek prêche alors dans le désert, mais quelques décennies plus tard, grâce à l’intervention directe — et brutale — de deux de ses admirateurs, Ronald Reagan et Margaret Thatcher, lors de conflits du travail marquants (les contrôleurs aériens américains en 1981, les mineurs britanniques en 1984-1985), le « pouvoir syndical » a rendu l’âme. Entre 1979 et 1999, le nombre annuel de grèves impliquant au moins mille salariés passe aux Etats-Unis de deux cent trente-cinq à dix-sept, celui des jours de travail « perdus », de vingt millions à deux millions (2). Et la part du salaire dans le revenu national recule… En 2007, sitôt élu président de la République, M. Nicolas Sarkozy fait à son tour voter une loi restreignant le droit de grève dans les services publics. L’année suivante, il pavoise tel un gamin hilare : « Désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit. »
En bonne logique, l’étude du FMI aurait dû insister sur l’urgence sociale et politique de renforcer les organisations de salariés. Elle estime plutôt qu’« il reste à déterminer si l’accroissement des inégalités dû à l’affaiblissement des syndicats est bon ou mauvais pour la société »… Ceux qui ont déjà une petite idée de la réponse en tireront sans effort la conclusion qui s’impose.
Dans le contexte, nous invitons chaque collègue à agir pour faire gagner le progrès social dans les urnes et à se syndiquer pour continuer de peser sur l’avenir.
Le SNEP-FSU » Adhérer : pourquoi, comment ? » Inégalités de revenus et l’affaiblissement des adhésions syndicales
Inégalités de revenus et l’affaiblissement des adhésions syndicales
Etudes
Deux études montrent que le critère le plus important concernant le développement des inégalités de revenus est… l’affaiblissement des adhésions syndicales !
1. « Selon une étude consacrée aux évolution de l’inégalité pendant les années 1980 et 1990 et portant sur l’Australie, le Canada, l’Allemagne, le Japon, la Suède, le Royaume-Uni et les Etats Unis, le taux de syndicalisation s’est avéré le facteur le plus influent.
Bien que le chômage élevé affaiblisse le pouvoir de négociation des travailleurs, dans cette étude, la baisse du nombre de personnes syndiquées était l’élément qui entretenait la relation la plus étroite avec le creusement des écarts de revenus. »
J. Weeks, Inequality Trends in Some Developed OECD Countries, document de travail n°6, New York, United Nations Departement of Economic and Social Affairs, 2005. in « pourquoi l’égalité est meilleure pour tous » Richard Wilkinson et Kate Pickett, Edition les Petits matins, 2010
2. Dans un document appellé « le pouvoir et le peuple », Florence Jaumotte et Carolina Osorio Buitron, économistes au Département des Etudes du FMI expliquent suite à une étude « nous établissons clairement un lien entre la baisse du taux de syndicalisation et l’augmentation de la part des revenus les plus élevés dans les pays avancés durant la période 1980-2010 ». « Le recul du syndicalisme semble avoir largement contribué à l’augmentation de la part des revenus les plus élevés ». « En moyenne, le recul du syndicalisme explique pour moitié environ l’augmentation de 5 points de pourcentage de la part des revenus revenant aux 10 % les plus riches ».
Paru dans « Finances et Développement » Mars 2015
Un édito du Monde Diplo reprend la seconde étude… Éloge des syndicats
Par Serge Halimi, avril 2015
Puisque chacun prétend se soucier de l’envol des inégalités, pourquoi cette analyse du Fonds monétaire international (FMI) est-elle passée à ce point inaperçue (1) ? En raison de ses conclusions ? Dans une étude présentée en mars dernier, deux économistes issues de ce temple du libéralisme relèvent « l’existence d’un lien entre la baisse du taux de syndicalisation et l’augmentation de la part des revenus les plus élevés dans les pays avancés durant la période 1980-2010 ». Comment expliquent-elles ce lien ? « En réduisant l’influence des salariés sur les décisions des entreprises », l’affaiblissement des syndicats a permis d’« augmenter la part des revenus constitués par les rémunérations de la haute direction et des actionnaires ».
Selon ces économistes du FMI, « une moitié environ » du creusement des inégalités que les libéraux préfèrent traditionnellement attribuer à des facteurs impersonnels (mondialisation, technologies, etc.) découlerait du déclin des organisations de salariés. Doit-on s’en étonner ? Quand le syndicalisme, point d’appui historique de la plupart des avancées émancipatrices, s’efface, tout se dégrade, tout se déplace. Son anémie ne peut qu’aiguiser l’appétit des détenteurs du capital. Et son absence, libérer une place qu’envahissent aussitôt l’extrême droite et l’intégrisme religieux, s’employant l’une comme l’autre à diviser des groupes sociaux dont l’intérêt serait de se montrer solidaires.
https://www.monde-diplomatique.fr/2015/04/HALIMI/52834
Or l’effacement du syndicalisme ne tient ni du hasard ni de la fatalité. En avril 1947, alors que l’Occident s’apprête à connaître trente ans de prospérité un peu mieux partagée, Friedrich Hayek, un penseur libéral qui a marqué son siècle, dresse déjà la feuille de route de ses amis politiques : « Si nous voulons entretenir le moindre espoir d’un retour à une économie de liberté, la question de la restriction du pouvoir syndical est une des plus importantes. » Hayek prêche alors dans le désert, mais quelques décennies plus tard, grâce à l’intervention directe — et brutale — de deux de ses admirateurs, Ronald Reagan et Margaret Thatcher, lors de conflits du travail marquants (les contrôleurs aériens américains en 1981, les mineurs britanniques en 1984-1985), le « pouvoir syndical » a rendu l’âme. Entre 1979 et 1999, le nombre annuel de grèves impliquant au moins mille salariés passe aux Etats-Unis de deux cent trente-cinq à dix-sept, celui des jours de travail « perdus », de vingt millions à deux millions (2). Et la part du salaire dans le revenu national recule… En 2007, sitôt élu président de la République, M. Nicolas Sarkozy fait à son tour voter une loi restreignant le droit de grève dans les services publics. L’année suivante, il pavoise tel un gamin hilare : « Désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit. »
En bonne logique, l’étude du FMI aurait dû insister sur l’urgence sociale et politique de renforcer les organisations de salariés. Elle estime plutôt qu’« il reste à déterminer si l’accroissement des inégalités dû à l’affaiblissement des syndicats est bon ou mauvais pour la société »… Ceux qui ont déjà une petite idée de la réponse en tireront sans effort la conclusion qui s’impose.
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