La sécu, un enjeu démocratique

Par Sébastien BEORCHIA

À sa création la sécurité sociale est gérée par les représentant·es élu·es des salarié·es qui ont droit ensemble à 75 % des sièges des conseils d’administration et elle est financée exclusivement par la cotisation sociale qui est une part socialisée du salaire.

Mais ces principes ont été très vite attaqués par le monde libéral, le patronat et le pouvoir politique en place. Ce système a été abandonné dans les années 60 par le Gaullisme, via les ordonnances Jeanneney (1967), qui instaurent le paritarisme entre représentant·es syndicaux·ales et patronaux·ales et abandonnent le principe d’élections des gestionnaires des différentes caisses. Dans un même temps, ces ordonnances scindent aussi la gestion en trois branches pour instaurer un contrôle financier sur chaque type de dépense. En 1996, le gouvernement Juppé revoit le mode de gestion de l’assurance maladie. Depuis, son budget est fixé chaque année par les lois de financement de la sécurité sociale et les partenaires sociaux n’ont plus qu’un rôle consultatif. Ce sont donc les pouvoirs publics, l’État et le parlement qui progressivement ont pris la main. Ils opèrent une bascule de la cotisation vers une fiscalisation de la sécurité sociale qui induit un risque de confusion entre le budget de l’État et celui de la sécu qui sert par ailleurs d’argument pour une étatisation de sa gestion. La fixation d’objectifs annuels de dépenses de l’assurance maladie est une attaque en règle contre le principe originel de « chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins ». C’est une manière de contraindre les regards vers les dépenses lorsqu’il faudrait développer de nouvelles recettes.

En 2023, le financement de la sécurité sociale est assuré à 55 % par les cotisations sociales, contre 83 % en 1980. Le recul des cotisations, surtout la part patronale, a été compensé et orchestré par la création en 1991 de la CSG et par des transferts de TVA du budget de l’état vers celui de la sécu.

Ce revirement est majeur et en rupture avec les principes originels démocratiques de la construction de notre modèle social tel qu’il a été pensé par le Conseil National de la Résistance. Car la gestion de la sécurité sociale par les représentant·es des salarié·es devait contribuer à l’avènement d’une démocratie sociale en mesure d’être un rempart contre les fascismes. C’est un objectif politique qui prend particulièrement sens dans le contexte actuel de montée des idées d’extrême droite.

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