Notre modèle social ne doit pas payer les crises actuelles de différentes natures, il fait partie au contraire des solutions.
Ces crises sont apparemment de différentes natures : guerre en Ukraine et « économie de guerre », dérapage du déficit budgétaire en 2024 et discours anxiogène sur la dette, guerre commerciale de Trump avec risque d’inflation et remontée des taux d’intérêts des banques centrales… Ces crises, pouvant faire système, servent d’arguments mis en boucle médiatiquement en France par les tenant∙es de l’idéologie néolibérale (en permanence au pouvoir) et qui nous ont mené dans le mur pour justifier la poursuite de la diminution de la dépense publique – services publics, fonction publique et protection sociale – et donc la remise en cause de notre modèle social au profit de sa privatisation et de sa marchandisation.
Le pouvoir (« illégitime » à la suite des élections de juillet 2024) poursuit des attaques frontales austéritaires à travers la politique budgétaire en France jamais vue et qui semblent passer sous les radars dans le débat public.
Rappelons de façon non exhaustive les faits : l’année 2024 s’est effectuée avec 10 Mds de coupes sur la loi de finances initiale (LFI) déjà austéritaire. L’année 2025 a démarré avec une LFI en cours, passée par le 49.3 et basée sur le plafond de l’exécution 2024 et hors inflation, et déjà des annulations de crédits [5 Mds dont 3,1 Mds par décret sur 9,1 Mds mis en réserve en mars). Enfin, l’annonce politique de la recherche de 40 Mds d’économies à faire pour le budget 2026 est du jamais-vu. La circulaire de Bercy préparatoire à la trajectoire budgétaire triennale (2026-2028) est éclairante et brutale. Elle érige comme principe : « les budgets ministériels s’afficheront globalement en baisse en regard de la loi de finances pour 2025 » sans tenir compte de l’inflation. Cette austérité doit répondre au dogme idéologique de la règle des 3 % et au prétexte d’une dette insoutenable (ce qui n’est pas vrai).
La diminution de la dépense publique sur les services publics et la protection sociale provoque des dégâts énormes dans la société, impuissante la bifurcation écologique et affaiblit considérablement notre démocratie depuis des années. Citons des arguments sourcés !
A. Dangereux économiquement
En effet, selon une étude récente de l’OFCE (Observatoire Français des Conjonctures Économiques)1 en France, les effets récessifs d’une baisse des dépenses publiques sont deux fois plus marqués que ceux d’une hausse des impôts (surtout s’ils sont ciblés). Autrement dit : couper dans les dépenses freine davantage l’activité, réduit les recettes fiscales… et creuse le déficit. Une politique contre-productive donc. Ce constat est largement établi dans la littérature économique, mais pour le pouvoir actuel, on semble préférer l’idéologie à l’analyse.
B. Soulignons les effets délétères de l’austérité, dangereux pour la démocratie et la cohésion de la société. Une étude2 couvrant 24 pays européens entre 1919 et 2008 montre que les politiques d’austérité accroissent l’instabilité : les grèves, émeutes ou autres violences politiques augmentent à mesure que les coupes atteignent 3 % du PIB – précisément l’ordre de grandeur de l’effort visé pour les années qui viennent. Ces effets explosifs sont bien moindres lorsque l’ajustement passe par des hausses d’impôts, soulignent les chercheur·es.
Une autre étude3 portant sur plus de 200 élections locales, nationales et européennes entre 1980 et 2015 montre que l’austérité favorise la montée des extrêmes, en diminuant la participation électorale et en renforçant le poids relatif des votes les plus radicaux. La polarisation s’accroît, et les partis d’extrême droite en sont les premiers bénéficiaires. Le dernier mot revient à une étude4 toute récente : sur le long terme, les politiques d’austérité affaiblissent les institutions démocratiques, les contre-pouvoirs, la liberté d’expression et l’éthique électorale. « A contrario, redistribuer vers les plus pauvres protège la démocratie. »
Aussi syndicalement, nous sommes confronté·es à un changement d’échelle de l’austérité avec des conséquences mortifères sur les missions de services publics et les personnels de la fonction publique (gel du point d’indice, CMO à 90 %, vers un plan social dans la FP, les pensions dans le viseur…). Les éléments de contexte entraînent certes des conséquences, pèsent sur la situation politique, sociale et économique, mais la solution n’est pas d’affaiblir voire de détruire notre modèle social au nom de ce contexte.
Au contraire, renforcer une « sécurité nationale » et la cohésion de la société passent aussi par la force de l’État social, des services publics avec ses fonctionnaires et de son système de protection sociale.
Autrement dit, la combinaison de l’augmentation de la dépense publique,5 avec des ressources supplémentaires identifiées (cf. ATTAC, taxe Zucman [voir ci-dessous]…), et avec des emprunts plus importants (hors monopole des marchés financiers) pour les investissements d’avenir (infrastructures et bifurcation écologique), soutiendra une certaine croissance… les besoins sociaux et les défis actuels. L’Allemagne s’engage dans cette voie d’emprunts massifs.
Pour agir sur la fiscalité, la FSU appelle à relayer, diffuser la pétition initiée par ATTAC, OXFAM, 350.org, à la suite du projet de loi adopté le 22/02 à l’Assemblée nationale (AN) sur un impôt plancher sur la fortune des milliardaires (taxe Zucman), pour soutenir et voire adopter celui-ci lors de son passage au Sénat le 12 juin. Ce serait un début concret et d’ouvrir enfin le débat public sur une fiscalité plus juste et l’apport de recettes nouvelles. Lien de la pétition.6
Nous sommes confronté·es aux forces du capital qui ne veulent rien lâcher en termes de compromis social pour pouvoir maintenir leurs marges et profits par rapport à la baisse tendancielle de leurs taux de profits (gain de productivité très faible) et à la crise écologique avec la finitude des ressources, entre autres. La confrontation se poursuit et va s’accentuer sur toutes nos revendications syndicales.
Comment armer notre syndicalisme avec les personnels pour cette confrontation en cours et à venir, afin d’imposer d’autres choix ?
Nos alternatives doivent continuer à mettre en lumière plus qu’ils ne le sont médiatiquement deux éléphants au milieu de la pièce des crises nationales et internationales :
- Le problème du dérapage du déficit budgétaire n’est pas la dépense publique, mais l’insuffisance et l’effacement de recettes.
- L’accumulation historique, indécente nationalement et internationalement, des fortunes de multinationales et milliardaires, combinée à l’injustice des taux de fiscalité par rapport au quidam et, dans le même temps, la montée des inégalités. Ceci est un des échecs de la « mondialisation heureuse ».
- https://www.ofce.sciences-po.fr/prev/prev2409/france/ [↩]
- http://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0147596718306061 [↩]
- https://direct.mit.edu/rest/article-abstract/doi/10.1162/rest_a_01373/117705/The-Political-Costs-of-Austerity?redirectedFrom=fulltext [↩]
- https://ideas.repec.org/p/osf/socarx/2vf5a_v1.html [↩]
- Qui n’a pas augmenté en % par rapport au PIB contrairement à ce qui est affirmé [↩]
- https://france.attac.org/se-mobiliser/superprofits-ultra-riches-mega-injustices/article/je-signe-%E2%9C%8D%EF%B8%8F-le-12-juin-au-senat-taxons-les-ultra-riches [↩]





