A. Le point et commentaires sur les débats budgétaires du :
- Projet de loi de finances (PLF 2025)
- Projet de loi de finance de la Sécurité sociale (PLFSS) – 2025
- Projet de fin de gestion de l’exercice du budget 2024
B. Déconstruire des idées reçues dominantes sur les politiques budgétaires publiques, les dépenses publiques, dont le cout de la dette.
A.1. PLF 2025 – Au 12/11/2024 : une première dans l’histoire du débat budgétaire au Parlement : le projet de loi de recettes a été profondément remanié sous l’impulsion du NFP avec des mesures votées amendements par amendements en plénière pour apporter entre 50 et 60 milliards (Mds) de recettes (au lieu des 20 Mds initiales du gouvernement). Ceci en taxant de façon plus juste notamment les hauts revenus, les gros patrimoines, les grosses entreprises, les dividendes, les rachats d’actions… Le NFP a réussi avec des majorités de circonstances et variables (RN ou LIOT ou centre, absence de la droite ou macronie, etc.) à construire un budget NFP « compatible » et profondément réécrit. Mais le texte global volet « Recettes » a finalement été rejeté mardi 12/11 par une majorité de CONTRE (362 voix avec le RN, la droite, le bloc central et LIOT) et POUR : 192 voix (tout le NFP).
À partir de ce résultat de vote en contre, c’est le texte initial du gouvernement qui part au Sénat en discussion budgétaire avec peut-être des amendements repris par le gouvernement (dixit le ministre du Budget, et lesquels ?). De plus, le débat commencé sur le volet « Dépenses » est lui aussi arrêté automatiquement (faute du volet Recettes) et transmis lui aussi dans sa version initiale au Sénat.
Ensuite, le projet de budget voté par le Sénat (majorité de droite) reviendra à l’Assemblée Nationale (AN) pour de nouveaux débats. La navette parlementaire (avec la mise en place aussi d’une commission mixte paritaire) entre les deux chambres s’achève autour du 21 décembre 2024, date limite fixée par la Constitution pour l’adoption du budget. En cas de désaccord persistant, l’AN aura le dernier mot par le vote, sauf si un 49.3 est très probable. Le budget 2025 devra être promulgué et publié au Journal officiel au plus tard le 31 décembre 2024, sinon le budget devra être exécuté par ordonnances.
Ainsi, grâce aux résultats des élections législatives où le NFP est arrivé en tête en nombre de députés·es, le débat budgétaire avec celui du PLFSS ont été mis sur la place publique, voire un peu vulgarisé via les médias.
Ces débats ont donné à voir qu’un autre budget, y compris dans le cadre d’un dérapage du déficit budgétaire en 2024, pouvait aussi se construire sur la base de l’alternative du NFP assise sur une autre politique fiscale à base de justice sociale et face aux besoins.
Le dogme de ne pas lever d’impôts supplémentaires1 a été mis à terre, permettant de montrer que des nouvelles recettes conséquentes sont largement possibles.
Mais on a pu voir ouvertement les forces du capital et réactionnaires s’allier pour finalement voter contre cette alternative en prétextant « la boucherie fiscale » ou que cela allait « appauvrir les milliardaires ! » (dixit E. Woerth). L’amendement sur le retour d’un ISF amélioré a été battu par l’alliance RN et les autres forces…
A.2. Projet de loi de finance de la Sécurité sociale (PLFSS) – 2025
Les dépenses de la sécurité sociale dans le PLFSS 2025 du gouvernement sont fixées à 662 Mds. La construction de ce budget se fait sur le choix de fixer un % en plafond d’évolution de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (le fameux ONDAM). Le gouvernement le fixe à 2,8 % (contre 3,3 % en 2024 et avec une inflation estimée à 1,8 % en 2025). Les besoins globaux sont estimés à au moins 6 % !
Ainsi, avec un ONDAM à 2,8 %. Le déficit social serait ramené à 16 Md €, grâce à une maîtrise des dépenses en infligeant notamment une baisse de celles-ci autour de 4 milliards d’euros à l’assurance maladie.
Là aussi, le début des discussions à L’AN avait permis sous l’impulsion du NFP de ramener plus de 20 Mds de recettes nouvelles en termes de cotisation (dont augmentation de 3 points du taux de la CSG sur les revenus du capital, refonte des allégements de cotisations patronales, obligation mention Nutri-Score sur publicité…) pour couvrir de nouvelles dépenses de santé, dont celle urgente de l’hôpital. La partie Recettes avait été donc largement été remaniée et adoptée. Mais suite à l’obstruction, en particulier du bloc central et de la droite, les députés n’ont pas réussi à achever l’examen en première lecture du PLSS dans le délai de 20 jours imposé par la Constitution, qui était donc fixé là au 5 novembre. Ceci a entrainé de facto la transmission du PLFSS au Sénat dans sa version initiale (avec quelques amendements retenus par le gouvernement (lutte contre la fraude sociale2, fiscalité Soda…). Là aussi, c’est inédit. Puis idem, retour à l’AN après vote du Sénat.
A.3. Projet de loi de fin de gestion (PLFFG) de l’exercice budgétaire 2024
Ce projet est lié au fameux dérapage du déficit public en 2024 et aux inconséquences de Macron- Lemaire (effacement de 60 Mds annuels de recettes pour le budget de l’État). Soulignons aussi la pression du critère européen de 3 % sur PIB qui est très discutable. Ce projet veut contenir à 6,1 % du PIB ce déficit en 2024 (soit autour de 178 Mds). C’est la solution trouvée par le gouvernement au lieu d’un projet de loi rectificatif qui aurait dû être élaboré dès avril/mai 2024 face aux alertes de Bercy et des parlementaires sur le dérapage.
Ce PLFFG annule encore 5,6 Mds de crédits sur le périmètre des dépenses de l’État (quid des coupes pour EN, MESR… ?) sur les 16 Mds mis en réserve en septembre. Ils viennent s’ajouter aux 10 Mds annulés en février 2024 (- 1,7 Mds pour EN et MESR…). Soit – 15,6 Mds sur le PLF 2024 et son exécution.
À partir du mardi 19 novembre 2024, l’AN discute de ce projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024. Des débats en perspectives et d’alternatives possibles. Rappel : le sujet, c’est le manque de recettes et non le dérapage des dépenses publiques…
B. Pour une vision politique globale et déconstruire la désinformation idéologique. Quelques commentaires et faits.
B.1. La construction et l’adoption du budget annuel de l’État est un acte politique majeur, car il permet entre autres de lever « l’impôt, les taxes… » par la fiscalité. On y choisit les dépenses publiques (DP) à effectuer. La dépense publique, dont l’investissement et la fiscalité (recettes et dépenses) jouent un rôle central dans le fonctionnement de l’économie, dans la protection sociale. L’État avec les collectivités territoriales et la Sécurité sociale sont des acteurs économiques et sociaux majeurs.
Un budget d’une puissance publique comme l’État français n’a pas pour fonction première d’être à l’équilibre comptable comme pour un particulier, mais de permettre dans sa finalité centrale de faire fonctionner la société, notre pays dans toutes ses dimensions (économique, sociale, santé, formation-recherche…) et donc de partir et de répondre aux besoins de différentes natures. Le budget d’un État ne fonctionne pas et n’a pas les mêmes règles que celui d’une entreprise, d’un particulier ou d’une collectivité. Un État a une durée de vie infinie et peut lever les ressources qu’elle veut… (impôt).
Les affirmations du style « l’État au bord de la faillite : on dépense trop et on vit au-dessus de nos moyens ; on ne peut pas dépenser l’argent qu’on n’a pas… » sont inopérantes pour les constructions budgétaires de l’État. L’économie n’est que politique.
B.1.1. Tout déficit public maitrisé est positif, car c’est un excédent de financement pour la sphère privée (ménages, entreprises, collectivités) et .permet de soutenir l’activité économique et sociale. Un déficit public : c’est la puissance publique qui redonne plus que ce qu’elle a reçu en recettes. Le déficit budgétaire est l’écart entre les recettes et les dépenses. Le PLF 2025 initial le cible à 5 % du PIB, soit autour de 150 Mds en 2025.
B.2. La dépense publique (DP) crée aussi de la richesse et contribue autour de 18 % du PIB (Étude INSEE). La DP « rapporte » à la société – La DP n’est pas un coût. La dépense publique n’est pas une part du PIB. La DP ne part pas « dans le sable ».
La moitié de la DP est effectuée par la protection sociale qui est basée sur la redistribution liée aux ressources que sont les cotisations sociales de la CSG, entre autres. Le déficit de la Sécurité sociale (autour de 15 Mds) est sans comparaison au déficit budgétaire de l’État (160 Mds).
Coupez dans les DP en période de faible croissance, c’est ralentir ou casser encore plus celle-ci. Cette baisse de la DP peut, contrairement aux effets recherchés, augmenter encore plus le déficit budgétaire par la diminution des recettes. Un euro de dépense publique a un effet multiplicateur, stimulant dans le circuit économique et rapporte plus en recette publique au bout du bout… Rappel : la dégradation budgétaire est d’abord liée à la baisse des prélèvements obligatoires depuis 2017 !
Il est avéré par de nombreuses études économiques que diminuer la dépense publique a un effet récessif plus élevé que celui d’augmenter les impôts, notamment s’ils sont ciblés sur les très riches. Selon A.L Delatte, le budget NFP ferait mieux pour réduire le déficit que celui de Barnier.
B.3. Face au discours anxiogène sur le coût de la charge de la dette, très schématiquement :
Ci-dessous un tableau pour relativiser le cout par rapport au PIB. Là aussi, ce ne sont pas uniquement des coûts, mais des investissements… Face aux enjeux écologiques et sociaux, le stock des emprunts devrait augmenter pour tous les pays, et là on passe au sujet de la politique monétaire et de la création. (cf. les banques centrales qui ne peuvent faire faillite, car elles ont le monopole de la création ou de la destruction monétaire). Elles sont prêteuses et acheteuses en dernier ressort (comme « la banque du Monopoly »).
Tout l’enjeu des emprunts publics est leurs finalités, mais aussi le coût de ceux-ci et donc le mode de financement qui ne doit pas dépendre que des marchés financiers qui sont très demandeurs de la dette publique française. Des alternatives existent.
Rappel : pour 2024, le coût de la charge de la dette est estimé à 52,2 Mds et pour 2025 à 54,9 Mds (soit l’équivalent de 1,8 % du PIB).
Les estimations pour 2027 où ce serait le budget le plus important ne sont pas avérées. De plus, les crédits budgétaires de l’État doivent être augmentés (ils diminuent en % du PIB).
Pour info – Alternatives Économiques – 2024
- Enquête/Baromètre ADEME annuel où les Français sont prêts à payer plus d’impôt pour la protection sociale, les services publics et la transition écologique. Alors qu’en janvier 2023, il était exclu pour 53 % des Français·es de payer plus d’impôts pour quelque politique publique que ce soit, ce refus était tombé à 44 % en janvier 2024, selon l’étude. Avec la santé comme préoccupation principale, devant l’éducation et le grand âge [↩]
- Une fraude sociale estimée à 12,97 Mds se décomposant en 7,25 Mds par les employeurs, 4,02 Mds fraudes aux prestations sociales des assurées et 1,7 Mds sur les fraudes aux remboursements maladie. La fraude fiscale, elle, est estimée entre 80 et 100 Mds ! [↩]