Proposition de loi « Démocratiser le Sport en France »

Le SNEP-FSU écrit aux Président·es des Groupes Politiques de l’Assemblée Nationale.
Courrier du 15 mars 2021.

Madame la Présidente, Messieurs les Présidents,

Nous tenons à vous faire part de nos analyses et propositions sur la proposition de loi « Démocratiser le Sport en France » et les amendements à l’étude actuellement à l’Assemblée Nationale.

Le SNEP FSU, syndicat majoritaire des enseignants d’EPS, syndiquant aussi les professeurs de sport, travaille régulièrement ces problématiques. Lors de la semaine de l’EPS qu’il a organisé du 7 au 11 décembre 2020, dont vous trouverez le bilan ici, le SNEP FSU a adressé à chaque groupe parlementaire, les 10 mesures qu’il propose pour rendre « la jeunesse plus sportive ». Nous portons également 10 propositions pour le sport dont vous pourrez prendre connaissance ici.

S’agissant de la proposition de loi, nous partageons évidemment l’idée de démocratiser le sport en France comme le rappelle la définition du Larousse « Rendre quelque chose accessible à toutes les classes sociales, le mettre à la portée de tous ». En ce sens, nous partageons l’exposé des motifs de la loi, mais considérons qu’à part le titre et l’exposé des motifs, cette proposition ne porte pas les ambitions qu’elle affiche. 

En effet, aucune mesure concrète ne se trouve dans cette proposition de loi pour amener plus de personnes à pratiquer. Pire, en ce mois de mars, les politiques conduites entraînent la multiplication des suppressions de postes en EPS (plus de 200 sont prévues actuellement pour 43 000 élèves supplémentaires à la rentrée 2021). Cela porterait les suppressions de postes en EPS à plus de 650 pour 80 000 élèves supplémentaires dans le second degré depuis la première rentrée organisée par JM. Blanquer. 

Démocratiser le sport, tout en supprimant les emplois d’enseignants d’EPS et en affaiblissant la place de la discipline à l’Ecole semble une équation impossible.

Depuis des années, la place de l’EPS et le lien entre le sport et l’EPS est mis à mal à l’Ecole : tant dans les programmes que dans la certification. Aujourd’hui par exemple, il n’y a pas de note spécifique en EPS au DNB. C’est pourquoi nous soutenons tout article qui irait vers une volonté de reconnaissance de l’EPS comme discipline scolaire à part entière, et notamment avec une place revalorisée aux examens (amendements AC61 et AC64).

Nous sommes d’ailleurs très surpris qu’une proposition de loi affichant la volonté de « démocratiser le sport » ne parle pas du rôle de l’Ecole pour rendre accessible à tous et sans discrimination les savoirs et connaissances liées aux Activités Physiques Sportives et Artistiques (APSA). L’Ecole a un rôle incontournable à jouer, à travers l’EPS et le sport scolaire pour permettre à chaque jeune de développer un « habitus » de pratique (amendement AC60), permettre l’émancipation et la réduction des inégalités sociales et culturelles (amendement AC55).

Pour le SNEP FSU, l’accès aux pratiques physiques sportives et artistiques est essentiel pour l’émancipation humaine (terme utilisé dans l’exposé des motifs), et à ce titre, nous revendiquons que l’accès aux pratiques des APSA soit un droit pour tous (amendement AC54), comme le rappelle la Charte internationale de l’éducation physique, de l’activité physique et du sport de l’UNESCO : « La pratique de l’éducation physique, de l’activité physique et du sport est un droit fondamental pour tous »

ANALYSES ET AVIS DU SNEP FSU 

TITRE I 

ARTICLE 1

L’insertion dans le code de l’action sociale et des familles des activités physiques et sportives, est pour nous important car l’activité sportive est un élément qui renforce le lien social. Evidemment, ces pratiques devront aussi être adaptées (amendement AC223) quand cela est nécessaire. Nous utilisons le terme « Activités Physiques Sportives et Artistiques » (amendement AC175) pour que l’ensemble du champ des pratiques sociales soit considéré avec notamment la danse et les arts du cirque. Par contre, nous nous opposons fermement à ce qu’apparaisse le terme « e-sport » dans une loi pour démocratiser le sport en France (amendement AC90), car nous estimons que cela irait à l’encontre de la volonté portée par l’exposé des motifs.

ARTICLE 2

L’exposé des motifs énonce le problème d’accès aux installations sportives comme majeur, nous le partageons. Mais nous sommes extrêmement sceptiques sur la solution envisagée qui, même si nous ne la contestons pas, ne va pas changer grand-chose. En effet, la solution proposée est de permettre l’accès aux équipements sportifs des établissements scolaires pour les associations, clubs, etc. avec une attention particulière lors de la construction de nouveaux établissements pour qu’un accès « extérieur » soit possible : construire par exemple le gymnase en limite de propriété pour permettre un accès extérieur. C’est une revendication que nous portons et qui est mise en œuvre là où des installations sont construites intelligemment en concertation avec nos représentants, par voie de conventionnement. En effet, le SNEP FSU a développé une réelle expertise pour le développement d’installations sportives adaptées aux scolaires et permettant la pratique en club. Nous avons travaillé avec plusieurs fédérations et édité 5 référentiels pour des équipements adaptés. Ils sont cités dans le guide ministériel « l’accès aux équipements sportifs pour l’enseignement de l’EPS et pour l’ensemble des pratiques sportives scolaires  » édité en 2012 et préfacé par JM Blanquer. 

Outre le fait que les équipements sportifs intra-muros des établissements scolaires représentent environ 10% du parc des équipements sportifs, le souci de nombreuses installations sportives dans les établissements est leur vétusté, leur inadaptation à une pratique sportive de qualité et leur manque de fonctionnalité. De plus, il faut aussi penser, lors de la conception des équipements, aux espaces de rangements distincts entre club et école. Cela demande évidemment des investissements importants et des concertations pour permettre d’aller en ce sens. 

A ce titre, le SNEP FSU propose d’étendre la mise en place de commissions tripartites ou pluripartite (Education Nationale, Région, représentant des enseignants d’EPS, voire monde sportif) pour travailler au développement des installations sportives. Là où ces commissions existent, cela permet des avancées concrètes. Il est nécessaire d’aider les collectivités territoriales mais il faut de vrais plans nationaux de constructions d’installations sportives utiles aux scolaires et à l’extra-scolaire ainsi qu’aux universités (lien avec l’amendement AC89).

Afin de réellement avancer, il faudrait faire évoluer l’article L 214-4 du code de l’éducation en notant « Les équipements nécessaires à la pratique de l’éducation physique et sportive doivent être (ajouter : construits intra-muros ou à proximité immédiate des établissements (supprimer : prévus) à l’occasion de la création d’établissements publics locaux d’enseignement, ainsi que lors de l’établissement du schéma prévisionnel des formations mentionné à l’article » pour permettre le développement des installations nécessaires pour tous les établissements. Nous rappelons ici notre revendication de constructions d’installations sportives dans ou à proximité immédiate des établissements scolaires. Les installations doivent être adaptées à l’EPS et à une pratique sportive de qualité pour permettre une utilisation extérieure et accessible à tous, sans discrimination. 

Concernant le sport universitaire, il est rappelé, dans l’exposé des motifs, la nécessité de « libérer du temps de pratique ». C’est en ce sens que nous proposons la création d’un module obligatoire à l’université inscrit dans les maquettes de licence sur certains semestres et validé en ECTS. Cela permet d’inclure à l’emploi du temps les pratiques sportives et de « libérer du temps » (lien avec l’amendement AC181). C’est une reprise de la 1ère des 7 propositions du rapport interministériel « Auneau-Diagana » en 2008 : « Créer une unité d’enseignement (UE) APS obligatoire en licence ». Cette proposition portée par les SUAPS serait un levier structurant et dynamisant pour le développement de la pratique sportive de chaque étudiant et permettrait une formation équilibrée. La libération de temps commun pour la pratique sportive volontaire dans le cadre des associations sportives universitaires en lien avec la FFSU et les SUAPS est aussi importante (amendement AC62). Les SUAPS sont les outils majeurs pour construire et porter des projets d’éducation physique et sportive dans chaque université au service du développement de la pratique de tous.

Concernant l’école primaire, parce qu’environ 10% des professeurs des écoles sont issus de la filière STAPS, le SNEP FSU propose qu’au moins un enseignant par école reçoive une formation « à dominante ». Cet « enseignant ressource EPS » jouerait un rôle de coordination et impulserait la dynamique EPS de l’école (programmation, rencontres, échanges de service, lien avec les mairies et le collège,…) (amendement AC88). Il aurait un forfait AS pour animer le sport scolaire et une décharge en relation avec la taille de l’école. Par ailleurs, chaque enseignant qui le souhaite devrait pouvoir bénéficier d’un forfait de 3h pour l’animation de l’USEP. Le nouveau cycle 3 ne doit pas être un prétexte à une remise en cause des horaires obligatoires du collège en EPS ou dans les autres disciplines, ni un moyen d’instaurer la polyvalence au collège. Cela suppose que des moyens spécifiques et des postes supplémentaires de professeurs d’EPS soient créés dans les collèges, pour que le temps consacré à des projets de liaison école-collège soit intégré dans le service des enseignants pouvant aller jusqu’à l’intervention des professeurs d’EPS dans l’école primaire en cointervention avec les PE (amendement AC63). 

Enfin, plusieurs amendements proposent que l’enseignement de l’EPS comporte une sensibilisation aux bienfaits du sport et de l’activité physique sur la santé (AC174). Cette sensibilisation nous semble importante et se déroule déjà durant les séances, mais aussi « en acte » par la pratique même. Pour autant cette sensibilisation ne devrait pas relever de l’enseignement de l’EPS seule et il nous semble qu’elle devrait se dérouler dans le cadre de l’établissement car elle recoupe des questions globales de santé.

ARTICLE 3

Le fait de réunir au niveau du groupe communal les acteurs du monde sportif est une idée intéressante pour les mettre en synergie et viser la complémentarité des missions. Evidemment, cela doit être fait au regard des compétences de chacun et ne doit pas être une contrainte.

ARTICLE 4

Le SNEP FSU découvre ce terme de « savoirs sportifs fondamentaux ». Pourtant l’Education Nationale ne considère pas l’EPS comme « fondamentale » dans « l’école des fondamentaux ». De plus depuis des années, les savoirs, connaissances et exigences sportives sont à la baisse dans les programmes scolaires, ce que nous contestons. L’EPS n’est pas le sport, mais elle a pour objet d’étude les Activités Physiques Sportives et Artistiques, et il faut donc des programmes en lien avec ces APSA. Alors que l’Education Nationale marginalise l’EPS et la rend « moins sportive », nous sommes étonnés de ce terme. Nous l’affirmons, les savoirs, connaissances, techniques et rencontres sportives sont fondamentales pour la construction de chacun, mais pour nous ces « savoirs fondamentaux » doivent être enseignés à l’Ecole. Nous pensons donc que ce n’est pas à la conférence régionale du sport d’avoir cette attribution ce qui pourrait revenir à remettre en cause les missions attribuées à l’EPS (amendement AC228).

TITRE II

Le SNEP FSU revendique un réel service public du sport en France avec un ministère de plein exercice et un budget porté à 1% du budget de l’Etat. Sans moyens et volonté politique forte, la démocratisation ne pourra se faire.  La mise en place de la parité dans toutes les instances dirigeantes du mouvement sportif va dans le bon sens. 

Tous les éléments qui vont vers le développement de la démocratie dans les instances sportives : prise en compte des avis des licenciés, des associations de supporters, etc. est pour nous important pour démocratiser le sport. 

Le SNEP-FSU est attaché au développement du sport sans discrimination, à la place du sport féminin, au sport partagé.

TITRE III

ARTICLE 9

Aujourd’hui les dérives du sport sont nombreuses : dopage, violences sexistes, marchandisation… Il nous semble important d’agir très fortement pour les combattre, protéger les sportifs et les sportives et éduquer les jeunes pour qu’elles ne se perpétuent pas. Le titre III nous semble centré sur la régulation des « paris sportifs » qui sont pour nous une des dérives qui entraine addiction et « sport par procuration ». L’interdiction de la publicité pour les paris sportifs est important (amendement AC115). Nous demandons la fin de la publicité qui en est faite et qui amène de nombreux jeunes vers une possible addiction qui éloigne des pratiques réelles.

ARTICLE 10

Aujourd’hui, les français veulent avoir accès aux événements sportifs masculins et féminins, notamment dans une période où la pratique sportive est réduite pour cause de pandémie. Cela nécessite un accès par le service public audiovisuel de ces événements. Le développement de la marchandisation de ce secteur éloigne de nombreux concitoyens de l’accès au spectacle sportif, ce qui est dommageable.

En espérant que vous serez attentif·ve·s à notre démarche qui vise à améliorer la place du sport dans notre société en donnant notre regard sur ce projet de loi et pour que ce dernier ait l’ambition qu’il affiche, nous vous prions d’agréer, Madame la Présidente, Messieurs les Présidents, nos sincères salutations.

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