Depuis début septembre, l’accès à l’eau potable n’est pas assuré partout sur l’île. Des coupures ont lieu régulièrement. Cette crise est notamment dû à des infrastructures défaillantes : canalisations percées et non entretenues, usine de désalinisation en sous-capacité de production pour cause de problèmes de construction, manque de retenues collinaires… Par ailleurs la population sur l’île est en forte augmentation. La « crise de l’eau » n’est pas nouvelle sur Mayotte et se répète à intervalles réguliers. Le manque d’eau se ressent sur d’autres territoires et pourra se reproduire plus largement dans les années qui viennent au vue du contexte climatique.
Si un « chemin de l’eau » prioritaire a été mis en place pour un accès permanent à l’hôpital et aux établissements publics, des coupures ont tout de même lieu dans les établissements scolaires. Des questions se posent aussi sur la potabilité de l’eau suite à ces coupures.
Le manque d’eau percute le fonctionnement de l’Ecole, notamment dans des établissements avec énormément d’élèves (plus de 1 500, parfois plus de 2 000). Cette crise exacerbe les violences qui sont déjà présentes sur l’île. Les besoins en eau potable sont d’autant plus importants pour la pratique physique en EPS et dans le cadre de l’Association Sportive car il fait souvent plus de 30°C avec un taux d’humidité supérieur à 80%.
Le SNEP-FSU Mayotte, dans l’intérêt du service public d’éducation dans un territoire très défavorisé, est favorable au maintien des établissements ouverts et à la continuité de l’EPS, mais évidemment pas à n’importe quelles conditions.
Le SNEP-FSU Mayotte revendique, s’il n’y a pas d’accès à l’eau potable dans l’établissement, qu’à minima 1 litre d’eau potable soit fourni pour chaque séance d’EPS à chaque élève et que cette logique soit valable pour le sport scolaire. Le SNEP-FSU a aussi porté, notamment lors d’une audience auprès du Recteur d’académie, la nécessité d’une plus grande transparence sur la potabilité de l’eau. Ainsi une « météo de l’eau » quotidienne sera transmise par le rectorat (informations de l’ARS) aux établissements scolaires chaque soir sur la situation, permettant d’avoir un avis des instances sanitaires chaque jour. Mais le SNEP-FSU porte aussi des réponses à moyen terme concernant les équipements sportifs, car à de nombreux endroits, il n’y a pas d’ombre et la pratique se fait en plein soleil. Le SNEP-FSU Mayotte revendique la couverture des plateaux sportifs extérieurs et la mise en place de points d’eau prioritaires: c’est une revendication qu’il porte depuis 15 ans : « point d’ombre, point d’eau » pour les équipements sportifs.
Les Lundi et Mardi 2 et 3 octobre, un stage « Agir dans l’établissement » a réuni 22 collègues au collège de Tsingoni.
Afin de rencontrer un maximum de collègues sur leurs problématiques professionnelles, deux heures mensuelles d’informations syndicales ont été organisées Mercredi et Jeudi (Lycée de Petite terre et collège de Koungou). Elles ont permis de faire remonter des revendications sur la gestion de la crise de l’eau.
Mercredi après-midi, j’ai pu assister à l’animation de l’Association Sportive kayak sur le lagon, avec un collègue du Lycée de Petite terre et les élèves de l’AS du Lycée. Une belle expérience et un cadre magnifique.
Jeudi après-midi, le bureau académique avait une audience auprès du Recteur M. Mikulovic pour exprimer les revendications portées par le SNEP-FSU et la profession. Le compte rendu de l’audience (et les actualités sur l’évolution de la situation) est disponible ici : http://www.snepfsu-mayotte.net/on-a-soif-soiffiiiii/
Le vendredi 6 Octobre s’est tenue l’Assemblée Générale du SNEP-FSU Mayotte. 62 collègues étaient réunis à Tsingoni pour cet événement. Ont été évoqués les situations des Services Publics, de l’Ecole et de l’EPS, la situation sur l’île : crise de l’eau, violences dans certains établissements, etc.. Ont été construits : un communiqué de presse, un appel à la mobilisation par la grève dès la semaine de rentrée (appel intersyndical) et le SNEP-FSU Mayotte a décidé de lancer un droit d’alerte sur la situation sanitaire dans le contexte de crise de l’eau.
C’était aussi l’occasion de rappeler l’importance (avec la DR UNSS invitée pour l’occasion) de l’élection des élus des AS. A Mayotte, a été mise en place lors du dernier mandat le « retour village » suite à un travail commun entre élus des AS et le CRUNSS. Ainsi, pour les AS qui en font la demande, des bus sont financés pour réalisés un ramassage à la fin de l’AS et permettre de déposer les élèves dans leurs villages. Un dispositif qui montre l’importance d’avoir des élus qui font remonter les besoins du terrain, mais qui serait sans doute très utile dans de nombreux endroits en métropole pour permettre à plus d’élèves de pratiquer dans le cadre des AS.
Paroles de profs d’EPS à Mayotte : Comment se passe la « crise de l’eau » à Mayotte et quelles sont les conséquences dans ta pratique professionnelle ? (entretiens réalisés par Alexis DUFOUR)
Hélène Depraetere, collège de Tsimkoura
« Au collège, il y a un accès à l’eau régulier, donc nous ne sommes pas trop impactés. Par contre, nous avons eu des problèmes quant à la connaissance de la potabilité de l’eau. Des tests ont été réalisés depuis. Cela permet aux élèves d’aller plus sereinement aux points d’eau du collège, pour remplir leurs gourdes avant d’aller sur les installations sportives. »
Tony Berthet, collège de Brandele
« Le collège étant sur le chemin de l’eau, nous avons de l’eau en permanence. Cette dernière parait potable. J’habite à côté de l’établissement et sa consommation ne pas encore rendu malade. La problématique se pose davantage pour l’AS. J’anime une AS rugby sur un équipement sans point d’eau et 3 heures avec une gourde de 60 cl n’est pas toujours simple. »
Julie Rodrigues, collège de Passamaint
« En début de crise, nous avons eu des entretiens avec notre chef d’établissement. Nous nous sommes réunis en équipes EPS et avons décidé d’établir un protocole. Nous avons déjà eu des coupures d’eau, notamment un matin nous devions partir en randonnée. Au vu de la situation l’administration a pu nous fournir des bouteilles d’eau potable pour les élèves. Mais cela pose aussi des questions pour les toilettes et la vie de l’établissement. Un après-midi, le chef d’établissement a fermé le collège car il n’y avait plus d’eau à partir de 13h. »
Jonathan Gautier, collège de Sada
« Ce qui est difficile c’est la gestion de l’eau potable que les élèves ont pour la journée. Certains élèves refusent de boire l’eau de l’établissement et qui amène 25 à 50 cl d’eau pour la journée qu’ils aient EPS ou pas. Dans mon quotidien, je dois donc adapter ma pratique car sinon ils n’ont pas d’eau potable sur la journée. A mayotte nous faisons EPS sur des stades où la température est bien souvent au-delà de 30°C et où le taux d’humidité est énorme et je n’ai pas d’ombre à disposition. Ma pratique est donc très dégradée et je ne sais pas à ce jour comment je vais pouvoir évaluer mes élèves pour ce trimestre. »
Cette semaine syndicale avec les militant.es du SNEP-FSU Mayotte a été très riche. L’équipe militante est très dynamique et de nombreux jeunes s’investissent pour développer le SNEP-FSU et améliorer l’EPS, le sport scolaire et le sport (plusieurs encadrent dans des clubs) sur le territoire, dans un contexte qui n’est pas simple à différents égards.
Une citation m’est revenue durant la semaine, elle est de Thomas Sankara, président du Burkina Faso de 1983 à 1987 : « Il faudra choisir entre le champagne pour quelques-uns et l’eau potable pour tous ».
Merci encore à toute l’équipe du SNEP-FSU Mayotte !