Une qualité de l’EPS en Europe est possible

Le séminaire sur le thème « Pour une EPS de qualité en Europe », organisé par l’Association Européenne d’Education Physique (EUPEA) et le SNEP-FSU (France), avec le soutien de l’UNESCO, s’est déroulé dans une période paradoxale concernant le statut de l’éducation physique.

D’une part les politiques d’austérité largement mises en œuvre dans beaucoup de Pays européens pèsent sur la dynamique des services publics et donc sur le développement d’un enseignement (souvent considéré comme non fondamental).

D’autre part, le besoin d’une activité physique régulière pour tous les jeunes, dans une perspective de santé, d’équilibre de vie, d’acquisition d’une culture sportive comme pratiquant et spectateur, plaide pour une autre place de l’éducation physique et plus largement des pratiques physiques et sportives, au sein de l’école, seul lieu où tous les jeunes sont rassemblés dans une perspective d’apprentissages.

L’association EUPEA enrichie de ce travail d’analyse et de réflexion de ce séminaire va continuer de travailler pour faire vivre et partager ses idées sur une EPS de qualité en Europe.

Elle propose d’engager une campagne pour que l’enfant et le jeune européen se voient enfin dotés d’un corps et ne soient plus de purs esprits. En effet, aucune des 8 « compétences-clés européennes pour l’éducation et la formation tout au long de la vie »1, ne fait la moindre allusion au corps ou aux apprentissages qui ont trait à l’activité physique, qu’elle soit sportive, artistique ou de la vie courante.

Dans la logique de sa déclaration de Madrid de 1991(( Déclaration de Madrid : http://www.eupea.com/public/uploads/files/documents/Declaration%20Madrid%201991%20-%20add%20that%20Brussels%202011.pdf )) et de l’activité permanente qu’elle a menée depuis cette date au sein de ses Pays membres et au niveau Européen, EUPEA propose de s’engager dans une action de lobbying en direction du Parlement européen et du Conseil de l’Union Européenne, pour que les recommandations en matière d’éducation et de formation prennent enfin en compte cette dimension importante et cependant absente dans la définition de ce qui est attendu de chaque fille ou garçon Européen.

Quelle EPS pour tous et toutes à l’école ?

L’éducation physique s’est développée depuis la fin du 19e siècle et tout au long du 20e siècle, au sein de l’institution scolaire. Selon les moments, les Pays, les contextes géopolitiques et sociaux, elle a revêtu une coloration militaire, sanitaire et/ou sportive. Elle a progressivement acquis une place originale au sein des écoles, collèges et lycées, conçus d’abord comme des lieux d’enseignement, mais aussi de vie et de culture. Par la pratique et les apprentissages d’activités physiques « hygiénistes » puis sportives et artistiques (les danses, les activités d’expression corporelle), facteurs de développement et de socialisation, elle participe à la formation globale de tous les élèves et à la dynamique des études. Par leur nature, leurs contenus, leurs cultures, leurs pédagogies originales, le rapport au temps et à l’espace qui leurs sont propres, l’EPS et le sport scolaire qui la complète dans un certain nombre de Pays, enrichissent le temps scolaire, contribuent à sa diversité, ses alternances fonctionnelles, son  intérêt pour les jeunes. Eu égard aux caractéristiques des enfants et adolescents ainsi qu’à celles des rythmes de vie sociaux, deux séquences par semaine de 1h30 de pratique effective, à chaque stade de la scolarité, est un minimum qu’il faudrait respecter pour l’équilibre des rythmes scolaires.

Les pratiques physiques, qu’elles soient sportives ou artistiques, qu’elles revêtent la forme de jeux traditionnels ou qu’elles soient institutionnalisées ; ont été inventées par l’Homme pour se développer sur tous les plans, le plus souvent en jouant avec l’autre ou les autres, en s’y opposant, mais aussi en s’éprouvant en milieu naturel, en coopérant dans des activités de danse, en manipulant des objets, … Pour l’immense majorité des pratiquants, ce sont des pratiques de loisir, non professionnelles, distinctes du travail.

Le marquage social des pratiques et le devoir, pour l’école, de le combattre

Facteurs de bien-être reconnus, ces pratiques sont inégalement accessibles, selon que l’on vit à la campagne ou en ville, selon les catégories socio-professionnelles. Bien que phénomène culturel mondialisé, la pratique physique, sportive ou artistique, reste donc inégalitaire, avec des niveaux d’inégalités variables selon les Pays.

Parce que l’École est le lieu de l’étude et qu’elle est un passage obligatoire pour tous les jeunes dans le cadre de la scolarité pour tous, elle a la mission de permettre à tous et toutes d’entrer dans cette culture, pour les bienfaits de sa pratique, le plaisir d’agir, ici et maintenant mais aussi tout au long de sa vie, et pour en comprendre les enjeux et les rouages.

EUPEA porte l’idée que l’accès à cette culture est un droit pour chaque jeune. C’est un devoir pour l’institution qui l’accueille et le forme de lui offrir une éducation physique obligatoire, gratuite et de qualité (et un sport scolaire dans le prolongement de l’EP).

L’éducation physique de la maternelle au lycée : les grandes étapes de la scolarité

A tous les niveaux de la scolarité, l’EPS fait vivre aux élèves des expériences dans des activités physiques humaines qui font partie du « patrimoine » de la culture physique sportive et artistique. Elle leur en propose l’apprentissage.

Ecole maternelle : Il s’agit de privilégier une activité ludique qui a du sens pour l’élève, qui va solliciter de sa part une adaptation aux exigences de divers milieux, l’activité jouée n’excluant ni la réalisation de « performances », ni l’opposition individuelle ou en équipe. Par les émotions qu’elle suscite, les expériences et apprentissages qu’elle permet, l’EPS organise une véritable connaissance corporelle du monde, permet le développement d’un véritable langage corporel qui donne de nouveaux pouvoirs, à l’instar du langage oral.

Ecole primaire : A travers la pratique et l’apprentissage d’APSA adaptées à leur âge et à leurs possibilités, les élèves apprennent à évaluer les effets de leur activité (ou celle d’un autre), à s’interroger sur leurs réussites et échecs, à faire des hypothèses sur ce qu’ils doivent transformer pour réussir, à formuler globalement un projet d’apprentissage, à s’engager dans un processus de transformation conscient et à assumer des rôles sociaux.

Le collège : C’est l’étape de la scolarité où l’élève enrichit sa culture des APSA en élargissant ses expériences, c’est aussi un moment favorable à un éventuel approfondissement dans au moins une APSA, afin d’acquérir des compétences significatives, sources de plaisir et d’estime de soi.

Le lycée : C’est le lieu où les élèves, après avoir étudié au collège dans le cadre d’une culture commune, doivent pouvoir s’orienter vers des choix d’APSA correspondant à leurs motivations. Il est également le lieu où l’on apprend à s’entraîner de façon plus rationnelle, en vue d’une prestation à son meilleur niveau possible

Quelles recommandations pour EPS de qualité ?

Dans le prolongement de sa déclaration de Madrid, EUPEA formule les propositions suivantes :

  1. Deux séquences par semaine de 1h30 de pratique effective, à tous les niveaux de la scolarité, c’est le minimum qu’il faudrait respecter. A l’école primaire, une séance d’éducation physique par jour serait de nature à équilibrer le temps scolaire.
  2. EUPEA a réalisé une enquête dans tous les Pays européens pour avancer sur la définition d’un élève « physiquement éduqué ». Les résultats de ce travail conduisent à proposer la programmation équilibrée d’APSA, à partir de classifications qui peuvent varier selon les cultures particulières des différents Pays, et selon les niveaux de la scolarité. EUPEA soutient l’idée que les équipes d’enseignants d’éducation physique doivent rester conceptrices de leurs programmations, dans un cadre défini nationalement.
  3. Les projets d’école et d’établissement doivent faire une place plus importante aux pratiques sportives, au- delà de l’horaire des cours d’éducation physique : fêtes sportives, rencontres interclasses ou inter écoles, sorties et stages de pleine nature, spectacles, …
  4. Quel que soit le niveau d’enseignement, l’éducation physique doit être enseignée par un enseignant ayant reçu une formation au meilleur niveau possible. Dans le cadre européen du LMD, le niveau du Master devrait être la référence de formation initiale.
  5. A l’école primaire, la polyvalence des enseignants peut poser un problème de formation spécifique aux différentes disciplines scolaires. Des dominantes de formation peuvent être mises en place, permettant d’assurer en équipe la totalité des enseignements (et l’animation du sport scolaire).
  6. A tous les niveaux, quelle que soit l’activité programmée, la durée d’un module d’apprentissage doit être suffisante pour que les transformations s’opèrent, que les apprentissages se stabilisent et que les élèves acquièrent les méthodes pour y conduire. Dans chaque séance, la quantité d’activité de chaque élève doit être une préoccupation constante de l’enseignant, pour conduire l’élève vers les transformations attendues. De la même façon, le plaisir de pratiquer et d’apprendre, qui n’exclut ni le travail, ni l’effort, est une condition importante de l’adhésion des élèves à la pratique sportive et de leur poursuite de cette pratique après les études.
  7. Une condition essentielle à l’amélioration du temps de pratique et à la qualité des apprentissages, est l’existence d’installations sportives fonctionnelles : intramuros ou à proximité immédiate, disponibles sur toute l’amplitude horaire scolaire La conception des espaces de pratique a une incidence directe sur la durée d’activité (repères, tracés, multiplication des terrains et aires de pratiques, etc.).
  8. Le développement de la Recherche sur l’éducation physique et son enseignement, de la didactique des APSA, est une autre condition indispensable à l’existence et à l’enseignement d’une éducation physique de qualité.
  1. Recommandation 2006/962/CE du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, sur les compétences clés pour l’éducation et la formation tout au long de la vie [Journal officiel L 394 du 30.12.2006]. []
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