Madame la Sénatrice, Messieurs les Sénateurs,
Le Syndicat National de l’Education Physique (SNEP FSU), par son histoire et ses champs de syndicalisation, se trouve à la confluence du sport et de l’EPS. De tout temps la question de la démocratisation des pratiques physiques sportives et artistiques le traverse et est au cœur de son action. A ce titre il s’est intéressé et a suivi de près l’avancée des travaux sur le projet de loi « démocratiser le sport en France ». Le sport, dans sa plus large acception, subit une crise sans précédent dans cette période de pandémie. Cette dernière aura été le révélateur de la fragilité du système et des inégalités territoriales en la matière. Il est donc nécessaire de repenser l’ensemble et d’investir fortement pour permettre l’accès au plus grand nombre, à tous les âges de la vie, aux pratiques physiques et sportives. La « loi pour démocratiser le sport en France » doit être l’occasion de ce nouvel élan à donner et nécessite d’être améliorée.
Si la charte de l’UNESCO de 1978 établit que « la pratique de l’éducation physique et du sport est un droit fondamental pour tous », un travail conséquent reste à faire pour créer les conditions d’effectivité et d’accessibilité à ce droit sur l’ensemble du territoire.
Amener le plus de citoyens et citoyennes à pratiquer nécessite des conditions particulières, nous y reviendrons, mais on ne peut minorer l’importance éducative. Appréhender, étudier les différentes activités physiques sportives et artistiques, développer le sens et la nécessité d’une pratique régulière, créer des habitus de pratique se construisent dès le plus jeune âge. L’Ecole via l’EPS et le Sport Scolaire a un rôle primordial à jouer dans le processus de démocratisation. S’adressant à toutes et tous, sans discrimination aucune, elle est le lieu du premier contact avec la culture sportive et artistique et le moyen d’amener le futur adulte vers une pratique raisonnée et régulière. Dans cette optique, on ne peut s’extraire de la nécessité de revaloriser fondamentalement l’éducation physique et sportive pour les jeunes scolarisés. En deçà de deux séances hebdomadaires de deux heures, tous les objectifs ambitieux assignés à cette discipline scolaire ne peuvent être que survolés.
De la même manière il est nécessaire de développer les SUAPS et de créer une unité d’enseignement EPS dans toutes les universités. Il faut en finir avec la forte rupture constatée dans l’enseignement des APS à l’arrivée dans l’enseignement supérieur que ce soit à l’université ou dans les filières post baccalauréat telle que le BTS.
Ces séances permettraient de rythmer la vie scolaire des jeunes de la maternelle à l’université, rythme de vie qui pourrait ainsi perdurer dans la vie adulte par l’entremise de pratiques autogérées ou dans des clubs et associations. Cette valorisation via l’augmentation des horaires doit s’accompagner de réformes sur les programmes pour une meilleure prise en compte de la culture sportive et de réformes certificatives puisque nous savons que la hauteur de l’engagement des élèves dans les apprentissages est très souvent corrélée à la valeur attribuée à chaque discipline dans les examens.
Pour permettre cette augmentation des temps de pratique, largement défendue par nombre de médecins, professeurs, scientifiques, un plan pluriannuel de recrutement doit être construit. Il est assez singulier de constater que depuis l’annonce de la volonté présidentielle de faire de la France une « Nation de sportifs », près de 460 postes d’enseignant·es d’éducation physique ont été supprimés alors que le nombre d’élèves ne cesse d’augmenter…
Compte tenu des difficultés parfois observées dans l’enseignement de l’EPS dans le premier degré, deux axes majeurs se doivent d’être mis en œuvre : la formation initiale des professeur·es des écoles et la mise à disposition de personnels référents. Les réformes successives du concours du CRPE ont diminué la place de l’EPS ce qui a eu un impact direct sur les maquettes de formations en laissant une place congrue voire insignifiante à l’éducation physique. Renforcer ces formations est une nécessité si l’on veut avoir des professeur·es des écoles en capacité d’offrir aux élèves, dès le plus jeune âge, des pratiques variées et riches. Par ailleurs, pour répondre aux difficultés immédiates de mise en œuvre de l’EPS par nombre d’enseignant·es qui s’estimeraient insuffisamment formé·es, il faudrait envisager la mise en place de dominantes EPS pour disposer de personnels ressources en capacité de venir en aide dans la construction et/ou la conduite des séances.
Ces quelques mesures spécifiques à l’Education ne peuvent toutefois, à elle seules, concourir à la démocratisation du sport en France. Au-delà de ces nécessités, si l’on veut un projet ambitieux, il est indispensable de réfléchir aux synergies à construire, aux continuités à rechercher entre les différents temps : scolaire, péri-scolaire et extra-scolaire. Cette réflexion doit se mener dans le respect des métiers, missions, périmètre d’intervention de chaque secteur pour éviter les empiètements et concurrences qui nuisent à l’objectif. Pour assurer une continuité entre l’Ecole et le « monde sportif », il faut amener les élèves à connaitre les clubs, les associations et leurs fonctionnements. Se servir des points d’appui existants pour les développer et leur donner davantage corps sans avoir à inventer de nouveaux dispositifs permettrait un pas en avant non négligeable. Ainsi, en dehors du sport scolaire (UNSS et USEP) qui conventionne déjà beaucoup avec les fédérations sportives, il serait intéressant de s’appuyer sur les sections sportives scolaires qui ont une obligation d’association avec un club local. Avoir une section sportive dans chaque établissement filles et garçons serait un appui considérable pour travailler ces synergies.
Toutefois, ce travail de relations étroites entre le monde scolaire et extra-scolaire ne peut être rendu possible que par une dynamisation du tissu associatif sportif. Nombre de territoires ruraux souffrent de l’absence de clubs et associations à proximité et les seules possibilités de pratiques se trouvent au sein de l’Ecole. Il faut donc un vaste plan d’aide au développement des structures sportives locales afin de répondre à un double objectif : garantir une offre riche et diversifiée, lutter contre des « déserts associatifs » en luttant contre des inégalités d’implantation.
L’instruction de ces aides, le conseil au développement, l’accompagnement de ces structures… sont du rôle de l’Etat et du ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports. Devant l’affaiblissement conséquent du ministère délégué aux Sports, le manque de moyens financiers, le manque de personnels, un plan pluriannuel de recrutements d’agents, professeur·es de sport, et un budget réhaussé à hauteur d’1% du budget de l’Etat seraient les signaux d’une véritable volonté de redynamiser le sport pour toutes et tous en France.
Le problème d’accès aux installations sportives est un élément majeur. Mais la solution visant à permettre l’accès aux équipements sportifs des établissements scolaires pour les associations, clubs, etc., avec une attention particulière lors de la construction de nouveaux établissements pour qu’un accès « extérieur » soit possible, reste insuffisante. Cette solution est déjà mise en œuvre là où des installations sont construites intelligemment en concertation avec nos représentant·es, par voie de conventionnement. Le SNEP FSU a développé une réelle expertise pour le développement d’installations sportives adaptées aux scolaires et permettant la pratique en club. Nous avons travaillé avec plusieurs fédérations et édité 5 référentiels pour des équipements adaptés. Ils sont cités dans le guide ministériel « l’accès aux équipements sportifs pour l’enseignement de l’EPS et pour l’ensemble des pratiques sportives scolaires » édité en 2012 et préfacé par JM Blanquer. Outre le fait que les équipements sportifs intra-muros des établissements scolaires ne représentent qu’environ 10% du parc des équipements sportifs, le souci de nombreuses installations sportives dans les établissements est leur vétusté, leur inadaptation à une pratique sportive de qualité et leur manque de fonctionnalité. De plus, il faut aussi penser, lors de la conception des équipements, aux espaces de rangements distincts entre club et école.
Cela demande évidemment des investissements importants et des concertations pour permettre d’aller en ce sens. A ce titre, le SNEP FSU propose d’étendre la mise en place de commissions tripartite ou pluripartite (Education nationale, Région, représentant des enseignant·es d’EPS, voire monde sportif) pour travailler au développement des installations sportives. Là où ces commissions existent, cela permet des avancées concrètes. Il est nécessaire d’aider les collectivités territoriales mais il faut de vrais plans nationaux de constructions d’installations sportives utiles aux scolaires et à l’extra-scolaire ainsi qu’aux universités. Afin de réellement avancer, il faudrait faire évoluer l’article L 214-4 du Code de l’Education en notant « Les équipements nécessaires à la pratique de l’éducation physique et sportive doivent être (ajouter : construits intra-muros ou à proximité immédiate des établissements (supprimer : prévus) à l’occasion de la création d’établissements publics locaux d’enseignement, ainsi que lors de l’établissement du schéma prévisionnel des formations mentionné à l’article » pour permettre le développement des installations nécessaires pour tous les établissements. Il est nécessaire d’envisager des constructions d’installations sportives dans ou à proximité immédiate des établissements scolaires. Les installations doivent être adaptées à l’EPS et à une pratique sportive de qualité pour permettre une utilisation extérieure et accessible à toutes et tous, sans discrimination.
Bien d’autres leviers seraient également à actionner pour une réelle démocratisation du sport en France comme favoriser et développer le bénévolat, travailler à une politique de réduction des coûts qui sont parfois bien trop élevés pour des familles modestes, etc.
La volonté de démocratiser le sport en France relève d’un véritable choix de société et nécessité une politique publique volontariste et ambitieuse basée sur la revitalisation d’un service public au bénéfice de nos concitoyens et concitoyennes. Les attentes de l’ensemble des acteurs du sport en France sont fortes, les investissements doivent être à la hauteur des ambitions portées pour répondre à la volonté présidentielle et à l’approche des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris. L’héritage promis doit trouver corps et le projet de loi pour démocratiser le sport en France se doit de porter concrètement cette ambition.
Vous remerciant de l’attention que vous porterez à l’ensemble de ces propositions, nous vous prions de croire, Madame la Sénatrice, Messieurs les Sénateurs, en notre profond attachement au service public du sport.