Le rétropédalage de l’ambition pour l’enseignement de la natation s’accentue. Après une circulaire 2011 qui en rabattait sur l’ambition des compétences à acquérir en natation au profit d’une natation qu’il pense sécuritaire, le MEN signe une circulaire (n°2017-127 du 22-08-2017, BO du 12 octobre 2017) qui enterre la priorité nationale d’apprendre à nager à tous les élèves en la reléguant dans son annexe 2. Autant dire la piètre ambition de cette circulaire !
Pas un mot sur ce qu’il y a à apprendre en natation ni sur l’intérêt et les enjeux des activités nautiques et de la natation pour la formation des jeunes et l’accès aux pratiques sociales, sportives et de loisirs. Il n’y est plus question que de responsabilités, d’intervenants extérieurs, de surveillance, de normes d’encadrement. On pourrait même se poser la question : faut-il enseigner la natation à l’école ?
Pas un aller-retour supplémentaire depuis l’envoi du projet et les remarques en retour du SNEP-FSU en janvier2017 ! La circulaire qui parait aujourd’hui est totalement ré-agencée par rapport au projet dont nous avons cru pouvoir discuter.
La méthode et les faits sont on ne peut plus rudes, la « pseudo concertation » est bien là. Le MEN décide et les enseignants sont assignés à appliquer sans que leur expertise et leur professionnalité ne soient ni entendues ni prises en compte.
Une circulaire où tout le monde se perd (se noie, devrait-on dire !) : Alors que les circulaires précédentes traitaient séparément des 1er et 2nd degré, il faut désormais « naviguer » sans cesse entre les différents chapitres pour savoir qui est responsable, qui organise, quelles sont les conditions d’accueil et même pire…. plus personne ne sait ce qu’il en est de l’enseignement de la natation dans les bassins intégrés dans les établissements scolaires. Que de méconnaissance affichée ainsi des réalités, du fonctionnement et de l’organisation et des ambitions des enseignements en natation !
A l’école primaire, le nombre de séquences d’apprentissage n’est plus fixé, il sera prévu « dans la mesure du possible ». Dans le second degré, les modalités d’organisation et d’encadrement seront fixées par les chefs d’établissements, donc pilotées par les moyens et l’autonomie des établissements. Quelle contradiction avec la « priorité nationale » d’apprendre à nager…. L’EN voudrait-elle s’en décharger ?
La circulaire contient des incohérences comme « la natation scolaire nécessite un encadrement des élèves renforcé » mais « le regroupement de classes (à faibles effectifs) est à privilégier ».
Elle renonce à de bonnes conditions d’enseignement en n’envisageant même plus (ce que nous contestons depuis toujours) que les classes puissent travailler en dehors des temps d’ouverture des bassins au public.
Elle ne tient pas compte de la présence de non nageurs dans les groupes d’apprentissages.
Elle n’incite pas à la programmation des séquences d’apprentissage de la natation pour toutes les classes en décidant des normes d’encadrement en fonction du nombre d’élèves présents dans le bassin…. les écoles et les EPLE n’ayant qu’à s’organiser pour faire elles-mêmes le tri des élèves qui doivent venir recevoir un enseignement, qu’elle perçoit et considère « sécuritaire » (la prédominance de l’ASSN ou du test d’aisance aquatique apparait très nettement tandis que les programmes de la natation sont insuffisamment rappelés)
En bref, nous pouvons caractériser et résumer cette nouvelle circulaire au travers des motivations suivantes :
- Adapter l’enseignement de la natation aux capacités d’accueil et à moindre coût :
présence de public possible simultanément aux enseignements scolaires surveillance étendue aux titulaires du BNSSA
« accès facile à au moins une des bordures de bassin »
- Faire porter la « priorité nationale » d’apprendre à nager aux établissements et non plus à l’Etat (via l’EN) :
Dans le 1er degré, les enseignants doivent obligatoirement faire appel à des intervenants extérieurs pour répondre aux normes d’encadrement. Le choix aurait pu être fait d’affecter un enseignant supplémentaire par école pour l’enseignement de la natation et le développement du sport scolaire par exemple, notamment à l’occasion des JOP 2024 en France.
Dans le second degré, passer de « les modalités d’organisation et d‘encadrement (…) reviennent à l’équipe pédagogique » (circulaire 07/07/2011) à « les modalités d’organisation et d’encadrement (..) sont fixées par le chef d’établissement » (circulaire 22/08/2011) n’est pas anodin. Ce sont bien les moyens donnés à l’EPLE qui conditionneront l’opportunité de la mise en place de groupes à effectifs réduits si nécessaire.
- « Instituer » le cycle 3 avec la responsabilisation possible de l’enseignement de la natation par les enseignants d’EPS du second degré dans le 1er degré sans que les l’EN n’ait véritablement statué sur les responsabilités et échanges de service :
Seul le « projet pédagogique (..) dans le cadre du cycle 3, avec l’appui des équipes de circonscription » est évoqué.
Avec cette circulaire, le SNEP-FSU considère que le MEN fait le choix de « faire couler » définitivement l’enseignement de la natation à l’école à moins de la réécrire totalement.
A lire aussi
Savoir nager : vous avez dit « ambiguïté » ? – Article de Jean-Paul Tournaire
Savoir-nager : une attestation qui devient officielle – Article de Michel Fouquet