Depuis plusieurs mois, et cela va en s’accélérant, des enseignants d’EPS sont mis en cause pour des actes qualifiés d’atteintes, d’agressions, de violences physiques et/ou sexuelles sur leurs élèves.
Le SNEP-FSU juge sévèrement de tels faits quand ils sont avérés et la profession ne peut que pâtir de ces situations, qui sont en contradiction avec la déontologie professionnelle.
Mais dans la quasi-totalité des cas ce n’est pas de cela dont il s’agit !
Il ne s’agit souvent que de comportements liés à des ressentis d’élèves, souvent amplifiés par l’entourage familial, l’actualité, les réseaux sociaux…, mais qui peuvent aussi surgir par une volonté de « règlement de comptes » d’élèves protestant contre les exigences éducatives du professeur, contre les sanctions qui peuvent les concerner à la suite de comportements inadéquats, ou encore suite à des emballements collectifs.
Trop souvent, les plaintes d’élèves sont recueillies par l’établissement dans des conditions plus que discutables du point de vue de l’impartialité et de la neutralité attendues, quand elles ne relèvent pas d’une volonté de ne pas prendre en compte la parole de l’enseignant d’EPS voire de lui nuire.
Trop souvent, à l’occasion de plaintes d’élèves, les représentants de l’Administration font preuve d’une absence totale de discernement (la « parole d’or » de l’élève, la « bienveillance » vis-à-vis des familles dont certaines ont un comportement largement consumériste.
Trop souvent, l’administration refuse l’organisation d’un entretien contradictoire entre, d’une part, l’élève et sa famille et, d’autre part, le professeur d’EPS, ce qui permettrait pourtant, dans la plupart des cas, de comprendre et d’apaiser la situation.
Trop souvent, l’absence de discernement se traduit par un conseil de dépôt de plainte ou par un signalement direct au Parquet en appliquant aveuglement l’article 40 du Code de Procédure Pénale, le collègue concerné étant rarement informé de la démarche… Si ce n’est par la réception d’un arrêté de suspension (article 30 du Statut Général « En cas de faute grave… »), mesure rarement « protectrice », pas toujours expliquée et qui le laisse dans une situation de souffrance et d’incompréhension1.
Rappelons à l’attention de l’Education nationale et de la Justice, mais aussi des familles, que le professeur d’EPS intervient au milieu des élèves qui sont en action, qui s’affrontent, qui sont vus, touchés, évalués, qui sont quelquefois en maillot (à la piscine, dans les vestiaires,…), avec des exigences professionnelles liées à la qualité de l’enseignement (aides…), à la sécurité des élèves (parades…), à la discipline (dans les vestiaires…). Il engage les élèves dans une grande diversité d’actions amenant des postures et des réactions imprévisibles. Ces situations peuvent amener certains jeunes à des déséquilibres émotionnels liés à la prise de risque, aux conséquences de l’échec devant le groupe…
La circulaire n°2004-138 du 13.07.2004 informait d’ailleurs sur ces gestes professionnels spécifiques qui peuvent « donner lieu à des interprétations conduisant à des mises en cause (…) alors qu’ils résultent le plus souvent d’actes d’intervention directe de l’enseignant envers un ou des élèves en vue d’assurer leur sécurité ou la réussite de leurs apprentissages. »
Le SNEP-FSU demande que ces recommandations soient réévaluées et renforcées.
I – Afin d’éviter les conséquences que vivent les enseignants d’EPS lorsqu’ils sont mis en cause de façon infondée pour des atteintes diverses (physiques ou sexuelles), le SNEP-FSU demande que l’Education nationale produise pour sa part une Instruction à l’intention des Recteurs, DASEN et Chefs d’Etablissements qui :
- explique les particularités des fonctions, des comportements et des obligations professionnelles des enseignants d’EPS dans leur dimension didactique et sécuritaire, et en insistant particulièrement sur les contacts corporels singuliers et inhérents aux APSA,
- élabore des recommandations afin qu’au niveau des établissements, les exigences d’apprentissage, de sécurité et de discipline en EPS soient largement expliquées aux élèves et aux familles, que les Chefs d’Etablissements jouent pleinement leur rôle de médiation et que soit rappelée la gravité de la tenue de propos mensongers et/ou calomnieux, au regard des dégâts psychologiques qui sont provoqués,
- insiste sur la nécessité d’une application des dispositions prévues au Règlement Intérieur en cas de comportements inadaptés ou déplacés, et notamment la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire,
- rappelle qu’un signalement, un dépôt de plainte, n’engage pas directement une procédure judiciaire, n’anticipe pas sur l’éventuelle culpabilité de l’auteur présumé d’une infraction, et affirme que la présomption d’innocence doit s’imposer dans l’attente de toute décision judiciaire,
- envisage des mesures alternatives à la suspension qui ne doit pas revêtir un caractère automatique comme cela a tendance à devenir la règle actuellement (traduisant un manque de discernement), et que si la suspension s’impose dans l’intérêt, soit de la victime présumée, soit de l’auteur présumé des faits, elle doit être réellement accompagnée par les services rectoraux,
- permette d’accorder systématiquement la protection fonctionnelle prévue par l’article 11 du Statut Général, tant pour la défense juridique que pour la réparation des préjudices subis,
- renvoie, en l’absence d’une réelle enquête administrative préservant le contradictoire, toute éventuelle procédure disciplinaire après l’enquête judiciaire (lorsque celle-ci est déjà initiée) ou après le jugement,
- décide de reconnaitre, par voie officielle voire publique, la non culpabilité d’un enseignant (notamment lorsqu’il n’a été ni poursuivi ni condamné par la Justice), et affirme la pleine confiance de l’institution dans l’action du collègue, de façon à faire taire les rumeurs qui sont souvent entretenues.
Le SNEP-FSU demande qu’une négociation ait lieu concernant l’Instruction que le MEN devrait adresser aux Recteurs, DASEN et Chefs d’Etablissements.
II – Le SNEP-FSU demande que l’Education nationale engage des discussions avec la Justice sur la prise en charge de ces problématiques (enquête préalable, sa durée, garde à vue, témoin assisté…) qui concernent des agents du service public d’éducation, en charge de l’intérêt général. Devraient être abordés :
- la non-interpellation (par les services de Police ou de Gendarmerie) sur le lieu de travail (établissements),
- un traitement spécifique requérant une procédure d’urgence pour les fonctionnaires mis en cause,
- la suppression systématique de toute empreinte de tout fichier en cas de classement sans suite, – la notification systématique de toute décision de classement sans suite, – la position de témoin assisté si une procédure est engagée.
Le SNEP-FSU demande à être préalablement entendu par le MEN sur ces questions.
A lire aussi
- En 1997, un professeur d’EPS, Bernard HANSE, s’est suicidé après avoir été mis en cause par un élève qui s’est ensuite rétracté. [↩]