Retour sur la 1ère Soirée de l’EPS : « Faut-il tester les élèves en EPS ? »

Faut-il tester nos élèves en EPS ?

La réponse est à nuancer. Au regard des alertes sur la sédentarité et la baisse des capacités physiques de nos élèves, il peut être séduisant de mettre en place des tests pour établir un diagnostic et quantifier le phénomène dans le but d’ inverser les courbes. Alors OUI, il peut être intéressant de tester nos élèves.

Mais une prise de conscience de certaines dérives est nécessaire. La 1ère limite réside dans la régulation de l’enseignement pour faire progresser les élèves aux tests, réduisant ainsi l’ambition, la portée, la complexité des savoirs enseignés à ceux qui sont portés uniquement par eux.

Les annonces du Président Macron en septembre 2023 dans la Revue « Jeunesse santé » invitent à la plus grande prudence. Il développe sa stratégie de développement de la pratique physique et sportive en primaire et au collège autour de 4 mesures : les 30’ d’Activité Physique Quotidienne dans le primaire, les 2h de sport au collège, le déploiement de 10 000 équipements sportifs et les tests d’aptitude physique en 6ème. Les 2 objectifs de ces mesures sont : la santé publique et la détection des profils à potentiel sportif avec l’orientation vers un cursus sportif.

Il est à craindre que les résultats de ces tests deviennent un outil de pilotage du système éducatif par des données quantitatives, méthode directement inspirée du néomanagement Public qui vise entre autres à appauvrir le service public d’éducation.

Faut-il des tests nationaux standardisés ?

Les corps d’inspection lancent déjà l’expérimentation de tests standardisés construits par des entreprises privées dans certaines académies. Pourquoi solliciter des partenaires extérieurs à l’Éducation Nationale alors que les enseignant·es d’EPS sont parfaitement capables de construire des tests efficients et adaptés à leur contexte local ? La liberté pédagogique s’en trouve une nouvelle fois réduite. Pourquoi cette dépense publique dans la période d’austérité budgétaire actuelle ?

Les tests qui se mettent en place risquent de redéfinir le métier et de transformer les pratiques

enseignantes. C’est le sens de notre discipline qui est questionné. Comment ne pas y voir une dérive d’ une EPS hygiéniste ou centrée sur des compétences transversales. Notre discipline pourrait se polariser sur la préparation au test et remettre en cause l’enjeu de démocratisation de l’accès à la culture sportive et artistique.

Des exemples de tests construits et utilisés par des collègues

L’équipe EPS d’un collège de l’académie de Créteil a décidé de construire des tests collectivement et à les utiliser pour débuter l’année. Ces tests avaient vocation à faire un état des lieux du niveau des élèves, à leur donner des repères sur leur condition physique et de construire un cadre commun aux différentes classes. Ces tests ont été constitués « à l’instinct » et se composaient d’exercices variés de force, de souplesse ou de résistance et aussi d’habiletés motrices liées aux APSA.

Les points positifs de la mise en place de ces tests :

  • au niveau de l’équipe EPS : enclencher un travail commun sur les évaluations.
  • au niveau des élèves : initier un dialogue sur leur progrès.

Une dérive a cependant été constatée : celle de passer trop de temps sur les tests en début d’échauffement au détriment du temps d’étude des APSA.

L’équipe d’un collège de Limoges a utilisé les résultats de tests conçus localement pour revisiter la programmation des APSA et allonger la durée des cycles d’enseignement. En parallèle, un EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires) a été mis en place avec des collègues de SVT et d’histoire, dans le but de sensibiliser les élèves à l’augmentation de la sédentarité et ses conséquences sur la santé. Enfin, dans le cadre d’une section sportive rugby, les tests pratiqués chaque année ont permis de mettre en confiance les élèves en mesurant leur progrès.

Enfin au collège d’Aulnay, l’équipe EPS propose des brevets aux classes de 6ème dans toutes les APSA fixant des objectifs à atteindre. Les élèves vont devoir construire et identifier des habiletés motrices et des stratégies de jeu. Ces brevets permettent aux élèves de donner du sens à leurs apprentissages, aux exercices qui leur sont proposés, à identifier leur progrès à partir de l’objectif à atteindre.

Pour conclure, les tests ne sont pas à rejeter en tant qu’outil, sous réserve qu’ils soient conçus localement par les équipes EPS. Ils ont leur utilité pour faire un état des lieux et orienter les choix pédagogiques des enseignant·s. Ils permettent aussi de rendre concret les buts à atteindre et les apprentissages réalisés. A contrario, les tests ne doivent ni devenir un objet d’enseignement, ni un alibi pour transformer profondément l’enseignement de l’EPS vers une centration sur l’éducation à la santé. Maxime Luiggi, Maxime Travert et Jean Griffet nous alertent sur ce point : « Les jeunes qui exercent une activité sportive pour seul motif de santé sont les plus à risque d’abandonner ».

Mélanie PELTIER et Alexandre MAJEWSKI

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