L’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep) et le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc) viennent de publier un rapport sur l’évolution des pratiques sportives des Français·es. Rencontre avec Philippe LOMBARDO de l’Injep et Jörg MÜLLER du Credoc pour une présentation des grandes tendances sur le sport en 2022.
Pouvez-vous nous présenter votre étude ?
La baromètre national des pratiques sportives est une enquête réalisée à intervalles réguliers (2018, 2020, 2022) sur la pratique sportive des Français et Françaises de plus de 15 ans réalisée par l’Injep – plus précisément par la mission enquêtes, données et études statistiques – et le Credoc. Elle s’appuie sur un échantillon de 4 000 personnes en France métropolitaine et outremer. Le baromètre de 2022 a donné lieu en mars 2023 à la publication d’une étude montrant notamment comment les pratiques sportives ont évolué, après une période de crise en lien avec la Covid 19.
Vous avez différencié dans votre étude les types de pratiquant·e, pouvez-vous revenir sur cette façon de présenter les résultats ?
Effectivement nous avons intégré un critère de régularité de pratique pour affiner le regard sur les tendances sociétales.
La pratique sportive : les activités physiques ou sportives (APS) vont de la pratique récréative occasionnelle à la plus compétitive. Une personne est considérée comme ayant une pratique physique et sportive lorsqu’elle déclare avoir pratiqué au moins une activité parmi une liste de 106 disciplines sportives, au cours des 12 derniers mois. Ainsi, « le sport » est entendu dans une acception large, qui recouvre à la fois la pratique physique récréative, comme la marche en pleine nature, et la pratique en compétition.
Nous avons affiné cette définition en utilisant les informations demandées aux pratiquant·es, concernant la façon de pratiquer leurs activités physiques et sportives :
- la fréquence de la pratique (nombre de séances déclarées et classement dans les catégories sportif·ve régulier·ère, sportif·ve occasionnel·le, etc.) ;
- la régularité de la pratique (tout au long de l’année, seulement le week-end, uniquement pendant les vacances) ;
- l’intensité de la pratique (mesure du ressenti par rapport à l’intensité de l’effort physique fourni) et la durée des séances.
Dans notre étude, un·e pratiquant· régulier·ère est une personne qui déclare avoir pratiqué au moins 52 séances dans l’année, soit une fois par semaine en moyenne au cours des 12 derniers mois.
Quelles sont les grandes tendances qui se dégagent ?
En 2022, 60 % des Français·es de 15 ans et plus ont pratiqué une activité physique et sportive régulière (en moyenne une fois par semaine au moins au cours des 12 derniers mois), soit 6 pt de plus qu’en 2018. La hausse de la pratique sportive régulière est portée par le développement de la marche et de la randonnée (qui explique la moitié de la hausse observée de 6 points).
La hausse générale est également tiré par la pratique féminine : en 2022, 58 % des femmes pratiquent en moyenne au moins une fois par semaine, soit +7 points en 4 ans. Ainsi les femmes réduisent l’écart par rapport aux hommes bien que l’asymétrie en matière de pratique persiste.
Enfin, la pratique sportive reste socialement différenciée avec une surreprésentation de jeunes ou de hauts revenus et de diplômés du supérieur pratiquant régulièrement du sport.
Par rapport à 2018 et 2020, la façon de pratiquer évolue. Les personnes font désormais davantage de sport à domicile et moins dans les structures sportives. La hausse de la pratique féminine trouve peut-être une explication dans le fait que la pandémie et les confinements ont été vécus plus durement par les femmes, notamment du fait d’un manque de temps et d’une plus grande implication dans le temps passé avec les enfants, ou à se consacrer aux tâches ménagères comme l’a montré une étude de l’Insee((Conditions de vie pendant le confinement : des écarts selon le niveau de vie et la catégorie socioprofessionnelle, Valérie Albouy, Stéphane Legleye, Insee (paru en juin 2020))). Le fait de pratiquer plus souvent en autonomie rejoint également la question du regard des autres sur le corps, mais il ne faut pas sous-évaluer le gain de temps et la flexibilité de pratiquer quand elles le peuvent.
L’inscription en club n’est pas toujours chose aisée : trois Français·es sur dix se sont vu·es refuser une inscription en club ou en association. Cette expérience est plus fréquente pour les jeunes et les personnes à bas revenus.
Dans votre étude, vous constatez que les personnes déclarent par ailleurs plus souvent qu’auparavant pratiquer du sport pour améliorer leur santé, et moins pour le plaisir et l’amusement.
Effectivement, nous percevons une hausse de 6 points par rapport à 2018. Rappelons à nouveau que la hausse de ce motif intervient après deux ans de pandémie et de périodes de confinement successives. Parallèlement les Français·es recherchent moins la dimension ludique dans la pratique sportive : 28 % des pratiquant·es de 15 ans et plus déclarent pratiquer pour le «plaisir [et l’]amusement» (-5 points par rapport à 2018). Il faut cependant le remettre dans un contexte sociétal plus global où la santé et le bien être prennent une place de plus en plus importante. L’idée de bien-être physique, de devenir gestionnaire de son propre capital santé, devient un paradigme de société qui peut aussi expliquer la recrudescence de ce type de motivation qui prime par à rapport à d’autres motivations.
Et chez les jeunes ?
Notre enquête ne concerne pas les moins de 15 ans. Sur la tranche des 15/24 ans, il·elles restent plus sportif·ves que l’ensemble de la population : 78 % pratiquent du sport en moyenne une fois par semaine.
Concernant la population des jeunes non-sportifs et peu pratiquants, la pandémie a eu un impact sur leur envie de reprendre ou de se lancer dans une activité physique et sportive. Hormis l’idée de se faire du bien physiquement, l’expérience de la pandémie a également stimulé l’envie de se reconnecter à la nature et de retrouver une activité extérieure1.
Ces résultats se trouvent confirmés dans l’enquête par l’augmentation de la pratique chez les jeunes sans pour autant qu’on les retrouve dans la pratique associative.
Encart : l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) a réalisé en 2020, avec la Direction des sports, une grande enquête statistique sur les activités physiques et sportives en France.
Faisant suite aux deux enquêtes menées en 2000 et 2010, l’enquête nationale sur les pratiques physiques et sportives (ENPPS) est la seule source permettant de réaliser une description précise et harmonisée du profil des pratiquant·es pour les activités et les univers sportifs les plus fréquents. Elle permet aussi de quantifier relativement précisément la pratique de certains sports rares et/ou émergents. https://injep.fr/publication/les-pratiques-physiques-et-sportives-en-france/
- Enquête UCPA/CREDOC, Les jeunes non-sportifs, 2022 [↩]