Je ne reprendrai que quelques éléments du contexte international qui ont aujourd’hui des impacts directs sur l’économie et la population française.
Cela fait maintenant 12 semaines que la guerre en Ukraine a débuté. Ce conflit qui était appréhendé par Poutine comme un conflit qui ne devait pas durer longtemps s’éternise et a déjà fait de nombreuses victimes civiles et militaires, ainsi que d’importants dégâts matériels. Les mobilisations qui se sont déroulées partout dans le monde au début de la guerre se sont depuis amoindries et la volonté de paix et de diplomatie encore un peu présente, il y a quelques semaines, a ces derniers jours pris une tout autre tournure. L’appel à fournir des armes non plus de défense mais des armes lourdes n’est plus taboue et les ETATS unis ont rallongé copieusement leur aide financière à l’Ukraine. La volonté de régler cette situation par la diplomatie est devenue quasi inexistante et les Etats unis essaient de rallier à leur soutien nombre de pays occidentaux. Un des effets collatéraux dont nous ne mesurons pas encore tous les impacts est une nouvelle phase d’expansion de l’OTAN (position de la Finlande et de la Suède par exemple). Les conséquences de cette guerre sont dramatiques, victimes civiles et militaires, destructions de villes entières, départs massifs d’Ukraine (plus de 5 millions de migrants). La FSU et d’autres organisations syndicales ont pris le parti d’un convoi humanitaire à destination de l’Ukraine afin de répondre à des besoins immédiats de denrées et autres produits de première nécessité pour la population.
En France, les conséquences économiques se font déjà sentir dans un contexte d’inflation déjà présent, le prix des matières premières explose et notamment celui du gaz et du pétrole. Nous assistons à des pénuries organisées de certaines denrées comme l’huile, entre blocage effectif dû à la guerre en Ukraine et spéculation. Après le COVID et ses pénuries de farine nous pouvons constater à quel point il est nécessaire de changer de modèle pour une indépendance énergétique, industrielle, alimentaire…
L’enlisement de cette guerre fait craindre en dehors des retombées économiques qui vont encore une fois toucher les plus précaires, une escalade meurtrière au détriment de la paix et de populations entières, car nous ne sommes pas loin avec les différentes prises de position occidentales et les petites phrases comme celles de Jean Yves le Drian « L’OTAN est aussi une puissance nucléaire » d’un point de rupture qui marquerait une bascule vers l’utilisation de l’arme nucléaire par la Russie comme par d’autres pays. L’équilibre trouvé jusqu’à présent de ne pas être considéré comme pays co-belligérant par certains pays occidentaux est sur le point d’être rompu et nous devons rester attentifs à cette situation qui a laissé la place, vu le contexte électoral en France, à d’autres informations dans les médias.
Chaque conflit est synonyme d’horreurs et notamment pour les filles et les femmes. Les situations décrites en Ukraine par les habitantes, les médias, nous confirment encore une fois s’il le fallait à quel point le statut de femmes est précaire, et comme leur corps est aussi utilisé à des fins guerrières dans tous les conflits. La considération, la liberté, les droits des femmes dans nos sociétés sont constamment remis en cause et l’utilisation de leurs corps est une instrumentalisation permanente contre laquelle il ne faut jamais cesser de se battre. Aujourd’hui en 2022 les talibans viennent de rétablir la burqa pour toutes les femmes, considérant qu’elles ne peuvent être vues, car il s’agit d’une provocation et leur recommande de rester chez elles. Cette décision arrive après celle début septembre de fermer les écoles pour les filles. Nous pourrions considérer que l’Afghanistan est loin de nos sociétés occidentales et que fort heureusement nous n’en sommes pas là, mais le recul dans plusieurs pays sur le droit à l’avortement est une véritable atteinte au droit des femmes sur le droit à disposer de leurs corps. Les Etats Unis ont beau jeu de parler du recul sur le droit des femmes afghanes mais si l’arrêt qui a fuité devait être voté au mois de juin, ce serait un recul de 50 ans pour les femmes aux Etats unis, alors que dans de nombreux états comme le Texas, le Mississipi, l’Oklahoma il existe déjà de multiples restrictions et qu’il est compliqué d’avorter. Nous connaissions les lobbys des différentes religions sur l’avortement dans de nombreux pays, ce recul aux Etats Unis serait une véritable catastrophe pour les femmes particulièrement les plus précaires et les femmes issues des minorités, mais ce serait aussi un symbole effroyable pour le monde entier un signal qui pousseraient certains à se sentir légitimes à reposer ces questions. Ne nous leurrons pas en France derrière l’extrême droite et de grandes déclarations, se cachent aussi nombre de reculs pour le droit des femmes. La lutte pour le droit des femmes est une lutte universelle permanente.
C’est dans ce contexte de guerre et de montée et/ou d’idées banalisées de l’extrême droite que la France se prépare aux élections législatives après une élection présidentielle tendue. Tendue pour plusieurs raisons :
-un bilan du quinquennat Macron catastrophique en termes d’accroissement des inégalités sociales, salariales et de services publics, qui a généré comme on a pu le constater aux Antilles un tout sauf Macron, qui est venu renforcer le score de l’ED au second tour
-des tensions importantes au sein de la gauche, des guerres fratricides qui ont fini par aboutir par un report des voix au premier tour sur le candidat le plus en capacité d’être au second tour et à un accord pour les législatives qui ne peut que nous encourager pour la suite de nos mobilisations
-un choix cornélien au second tour entre un vote LREM pour voter contre l’ED ou une abstention qui nous a tous profondément marqué mais qui nous a obligé aussi à définir de manière précise les politiques menées et à les différencier de celles qui pourraient l’être en cas d’arrivée de l’ED au pouvoir, sans pour autant se fourvoyer sur les dérives actuelles grandissantes des politiques qui sont marquées par des restrictions de libertés individuelles et collectives et une augmentation des inégalités qui font le terreau de l’ED.
Afin de caractériser un peu le paysage politique français et l’état des forces dans lequel nous nous trouvons nous devons considérer plusieurs chiffres à l’issue du premier tour comme à l’issue du second tour
C’est la 3eme fois que l’extrême droite arrive au second tour mais c’est la 1ere fois qu’elle fait plus de 30 % dès le 1er tour, en 2017 entre Dupont Aignan et MLP on arrivait à 26 % (21,3 % toute seule) et 9,4 M de voix, en 2022 ce sont 11,3 millions de voix dès le premier tour pour l’ED. No comment ! … Il nous revient aussi surtout à considérer que 20% des enseignants ont voté ED au second tour volonté de ne pas à avoir subir cinq de macronisme de plus et/ou adhésion à une idéologie. L’extrême droite est bien ancrée dans le paysage politique français et alors qu’on la pensait cantonnée à 2 franges de la population (les racistes et les populations isolées des milieux ruraux), ces dernières élections montrent une adhésion ou une audience plus large. Le vote pour le RN repose notamment sur les questions de pouvoir d’achat face à la hausse des prix et la faiblesse des salaires, devant tous les autres partis, y compris ceux de gauche. Nous devons absolument, à partir de ces résultats et de cette donnée, modifier notre représentation de cet électorat, comprendre comment l’illusion du côté social de Lepen fonctionne et interroger et renforcer notre syndicalisme dans notre lutte contre l’extrême droite.
Un fort taux d’abstention de 26 % représentant presque 13 millions de voix. Celui-ci est sans nul doute un marqueur fort de la crise politique et sociale que nous vivons et du manque de confiance totale envers les politiques menées que ce soit sous un gouvernement de droite comme de gauche. L’augmentation croissante des inégalités et l’incapacité à répondre aux attentes de la population ont abouti à un désintérêt et/ou une défiance vis-à-vis de la politique de manière générale. Notre organisation syndicale comme l’école ont un rôle à jouer dans l’apprentissage de la démocratie et la citoyenneté. L’abstention est un fléau pour notre démocratie mais elle est aussi un signal d’alerte pour les partis politiques comme pour nos organisations syndicales, notamment dans le cadre des élections professionnelles à venir.
Une remise en cause des partis dits traditionnels. Nous avions pu constater un effondrement du parti socialiste en 2017, qui continue de chuter, puisque le PS perd encore 1,6 millions de voix au premier tour une grande partie de l’électorat s’étant reportée sur LREM. Sur cette élection, même si nous pouvions nous attendre à une chute chez LR, puisqu’ une partie s’est reportée sur Macron, LR a tout de même perdu 5,5 millions de voix et passe en dessous des 5%. Je ne pleurerai pas sur le sort de Valérie Pécresse mais cela montre d’une part, s’il le fallait, que LREM se situe bien à droite sur l’échiquier politique, d’autre part une recomposition du paysage politique pour la présidentielle qui nous cantonnerait autour de 3 blocs gauche dans toute sa diversité, droite tout aussi diverse et extrême droite ? Cette recomposition politique interroge de fait ce qui peut se jouer dans la période à venir, avec les différentes alliances qui peuvent avoir lieu LREM/LR ou LR /RN, mais aussi ce qui peut se construire ou non sur plusieurs années dans le camp progressiste de gauche.
Enfin pour nous mettre dans une autre dynamique une gauche à plus de 30% dès le premier tour ce qui est non négligeable, avec un report de voix sur la candidature la mieux placée, qui totalise à elle seule 22%. L’enjeu étant pour nombre d’électeurs de qualifier la gauche au second tour afin de ne pas avoir à faire face à un deuxième duel Macron/Lepen. Celui-ci était par bien des aspects plus dangereux qu’en 2017, et s’il fallait le prouver encore une fois les politiques actuelles qui accroissent les inégalités font le terreau du vote d’extrême droite notamment. Cette campagne de la présidentielle à gauche doit être analysée sous tous ses aspects désaccords, querelle d’appareils, rejet d’une politique de gauche d’accompagnement, mais au final une volonté commune d’agir socialement, économiquement, écologiquement pour le peuple dans l’intérêt de tous et toutes, et contre le système libéral dans lequel nous sommes enfermés depuis de trop nombreuses années . C’est bien cette volonté que JLM met en avant lors du lancement de la NUPES « nous posons un acte de résistance collective à une ère de maltraitance sociale, écologique et démocratique » qui a permis d’engager les discussions entre les différents partis de gauche et de les faire aboutir à un accord entre PS, PC, EELV et LFI. L’enjeu est bien de pouvoir disposer à l’assemblée de la majorité ou en tous cas de disposer du plus grand nombre de députés permettant un rapport de force différent. Il est actuellement très compliqué de se projeter sur des scénarii possibles, et les semaines à venir vont être déterminantes : choix du nouveau gouvernement, campagne etc…. Ce qui est certain c’est que la NUPES inquiète le président de la république, la droite, l’extrême droite et d’autres anciens ténors du PS par exemple, nous ne pouvons qu’en conclure que tout est possible et que l’orientation choisie est la bonne.
Cette nouvelle dynamique doit être prise comme une possibilité de peser sur les politiques à l’œuvre depuis des décennies, elle doit pouvoir redonner de l’espoir aux militants, à nos collègues. Mais elle ne doit pas non plus nous aveugler, quelle que soit l’issue des législatives nous devrons continuer de mobiliser la profession à court, moyen et long terme et porter nos revendications sur un champ large mais aussi sur notre champ spécifique. La FSU, le SNEP FSU doivent continuer de maintenir la pression, d’interpeller les candidats, les présidents de groupe lors de cette campagne, nous avons plusieurs sujets d’envergure à traiter retraites, salaires, LTFP, Ecole, 4 heures d’EPS et politique sportive. Toutes nos expressions sont à inscrire dans le cadre des élections professionnelles à venir et nous devrons être vigilants sur les expressions qui nous engagent sur la durée.
Même si la NUPES venait à remporter une majorité à l’Assemblée, il serait de notre responsabilité de continuer de porter nos revendications et surtout ne nous imaginons pas une situation facile. Celle-ci serait une situation de cohabitation avec un programme présidentiel à l’opposé de toutes nos revendications et Macron continuera de le porter. Les alliances qui pourront émaner à droite sont à prendre en compte. Nous avons un enjeu majeur de reconstruire un rapport de force efficace, aucune des dernières mobilisations hormis celle du 13 janvier n’a été suivie massivement. Même sur la question des salaires alors que celle-ci est centrale chez les enseignants. Nous nous posons éternellement la question du pourquoi, nous savons que la réponse est multi factorielle mais nous mettons régulièrement en avant la question du rouleau compresseur et du fatalisme, maintenant qu’une porte s’entrouvre saurons nous mobiliser y compris pour les élections législatives ? L’activité syndicale que nous déploierons auprès des collègues (stages, HIS) pour porter nos revendications sera déterminante.
Les projets de Macron pour les services publics et la fonction publique sont très inquiétants, et la nomination d’Elizabeth Borne comme première ministre est un très mauvais signal vu son parcours antérieur. Ce qui tient à cœur de toute la droite libérale c’est de détruire les services publics restants c’est-à-dire l’hôpital et l’Ecole. Ils peuvent y porter atteinte par plusieurs biais : diminuer les investissements, casser le statut des agents qui y travaillent – ce qu’ils ont déjà commencé à faire -, pourrir le système de l’intérieur pour qu’il ne fonctionne plus. La non-anticipation de la baisse structurelle du nombre de candidats aux concours en dehors du problème de l’attractivité en est un exemple. Avancer que le système n’est pas le bon pour le modifier en profondeur : salaire au mérite, concours académique ou suppression concours sont autant de pistes déjà avancées par LREM, LR lors de la campagne. Les annonces sur les rémunérations au mérite, les attaques concernant les profs qui travailleraient plus que d’autres veulent faire fi de toute la conception « égalitaire » de la fonction publique de carrière, la mise en concurrence est le maître mot de ce gouvernement. Le nouveau pacte enseignant qui faisait partie du programme LREM sera nécessairement une nouvelle attaque contre le statut. Toutes nos revendications sur ce sujet, nos analyses doivent pouvoir être portées auprès de nos collègues, car ne nous leurrons pas les idées néo libérales ont aussi fait le chemin dans la tête de nos collègues. Les questions statutaires devront être traitées sous le prisme de la loi TFP, qui continue de s’appliquer progressivement, et qui on le constate malmène l’égalité, la transparence et l’indépendance du fonctionnaire. Nous devons continuer à porter fortement l’exigence de son abrogation.
Les questions à venir du collège sur lequel nous aurons une séquence lors de ce CDN doivent être largement anticipées il est essentiel de cerner la vision que le gouvernement a du collège et ce qu’il souhaite en faire, un collège qui différencie tôt, un collège qui va trier et qui revient sur le collège unique. Un collège unique qui ne marche pas bien certes mais pourquoi ? parce que les profs ne sont pas bons ou parce que les moyens attribués ne permettent pas de fonctionner ? Ces questions doivent être traitées au même titre que celles de la voie professionnelle, qui, sujette au dénigrement de toute part et faute de mobilisations importante pour la défendre, risque de disparaître au profit de l’apprentissage pour devenir une voie formant simplement une main d’œuvre à bas coût pour une employabilité immédiate et précoce
Dans les projets qui se dessinent pour l’Ecole il y a aussi le recrutement par les chefs d’établissement, la mise en place du dernier pan de la réforme de la formation, le renforcement de l’autonomie, l’usure professionnelle dans le cadre des retraites autant de sujets à traiter et contre lesquels il faudra mobiliser si nous ne voulons pas de dégradations irréversibles.
La question des 2 heures de sport au collège nous revient spécifiquement. Le SNEP FSU peut se féliciter d’avoir porté à travers toutes ses actions l’idée de la nécessité d’augmenter le temps de pratique physique à l’école de manière générale. La période de confinement et les différentes études qui ont été produites nous ont aidé à faire valoir notre projet, mais il nous faut maintenant transformer l’essai. Le transformer car les « bouger 30 minutes par jour » ou la proposition des deux heures de sport de plus au collège doivent être basculées sur le temps de l’EPS. D’une part parce que semblable à l’accompagnement éducatif, cela risque d’être très inégalitaire sur l’ensemble du territoire (il suffit d’en reprendre le bilan), d’autre part parce que cela risque de concurrencer l’association sportive et le point le plus important c’est la nécessité que ces 2 heures s’adressent à l’ensemble des élèves, il n’y a donc que par l’EPS que cela peut passer et le SNEP FSU est la seule organisation syndicale à même de porter ce sujet.
Evidemment ce ne sont que quelques points pour dresser un tableau peu reluisant de l’actualités mais à bien y regarder cette introduction est aussi porteuse d’espoir parce qu’entre l’élection présidentielle et les élections législatives le paysage politique s’est modifié et peut redonner de l’espoir à la gauche progressiste soucieuse de plus de justice sociale et environnementale. C’est un chemin que le syndicalisme de transformation sociale devra aussi emprunter. C’est le projet de la FSU qui devra se concrétiser pour augmenter encore le rapport de force. Nous le savons déjà, des dossiers majeurs nous attendent dès la rentrée et nécessiteront la mobilisation de toutes et tous. Il s’agit de la question salariale dans laquelle il faudra bien veiller à ne pas se faire enfermer dans des questions de pouvoir d’achat. Le dégel de la valeur du point d’indice et le rattrapage des pertes subies sans aucune contrepartie doivent être notre boussole. Il s’agit ensuite de la question importante du projet de recul de l’âge légal du départ en retraite. 64 ou 65 ans dans un contexte où le temps de retraite en bonne santé se réduit, où il existe 5 millions de chômeurs qui nécessiterait un partage plus important du travail, où le maintien dans le travail des seniors est fragilisé… le travailler plus, plus longtemps est à rebours de toutes les évolutions sociales et sociétales. C’est un projet dangereux et rétrograde qui continue à considérer les retraités comme un coût pour la société sans considération aucune pour ce qu’ils apportent. Ce projet est à combattre avec fermeté pour le bloquer et dans le même temps pour arracher de nouveaux droits.
Cette première séquence de débat général doit pouvoir faire l’objet de discussions autour de quelques points comme
Quelle Appréciation du contexte ?
Quelle activité autour des élections législatives ?
Quelle activité du SNEP pour continuer de maintenir la pression avec les collègues, quelles mobilisations en amont, en aval ?