La période dans laquelle nous nous trouvons au moment de ce CDN est bien sûr marquée par la guerre en Ukraine. Tenter de comprendre cette invasion russe en Ukraine nous entraine dans la complexité géopolitique entre les tensions provoquées par un expansionnisme de l’OTAN, les intérêts économiques qui poussent les grandes puissances à tenter d’avoir l’Ukraine dans son giron compte tenu des ressources de son sous-sol mais aussi des ressources agricoles, l’Ukraine a toujours été considéré comme un des greniers à blé de l’Europe, une histoire au cours de laquelle l’Ukraine faisait partie de la Grande Russie et d’une évolution marquée par une fracture entre pro-russe et pro-europe, la velléité de Poutine de reconstruire cette grande Russie… En tout état de cause, cette guerre, cette invasion à cause multiple n’a qu’un seul responsable : Vladimir Poutine.
De nombreuses mobilisations contre la guerre, en soutien du peuple Ukrainien mais aussi du peuple russe contestataire et durement réprimé se déroulent dans le monde, en Europe et en France. Le monde du sport, de la culture, des scientifiques se mobilisent également, ce qui n’est pas anecdotique parce que ça n’arrive pas si souvent… Comme à chaque conflit, ce sont les populations civiles qui en souffrent. Des milliers de morts, des millions de personnes jetés sur les routes pour fuir la guerre, des besoins vitaux (eau, nourriture, médicaments, matériel de soin…) qui ne peuvent plus être satisfaits dans les zones de combat… La solidarité internationale s’organise. Au plan syndical, la CGT, Solidaire, CDFT, UNSA, CFE-CGC et la FSU travaillent à l’organisation d’une collecte voire d’un convoi humanitaire dans les quinze premiers jours d’avril. Un des buts est également le soutien des organisations syndicales Ukrainiennes. Les formes doivent encore être discutées notamment lors de la prochaine réunion du 1er avril. Nous vous tiendrons bien évidemment informés de ce qui sera en définitive retenu.
De nombreux débats et prise de position se font jour entre et au sein des différentes organisations sur le type d’aide à apporter à l’Ukraine. Ce qui fait débat et clive essentiellement est la question de savoir si oui ou non, il nous faut participer de l’armement de l’Ukraine pour les aider dans leur défense. Fournir des armes n’est-ce pas participer d’une surenchère belliqueuse quand l’exigence de paix prime ? lors de son CDFN de la semaine dernière la FSU a adopté la position suivante : « La FSU défend la paix et milite pour une solution dans le cadre multilatéral de l’ONU, qui passe par un retrait immédiat des troupes russes du sol ukrainien et le retour à la diplomatie afin de dégager une solution respectueuse des droits des peuples et du droit international. Celui-ci n’est pas à géométrie variable : les crimes de guerre doivent être dénoncés où qu’ils soient perpétrés. La FSU milite pour une politique d’accueil de tou·te·s les réfugié·e·s, loin des considérations nauséabondes laissant entendre la possibilité de choisir, parmi les personnes qui fuient des pays en guerre, celles qui mériteraient plus que d’autres d’être accueillies dignement ».
La diplomatie doit prendre le pas sur les armes mais cette diplomatie ne peut souffrir d’images désastreuses comme celle d’un président Macron s’affichant mal rasé avec un sweat de commando parachutiste… l’image d’un « va-t’en guerre » qui ne milite guère pour l’apaisement…
Est-il judicieux, dans le contexte économique et social que nous connaissons et alors que nous sommes dans le peloton de tête des pays exportateur d’armes, d’annoncer une augmentation du budget des armées quand bien des besoins sociaux ne sont pas couverts ?
Cette guerre aux portes de l’Europe a des retombées conséquentes pour notre pays. Dans un contexte d’inflation déjà présent, le prix des matières première explose et notamment celui du gaz et du pétrole. Après le COVID et maintenant la guerre, le modèle basé sur le libéralisme économique, la mondialisation, le capitalisme financiarisé montre toute ses limites en rendant les pays dépendant les uns des autres. Les crises font exploser ces systèmes et posent crument la nécessité de changer de modèle pour une indépendance énergétique, industrielle, alimentaire…
Si la guerre remet l’ensemble de ces questions sur le devant de la scène, les mouvements de populations et l’explosion des coûts des matières premières ne sont pas de son seul fait. Sécheresses, inondations, épisodes climatiques sont des causes non négligeables. L’actualité de la guerre a éclipsé le dernier rapport du GIEC et les impacts du changement climatique. Pour y répondre, là aussi s’impose une rupture avec le modèle économique et social en vigueur. C’est dans cette perspective qu’a eu lieu la marche pour le climat du 12 mars et que se construit une nouvelle marche vers le 9 avril prochain.
Après le « nous sommes en guerre » d’Emmanuel Macron lors de la pandémie qui avait occulté toutes les autres questions et débats et occupé tout l’espace médiatique, la guerre en Ukraine nous prive des débats essentiels pour les échéances électorales à venir. Les conséquences sur le débat public sont importantes et masquent ce qui est au cœur des préoccupations des Français, les inégalités, les salaires, les services publics, le climat et ce, au bénéfice d’un Macron qui se met en scène dans un but électoraliste.
Les programmes se font jour et nous aurons à nous exprimer avant le premier tour de ces élections et très probablement avant le second. Dans le bulletin à venir, nous avons tenté d’extraire les points saillants des différents programmes des candidats (pas tous) mais le moins que l’on puisse dire c’est que les programmes correspondant à nos valeurs internationalistes, de paix et de justice sociale, d’école émancipatrice et démocratique… ne sont pas bien nombreux.
Dans une stratégie électoraliste et pour reprendre la main sur un calendrier national, le gouvernement par la voix d’Amélie de Montchalin, à la veille de la mobilisation interprofessionnelle pour les salaires du 17 mars a annoncé sa volonté de dégeler la valeur du point d’indice à l’horizon de l’été 2022. Macron a bien précisé tout de même que ce dégel se ferait s’il était réélu en disant par ailleurs, ce qui peut interroger sur le sens : « Il faut rebattre les cartes de l’organisation de la rémunération de la fonction publique. Le cloisonnement des rémunérations entre catégories A, B et C, n’est plus adapté à la réalité » … Même si on doit faire crédit de nos mobilisations pour que ces questions soient évoquées, ces réponses ne sont pas de nature à rassurer.
Le jour même de cette mobilisation a été choisi par le président candidat pour annoncer son programme. Un programme qui nous promet bien des larmes et des souffrances s’il devait passer. Au-delà de la retraite à 65 ans, il a profité de cet exercice pour dévoiler son programme éducatif et réglé ses comptes avec les enseignants qu’il juge fainéants et incompétents. Il promet de les faire travailler plus s’ils souhaitent une revalorisation salariale. Il proposerait de nouveaux contrats (et il parle bien de contrat notamment pour les nouveaux, les mots sont importants) avec une rémunération au mérite basée également sur la transparence des résultats classe par classe qui permettrait aux parents de juger du travail enseignant, de leur méthode, de leur pédagogie en comparant avec d’autres…
Une réforme, un changement de modèle qui serait territorialisé avec un renforcement du rôle de manager à la sauce libérale du chef d’établissement qui jouerait un rôle dans le recrutement des enseignants et ce pour que ces derniers adhèrent au projet dans le but de lutter contre l’absentéisme. Il souhaite également réformer l’enseignement professionnel en annonçant : « On va planifier les besoins de compétences en les territorialisant et faire évoluer l’offre de formation ». Les lycées professionnels seront davantage ouverts à l’apprentissage et aux entreprises locales. « On va changer la logique des formations ». Pour aller jusqu’au bout de la logique, les responsables du projet pour l’enseignement professionnel lors d’une rencontre avec le SNUEP-FSU, ont laissé entendre que ces enseignements quitteraient le giron de l’Education nationale pour se rapprocher du ministère du travail.
Toutes les vieilles lunes de la droite, expérimentées pour la plupart, sont ressortis et on assiste à une attaque frontale de notre système éducatif doublé de propos méprisant et insultant envers les enseignants. La différence avec ces anciens projets de la droite c’est que si Macron est réélu, ces propositions ont de très fortes probabilités d’être mises en œuvre dans le cadre d’une méthode que nous avons éprouvé lors de ce quinquennat, à savoir dans un dialogue dont les syndicats seraient écartés style conférence de consensus, grand débat etc.
Macron semble avoir fait le deuil du vote enseignant mais veut jouer les parents, les réactionnaires contre eux pour assoir son projet grâce aux urnes. Après le discours du président/candidat, le sentiment que ses équipes de campagne découvraient le programme en même temps que les journalistes était fort. En témoigne, dès la fin de son discours, le message de Julie Benetti (que les corses connaissent bien puisqu’elle était rectrice) chargée du programme éducation de Macron qui a demandé à rencontrer la FSU pour donner des explications et tenter de déminer… Ce rendez-vous auquel j’assisterai se tient ce soir à 17h.
Le moins que l’on puisse dire c’est que son programme ne répond pas aux aspirations et aux préoccupations des Français. Un dernier sondage CEVIPOF/Le Monde montre qu’à l’heure actuelle les préoccupations sont le pouvoir d’achat, la guerre en Ukraine (ce qui explique aussi l’important taux dans les sondages de Macron), l’environnement, la santé, l’immigration, les retraites… Le système scolaire n’arrive lui qu’en douzième position… Si nous sommes parvenus à faire en sorte que les questions salariales et les questions d’éducation prenne une place importante dans les débats des candidats, il y a encore du chemin à parcourir pour que ce soit une préoccupation des Français.
Pour vous donner des chiffres en essayant de ne pas vous noyer, ce sondage montre l’existence d’encore au moins 25 à près de 30% d’abstentionnistes et des intentions pour le premier tour qui vont vers Macron pour 29%, le RN 16%, Zemmour 13% et LFI 12%. On y voit que des électeurs de droite se détourne de Pécresse pour s’orienter vers Macron, une partie des lepenistes vont vers Zemmour, que les intentions de vote pour Mélenchon augmentent passant de 39% à 48% parmi ceux qui ont voté pour lui en 2017.
Sur le vote des fonctionnaires, un sondage IFOP, tant que nous sommes dans les sondages, est assez éclairant et par certains aspects alarmants. Macron recueillerait 24,5% des suffrages (27 pour la catégorie A, 25 pour la B et 20 pour la C), Le Pen 17,5 (dont 12% en A, 18% en B et 14% en C), Zemmour 12,5% (7% en A, 16% en B, 14% en C) et Mélenchon 11.5% (dont 11% en A, 10 en B et 14 en C).
Dans la seule Fonction Publique d’Etat 23% pour Macron, 17% pour Le Pen, 13% pour Zemmour et 12% pour Mélenchon. Je ne vous donne pas tous les résultats mais dans la catégorie A de la Fonction Publique d’Etat le trio de tête est constitué par Macron, Pécresse, Le Pen…
Dans ce paysage, rien de particulier n’est dit sur les enseignants mais fort de 800 000 personnels dont une majorité est plutôt de sensibilité de gauche, leur poids peut être déterminant si l’appel aux urnes est entendu. J’espère que le projet d’E. Macron va y aider…
Sur nos problématiques particulières, sport et EPS, on voit le résultat de nos mobilisations et de notre travail de lobbying. Tous les candidats ou presque prône dorénavant la nécessité d’augmenter le sport à l’école. Là où le bât blesse c’est que rien n’est dit réellement sur ce qui est entendu par là. Toutefois, on sait que ce qui est porté par certains (comme LAREM) c’est de rapprocher le fédéral de l’école ou d’autres comme le PC qui se projette sur une augmentation des horaires EPS.
Face à un contexte qui efface un peu trop les problématiques sociales, sociétales, environnementales vécues par nos concitoyens, la FSU a débattu de la posture à adopter. Fallait-il un temps « oublier » nos revendications compte tenu du contexte de guerre qui aurait pu nous caractériser comme « en dehors du temps et du monde » ou au contraire continuer à porter l’ensemble de nos revendications en faisant la démonstration que cette guerre, nouvelle crise internationale, révélait également les problèmes d’un modèle à bout de souffle. Confronté au mal vivre, aux difficultés quotidiennes, à un pouvoir d’achat toujours sur le recul, à une société de plus en plus clivée, à une protection sociale attaquée, à un modèle de société de type startup nation qui ne profite qu’à quelques-uns, la FSU a choisi de continuer le combat et à mettre dans le débat public l’ensemble des questions qui la traverse. Le 8 mars, journée de mobilisation pour les droits des femmes, pour l’égalité, a été l’occasion de porter les revendications pour l’égalité professionnelle et salariale, pour la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Le 17 mars devait être un nouveau point d’étape sur ces revendications salariales. Même si elle a été bien en deçà des nécessités, elle a été totalement éclipsée par les annonces de Macron. Toutefois ces revendications pour le pouvoir d’achat se poursuivent dès aujourd’hui avec une grande mobilisation à l’appel du Groupe retraité des 9. La lutte pour la protection sociale, pour le 100% sécu (sur lequel, la FSU est en phase de construction d’une initiative), la revalorisation des pensions et des retraites, contre le projet de recul du départ d’âge en retraite à 65 ans. Il s’agit là non pas d’une manifestation « retraités » mais bel et bien d’une mobilisation intergénérationnelle qu’il nous faut réussir. La tenue de notre instance et l’ordre du jour bien chargé ne nous permettra malheureusement pas de rejoindre le cortège mais nous organiserons lors de ce CDN un petit temps photo pour afficher notre soutien plein et entier à cette mobilisation.
Se mobiliser est important pour espérer gagner sur des revendications et contrairement à ce qu’on peut penser parfois, nous gagnons. J’en veux pour preuve les actions entreprises par les STAPS avec le SNEP qui ont permis d’aboutir au déblocage de 5 millions d’euros spécifiquement fléchés. Ce n’est pas rien et il faut montrer aux collègues sur la base de cet exemple que les choses sont possibles.
Pour terminer ce topo rapide, il y a nécessité ici que nous nous mandations pour un accord de méthode concernant la PSC dans son volet prévoyance. A l’heure de l’écriture de ce topo, nous ne disposons pas de l’accord définitif et l’enjeu pour la FSU est de raccrocher la complémentaire et la prévoyance. Il s’agit à l’étape actuelle d’une signature sur la méthode qui sera employée et non sur le fond du dossier sur lequel nous aurons, après la phase de négociation, à nous prononcer. Sébastien nous fera rapidement un tour d’horizon pour que nous puissions très rapidement donner la position du SNEP.
Sur le débat qui va suivre, compte tenu des appréciations et analyses que vous faites des différents programmes et des différentes annonces, quelle expression doit construire le SNEP-FSU avant le premier tour et surtout quelle activité mener auprès de nos collègues (et sous quelle forme) pour y répondre ?
Comment analysez-vous la situation actuelle et les retombées et quelle activité développer ? Ces analyses peuvent bien sûr se baser sur des exemples de politiques menées dans les territoires. Je pense notamment au job dating de l’académie de Toulouse pour recruter une centaine de contractuels dans l’éducation compte ou encore le rectorat de Nancy-Metz qui va expérimenter des postes à profil, pour un enseignement à distance… Nous avons là des illustrations des impacts de la politique Blanquer/Macron qu’il nous faut aussi utiliser dans nos communications.