États Généraux de l’EPS : Quelle EPS pour quelle École ? Fédérations sportives et EPS, comment travailler ensemble ?

Le 8 décembre 2023, les États généraux de l’EPS ont permis à des acteurs et actrices des mondes politique, institutionnel, syndical, sportif et universitaire de débattre autour de la question des liens entre l’école et le sport civil et de la fonction de l’EPS au regard des enjeux

Table ronde animée par Andjelko Svrdlin

Invité·e·s :

  • Jean-Marc SERFATY, Inspecteur Général d’EPS, GESR, Référent Ministériel aux Jeux Olympiques et Paralympiques Paris 2024. Inspecteur Général de l’Éducation, des Sports et de la Recherche.
  • Bernard GROSGEORGE, Fédération Française de Basket, Diplômé de l’INSEP ; docteur en sciences du sport (Poitiers, 1992) ; ancien professeur d’éducation physique à l’INSEP. Ancien entraîneur national, responsable de la préparation physique au Pôle France basket-ball à L’INSEP.
  • Sandrine RABAUD, Directrice Technique Nationale Adjointe, Fédération Française Handisport.
  • Aurélien PICHON, Professeur des Universités, Président de la Conférence des Directeurs et Doyens d’UFRSTAPS (C3D).
  • Coralie BÉNECH, Professeure d’EPS, Co-Secrétaire Générale du SNEP-FSU.

AS : Comment les un·es et les autres, vous voyez la place, la fonction, le rôle social, éducatif, de la discipline scolaire EPS au regard de l’ensemble des enjeux, au sein de l’école ? Quelle relation voyez-vous entre l’école et ce qu’on appelle le sport civil ? En faut-il déjà et si oui, lesquelles ?

Jean-Marc SERFATY :

D’abord merci pour l’invitation. Je crois que c’est important que l’inspection générale d’éducation physique et sportive, enfin, qui n’est plus l’inspection générale d’éducation physique et sportive, mais l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, soit présente à ce temps de discussion, qui est un temps important. Ce qui nous intéresse en premier chef, c’est-à-dire le sujet, c’est-à-dire la mission pour laquelle nous œuvrons au quotidien, c’est le devoir d’accueillir tous les enfants. Un enseignement qui s’appelle éducation physique et sportive et qui permet à tous les élèves de France, donc du coup, dans l’école de la République, de vivre un temps sportif qui veut être aussi un temps éducatif et qui, selon les propositions et les contextes, va vivre de manière très différente. Et derrière, il y a un temps péri et extrascolaire qui permet de faire vivre de l’éducation populaire et du sport de clubs et de fédérations.

Donc, en fait, il faudrait regarder les choses, non pas de manière isolée, mais dans un contexte beaucoup plus large. Et en considérant que les un·es et les autres, nous avons à servir le développement moteur, physique et social de l’enfant, qui nous est confié. Il y a des enjeux de continuité, de complémentarité éducative et non pas d’opposition, comme on a tendance à le laisser dire parfois, en opposant le sport et l’EPS, les loisirs sportifs, marchands ou l’activité physique, pour n’en citer que 4. Ce qui différencie, en premier lieu, justement l’EPS du club sportif, c’est que les élèves accèdent à un droit. C’est à la fois l’accès au droit, avec la démarche de qualité, qui est imposée à celles et ceux qui vont encadrer cette EPS. Elles·ils trouvent du plaisir, elles·ils trouvent les moyens de progresser et elles·ils trouvent les moyens de s’installer socialement dans un groupe, qui est celui de la classe. Dans un premier temps, pour aller chercher la quête de l’émancipation scolaire à terme, et pouvoir continuer à inscrire dans sa vie physique et sociale une place réservée à sa vie physique et sociale sportive. Il faut rappeler que l’EPS, c’est le 3ème enseignement en termes de volume horaire.

Enfin, on peut aussi se dire que l’EPS à l’école dépasse les simples apprentissages moteurs. Une situation d’apprentissage dans un cadre scolaire, dans une forme de pratique scolaire, installe, de fait, des coopérations et des collaborations entre les élèves. Les rôles sociaux qui mettent en avant, dans le cadre d’une EPS « soclée » des compétences méthodologiques et sociales qui sont liées aux apprentissages. La dimension motrice est accompagnée d’une révélation des savoirs méthodologiques et sociaux, qui lui sont associés dans l’organisation même de son apprentissage. L’enseignement qui va lui permettre, au-delà de développer des compétences motrices, d’accéder potentiellement à une culture sportive. La question qui se pose, c’est nourrir le sujet ou nourrir l’objet ? Nous avons aujourd’hui une discipline d’enseignement qui nourrit un sujet pour l’aider à faire des choix pour lui-même. En s’inscrivant dans une démarche de qualité, mais qui est liée à des objets et des décisions que nous ne maîtrisons pas aujourd’hui, c’est-à-dire à la fois la mise à disposition d’installations sportives de qualité. Ou des effectifs qui permettraient de garantir un enseignement de qualité.

Concernant la deuxième partie de la question, il faut se rappeler que les clubs font partie de la vie de la Communauté. Rien n’interdit dans le champ de l’association sportive de viser d’autres objets qui sont liés au contexte propre de l’établissement, et y compris pouvoir répondre à des enjeux de santé publique, de sécurité publique. Mais il faut se dire que nous ne défendons pas les mêmes finalités. Nous ne visons pas les mêmes objectifs, entre le monde du sport et le monde de l’école, et c’est bien normal. Et tant mieux. Nous enrichissons les un·es et les autres le parcours des élèves, à la condition que tout cela soit bien organisé. Aujourd’hui, avec les Jeux Olympiques, l’EPS est bousculée par le sport. Le sport fédéré, l’éducation populaire, tout cela contribue à la construction de ce parcours sportif et doit être enrichi au fil de l’eau.

Sandrine RABAUD :

Je ne veux surtout pas porter le message du ministère des Sports ou de tou·tes les professeur·es de sport. Je veux surtout porter mon message. J’ai un socle commun dans ma formation, qui j’insiste sur ce fait parce que je pense qu’aujourd’hui ce n’est pas le cas des nouvelles·aux professeur·es de sport, et c’est ce qui amène aussi des divergences. La·le professeur·e de sport n’a pas toujours la même culture et donc ça amène des concurrences, ça amène des visions différentes et ça amène quelquefois des confusions. Je veux porter un discours aussi de quelqu’un qui a été entraîneuse d’équipe de France dans une fédération sportive, qui ensuite a eu un parcours dans un service déconcentré, donc avec une autre vision de l’écosystème des associations sportives et des fédérations sportives, mais aussi du monde scolaire. La Fédération Française Handisport est issue d’un mouvement de défense, d’un ou d’accompagnements des publics en situation de handicap, pour les amener à avoir peut-être les mêmes droits qu’un public valide.

Je pense qu’aujourd’hui dans les fédérations, et au sein du mouvement sportif, on se questionne sur la continuité éducative. Je vois le lien entre l’EPS et les pratiques en fédération, avec une idée que le PS est l’élément starter, qui va donner envie à certain·es d’aller ensuite pratiquer un sport et peut être à d’autres de ne pas y aller du tout, pour aller vers d’autres activités. C’est de se dire qu’on donne goût. L’idée de littératie physique, qui vient des pays anglo-saxons, nous dit qu’il faut construire l’ individu·e pour qu’elle·il soit lettré·e physiquement. Eh bien, cette notion de littératie physique, arrive dans la pensée du ministère des Sports et elle arrive dans la pensée des fédérations sportives, et je trouve que c’est une avancée.

Peut-être que le monde de l’EPS n’a pas encore eu l’occasion d’aborder des contenus vraiment spécifiques comme la Boccia, pour les publics en situation de handicap physique, comme toutes ces pratiques un peu spécifiques. Je pense qu’une fédération comme la nôtre pourrait être en accompagnement d’enseignant·es. Certain·es de vos collègues sont accompagné·es par mes collègues de la fédération. Le dernier point sur lequel je voudrais témoigner, et c’est ce qui a un petit peu questionné lors de nos échanges entre la FFH et le SNEP-FSU. Il faut quand même bien entendre que les sportif·ves en situation de handicap ne sont pas pour l’inclusion à 100 %. Il faut aussi, de temps en temps, penser que les publics peuvent aussi avoir envie de pratiquer « entre soi ».

Aurélien PICHON :

Je vais essayer d’évoquer certains sujets qui concernent la C3D STAPS, la formation bien entendu. Et puis comment nous, on peut voir la formation des futur·es professeur·es d’EPS ou la formation des futur·es entraîneur·euses, pour travailler en synergie. L’héritage des JO sur peut-être l’accompagnement et la promotion des différentes valeurs de l’olympisme, le respect, l’amitié, l’encouragement, le leadership et cetera, enfin l’égalité, l’inspiration, le courage. On est plutôt sur la vision d’une formation d’un·e professeur·e d’EPS qui va être un·e contributeur·rice, bien entendu, des apprentissages disciplinaires, mais aussi des apprentissages transversaux.

Il faut aussi développer les infrastructures sportives. Il faut qu’elles soient accessibles à tous·tes, et qu’on puisse mutualiser ces infrastructures sportives à tous les moments. Je pense qu’aujourd’hui, on a un déficit d’accès aux infrastructures sportives.

Concernant la pratique et l’adaptation des modes d’entrée pour maintenir une motivation chez l’élève, il est vraiment déterminant aujourd’hui de ne pas rester sur des standards, on va dire historiques. Il y a la nécessité de féminiser les pratiques en EPS.

Puis, nous avons une position sur la promotion de la pratique et les 30 min d’APQ (Activité Physique Quotidienne). Ces pratiques ne doivent pas se substituer à l’EPS. Il faut qu’on renforce la formation des professeur·es des écoles.

Nous sommes pour la promotion, dans nos formations à l’extérieur, du sport partagé, du sport coopératif, du sport compétitif, parce que c’est aussi l’objectif de l’école de permettre à tout le monde de fonctionner en société. 

Être celle·celui qui va promouvoir la santé chez les élèves, qui va peut-être être en capacité demain d’évaluer sa condition physique à plusieurs âges, de façon à pouvoir suivre son développement et on espère inverser la courbe aujourd’hui, de l’inactivité physique et de la sédentarité, qui conduit à des concessions physiques chez les élèves qui sont relativement dégradées. Donc, peut-être que ça peut être un sujet de réflexion que de dire quelle est la place de la·du professeur·e d’EPS demain, dans la promotion de la santé et dans le suivi de cette santé.

Le lien avec la section sportive peut assurer la mobilité des élèves. 

Bernard GROSGEORGE :

Je représente la Fédération Française de Basketball et ce qui m’interroge toujours, c’est quels sont les rapports ou les meilleurs rapports possibles entre ce qui est de l’éducation physique pour tous·tes et pour tout le monde et périscolaire, voire hors-scolaire. Les contextes socioculturels déterminent la nature de ces rapports entre ce qui est du ressort de l’obligatoire, et ce qui est du ressort de l’optionnel. Avant, il y a eu de très grand·es professeur·es d’éducation physique qui sont venu·es de grand·es expert·es en préparation physique et dans le sport. Aujourd’hui, ça n’existe plus ou beaucoup moins. Ensuite, il faut aussi retenir en toile de fond le fait que les contextes économiques déterminent les pratiques dominantes. Je peux penser par exemple aux 3 contre 3 en basket. Alors pourquoi ça a fonctionné cette affaire-là ? Je pense que l’offre de la FIBA sur le 3 contre 3 a été une offre intelligente, et qu’elle peut influencer des rapprochements entre le monde de l’école et le monde du sport. Nous sommes devant des exemples d’un format de jeu intéressant. Ce qui importe, c’est le jeu, parce que quand le jeu est fini, on passe à autre chose, ce n’est pas une compétition.

Par ailleurs, la dimension qui a changé le plus, c’est la vitesse. Quelle place, on va accorder à la parole au sport dans ce cadre-là, et on se rend compte que finalement, quand les choses vont très vite, moins on parle mieux c’est. Alors même pour l’éducation physique obligatoire, on rentre dans quelque chose qui fait partie du sociétal aujourd’hui. Les sports interpénétrés dégagent forcément de fortes connotations sociales et socialisantes. Donc, il faut aller dans cette direction, mettre en valeur les sports collectifs interpénétrés. 

Les joueur·euses, quel·les qu’elle·ils soient, quelles que soient leurs structures dans lesquelles ils pratiquent, vont pouvoir trouver des solutions, donc donner de l’espace, ça donnera du temps et ça donnera de la réussite. Et si on donne de la réussite, il y aura de la motivation.

Coralie BÉNECH :

Je vais rappeler un certain nombre de choses que j’ai reprises dans les programmes. Comment l’EPS sert de manière générale l’élève, comment il s’insère dans la culture commune ? « L’EPS vise à former par la pratique physique, sportive, artistique, un·e citoyen·ne épanoui·e, cultivé·e, capable de faire des choix éclairés et responsables pour s’engager de façon régulière, autonome et pérenne dans un mode de vie actif et solidaire. » On peut se dire que quoi qu’il arrive, notre discipline est originale de par son objet, la culture sportive et de par le moyen par lequel on accède à cette culture sportive, c’est notre corps et en ça, c’est la seule discipline qui aujourd’hui utilise ce moyen, le corps. Et donc en ça, elle est très spécifique et avec tous ces objectifs, avec cette finalité, avec cet objet original, on pourrait se dire que finalement, on n’a pas du tout à être inquiet·ète, pour l’avenir de nos disciplines. Je rappelle que pendant la crise COVID, le seul prétexte sur lequel on avait le droit, était de sortir. Il y a cet objectif qu’on voit en creux partout, parce que c’est essentiel, c’est la question de la santé. Nous, on s’en sert comme point d’appui pour promouvoir l’éducation physique et sportive, mais en même temps, ça peut nous détruire. Ça peut nous détruire parce que finalement, quand on voit l’actualité, la santé fait que l’on développe l’APQ. Elle se fait au détriment de l’éducation physique et sportive. Est-ce qu’on a besoin de contenu pour faire la PQ ? On dit que la santé est primordiale, c’est-à-dire la pratique physique, mais à force de promouvoir les compétences méthodologiques et sociales, on le fait au détriment de la pratique physique.

Ce que l’on constate aujourd’hui, c’est peut-être une forme de « désportivisation » de l’éducation physique et sportive.

Concernant les liens avec le monde sportif, la première chose que je dirais, c’est pourquoi faire ? C’est l’histoire de l’opposition ou de la confusion ? Il y a une part de volonté de légitimation à l’intérieur du système scolaire. Il n’empêche que nous professeur·es d’EPS, on a tous·tes un passif avec les clubs sportifs.

Puis, il y a des dispositifs partenariaux. Nous, on est prêt à discuter, on est prêt à avancer parce que c’est intéressant, parce qu’on va le voir par la suite. C’est hyper important de travailler ensemble, de créer des dynamiques. Je ne sais plus qui l’a dit tout à l’heure, mais il y a des choses qui se font sur les territoires qui sont dynamiques. Pour l’école et pour le milieu sportif, et je dirais que dans les dispositifs partenariaux, je vais évidemment parler des sections sportives scolaires, mais aussi du sport scolaire obligatoirement. Il y a des liens qui se créent avec les fédérations qui sont essentiels au développement des sections sportives scolaires, comme du sport scolaire. La.le professeur·e d’EPS, est central·e pour tous les dispositifs. Le sport scolaire, c’est finalement le premier lieu de sportivisation de tous·tes, du plus grand nombre en tout cas.

C’est l’EPS qui favorisera et qui multipliera le nombre de pratiquant·es en club. Une section sportive scolaire par établissement serait hyper importante, notamment dans la voie professionnelle, parce qu’on sait que dans la voie professionnelle, ce sont les élèves les plus éloignés de la pratique physique sportive. Et y compris, et notamment chez les filles. Et puis enfin, il y a la question des 4 h, plus on aura d’éducation physique et sportive, plus on arrivera à créer des liens, à créer de la réussite, à créer du plaisir et donc à assurer tous les objectifs.

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