CSA MEN, suite de mesures dangereuses

Par Coralie Benech

Pour le premier comité social de son mandat, Amélie Oudéa-Castera ne se sera pas déplacée. Toutes les organisations syndicales ont dénoncé les propos insultants et méprisants de la ministre envers l’école publique et ses enseignant·es. La FSU est revenue sur toutes les mesures actées qui vont venir accentuer les inégalités entre les élèves et déstructurer le collège ainsi que le lycée pro. Mais le pire est à envisager sur l’ensemble des mesures structurelles, que ce soit sur les carrières ou sur la formation initiale et qui vont être réalisées dans un temps contraint.

Déclaration FSU du CSA MEN du 23 janvier

Nous tenons à commencer ce CSA MEN en exprimant de nouveau notre colère face au mépris de ce gouvernement. Lors du remaniement, nous avons appris avec consternation le regroupement de plusieurs périmètres ministériels, qui étaient jusqu’alors de plein exercice, actant ainsi l’existence d’un ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports, et des jeux olympiques et paralympiques. L’Éducation nationale traverse une crise sans précédent, les jeux olympiques et paralympiques représentent un enjeu considérable et, avec une désinvolture qui confine à la provocation pour les personnels, Emmanuel Macron et Gabriel Attal font comme s’il était possible de piloter les deux « en même temps », selon l’expression consacrée mais largement invalidée. Sans doute parce que l’Éducation nationale sera en fait pilotée entre Matignon (où Gabriel Attal prétend emmener la cause de l’École avec lui) et l’Élysée, lieu d’un nouveau domaine réservé présidentiel. Nous ne sommes pas dupes de la manœuvre et du bien peu de cas qui est fait du service public d’Éducation après 6 mois d’un tourbillon d’annonces, dont la majorité est déconnectée de la réalité du quotidien des personnels, faisant souvent la quasi-unanimité des organisations syndicales contre elles.

En termes de mépris, c’était déjà beaucoup et c’est maintenant trop ! Depuis sa prise de fonctions, Madame la ministre a multiplié les mensonges, les provocations et les propos méprisants envers l’École publique, les personnels et les organisations syndicales.

Oui, Madame La Ministre, à l’École publique, des remplacements ne sont pas effectués mais à qui en revient la faute ? Cela relève de l’unique responsabilité des gouvernements dont le vôtre, qui a repris une campagne de suppressions d’emplois entamée par N. Sarkozy, partiellement stoppée avec F. Hollande. Dans certaines académies ce sont plus de 30 % d’emplois en moyens de remplacements qui ont été supprimés à effectif stable en 2 ans. Et les premiers chiffres de la rentrée 2024 tombent : dans certaines académies, ce sont encore des moyens en remplacement qui sont supprimés. Par ailleurs, dès le premier mandat présidentiel, en 2018, les postes offerts aux différents concours de l’éducation nationale pour l’enseignement public ont été réduits de 21 % dans le second degré et de 8 % dans le 1er degré. Le président de la République ment lorsqu’il annonce, lors de sa conférence de presse que les remplacements se sont améliorés. Tous les indicateurs montrent que la situation se dégrade : le taux de couverture des absences longues est certes de 94 % en 2022, mais il était de plus de 97 % jusqu’en 2017. Quant au remplacement de courte durée via le Pacte, dans le second degré, il est un échec (et n’a pas marché), sauf à considérer qu’un professeur d’histoire géo peut être remplacé par une professeure de chinois. Dans le premier degré, chaque absence doit être immédiatement remplacée. Quand elle ne l’est pas, les élèves accueilli·es sont réparti·es dans les autres classes, dégradant ainsi les apprentissages dans toutes les classes. Le remplacement est de la responsabilité de l’institution, ce n’est pas aux professeur·es en poste d’assumer en plus, dans un quotidien très chargé, les conséquences de l’incurie gouvernementale.

Non, Madame La ministre, les syndicats ne mentent pas quand ils affirment encore aujourd’hui que des postes vont être supprimés dans le 1er comme dans le 2nd degré. L’affichage de votre prédécesseur certes habile avec les éléments de communication, ne trompe personne sur la réalité des faits. Les premières remontées que nous avons des académies confirment bien l’ensemble de nos craintes. L’École publique va encore faire l’objet cette année de restrictions, alors même que les élèves ont besoin de personnels formés et stables face à eux. Il y avait cette année une opportunité dans le premier degré avec la baisse démographique d’abaisser les effectifs de toutes les classes, créer les postes dont les écoles ont besoin pour mieux fonctionner (RASED, remplaçant·es, plus de maîtres que de classes) votre prédécesseur n’en a rien fait. Pire, il reporte sur le budget 2025 le schéma d’emplois complémentaire de 1 058 ETP, ce qui nourrit les inquiétudes sur les conditions de préparation de la rentrée 2025.

Dans le second degré, il n’y a pas de création d’emplois, mais l’affichage de « moyens d’enseignement » destinés à laisser penser à un effort politique pour l’École. Les crédits mobilisés à cet effet n’ont même pas été identifiés. Par quel miracle, la masse salariale, chaque année consommée en totalité, pourrait-elle être réorientée vers les nouveaux besoins ? De nombreuses académies ont des soldes négatifs, et ces suppressions vont venir encore dégrader les conditions de travail des personnels et d’études des élèves.

La FSU demande l’annulation immédiate des suppressions de postes.
Aucune création d’emplois non plus dans les filières hors enseignantes en charge de politiques éducatives indispensables en matière de santé ou d’action sociale en faveur des élèves ou bien pour mieux doter l’administration de l’éducation nationale – malgré des besoins largement recensés par nous et bien d’autres, à de nombreuses reprises.

Le président de la République parle donc beaucoup, en totale déconnexion avec le terrain. Des réformes sont annoncées sans textes réglementaires, à l’image du bricolage en cours sur les DGH. La pensée magique présidentielle est bien connue. Et cela continue avec une annonce sortie du chapeau, en conférence de presse, sur le théâtre obligatoire au collège à la rentrée prochaine : avec quels financements, quel·les enseignant·es, sur quels horaires ? L’objectif serait de déréglementer totalement le cadre national des horaires disciplinaires que vous ne vous y prendriez pas autrement. Nous vous mettons en garde, il ne saurait être question d’amputer les horaires des disciplines obligatoires, notamment celles d’éducation musicale et d’arts plastiques. De même, les confusions AP, EPS, Sport et bouger doivent cesser et les dispositifs APQ et 2 heures de sport au collège ne doivent pas venir empiéter l’EPS discipline obligatoire.

Nous ne doutons pas en revanche de la fréquentation du cours Florent par un certain nombre de membres du gouvernement qui arrivent à mentir sans sourciller, en disant que va être rétabli par exemple l’apprentissage de la marseillaise à l’école… connaissent ils seulement les textes ?

Non, Madame La Ministre, l’école privée n’est ni l’École républicaine, ni l’École de tous et toutes. L’école privée est un système qui entretient l’entre-soi, qui renforce la ségrégation sociale et scolaire comme l’a montré la publication des IPS l’an dernier et qui vient en concurrence avec l’École publique. Le ministre Blanquer l’avait bien compris et avait permis de passer un cap supplémentaire dans le financement de l’école privée à travers la loi pour l’école de la confiance. Le président de la République s’en est fait le fervent défenseur en empêchant tout élan lorsqu’un plan contraignant sur la mixité sociale a commencé à être dessiné par Pap Ndiaye au printemps 2023. L’École Républicaine, l’École de tous et toutes, c’est l’École publique, laïque et gratuite ; elle apprend à vivre ensemble, elle doit donner l’accès à une culture commune, elle permet de faire société, elle n‘effectue, elle, ni tri social ni tri scolaire contrairement à l’école privée. Votre rôle est de défendre cette École.

Madame la Ministre, vous aurez beau communiquer sur l’égalité des chances et sur l’uniforme comme premier effacement des inégalités, vous vous trompez. Et rappelons à toutes fins utiles, que l’uniforme ne fait pas revenir de remplaçant·es : l’expérimentation, et la probable généralisation annoncée pour 2026, est au mieux, à la fois un leurre sur les questions de climat scolaire, mais aussi le signe, encore un, d’un projet d’École passéiste et conservateur. Madame la ministre, comment vous croire quand vous affirmez vouloir le meilleur pour l’École publique ? Chaque année, le gouvernement auquel vous appartenez s’applique à renforcer une forme de ségrégation sociale, qui contribue à la relégation sociale d’un tiers de la jeunesse avec la réforme de la voie professionnelle à laquelle la FSU est opposée et qui porte un projet d’École synonyme de tri social, de resserrement sur les fondamentaux sans ambition pour l’émancipation de la jeunesse. Comment croire à une quelconque ambition pour la jeunesse quand le président n’a que le mot réarmement à la bouche ? Nous réaffirmons ainsi notre opposition au Service National Universel (SNU), un outil de mise au pas.

Une jeunesse bien malmenée à l’image des effets dramatiques de la loi immigration sur les jeunes et leurs familles qui ne sont pas français. Droit du sol, conséquences de l’application de la préférence nationale sur l’octroi des prestations sociales… ce sont bien leurs conditions de vie, de logement, d’études qui vont être dégradées. Nous, personnels de l’Éducation nationale, enseignant·es, CPE, Psy EN, infirmières, assistantes sociales, AED, AESH, personnels administratifs et d’encadrement, voulons les accueillir tous et toutes, chaque jour, sans aucune distinction. Nous avons marché le 14 et le 21 janvier contre cette loi et nous continuerons pour exiger sa non-promulgation.

Madame la Ministre, les urgences pour l’École publique sont connues, vous devez prendre les mesures qui s’imposent.

Rien ne règlera les questions d’attractivité tant que la question des salaires et des conditions de travail ne seront pas réglées. Si la question des carrières doit avancer, c’est pour permettre de reconnaître le travail de tous les personnels et non comme on le perçoit, pour revenir sur la question du mérite. Qu’est-ce que le mérite dans l’Éducation Nationale (EN) comme ailleurs, si ce n’est un levier pour mettre en concurrence les personnels ? Une fois de plus, vous oubliez l’histoire ! Toutes les tentatives de mettre en place le mérite à l’EN ont été rapidement arrêtées. Le mérite comme les mesures indemnitaires liées à une charge de travail supplémentaire viennent toujours accentuer les inégalités salariales entre les hommes et les femmes. À ce titre, le pacte doit d’ailleurs être supprimé. L’Éducation nationale n’a pas besoin d’inégalités supplémentaires. La question du mérite vient toujours détruire les collectifs de travail, pourtant indispensables à la réussite de tous·tes les élèves et au bon fonctionnement du service public d’éducation. La logique du privé n’est pas celle du service public : nous ne cherchons pas à être récompensé·es pour avoir atteint un objectif chiffré à l’image d’un vendeur de produits. Nous avons des élèves et non des client·es. Des élèves à qui nous enseignons pour que tous et toutes, grâce au travail collectif de tous les personnels du service public, puissent prétendre à un avenir meilleur. C’est cette mission qui a été méprisée, disqualifiée et qu’il faut aujourd’hui revaloriser.

Rien ne réglera non plus les questions d’attractivité tant que la question des conditions de travail ne sera pas traitée sur le fond. Arrêt des réformes intempestives, conduites à marche forcée, dénuées de sens pour les professionnels de l’éducation et irrespectueuses des personnels : changement de logiciels, imposition de nouvelles taches, textes publiés à contretemps. Arrêt des suppressions de postes et créations d’emplois afin que l’ensemble des personnels puisse enfin retrouver du sens à leurs métiers. Nombre de mesures prises depuis le début de l’année ont contribué à dégrader les conditions de travail, à commencer par le Pacte (pour lequel nous n’avons toujours pas de bilan) ou le changement sur la formation continue dans le second degré. Il est plus qu’urgent de changer de cap pour l’inclusion des élèves en situation de handicap et les élèves à besoin éducatifs particuliers. Les témoignages qui remontent à travers les fiches RSST montrent que l’inclusion se fait sans moyens, au détriment des élèves et des conditions de travail des personnels enseignants et AESH. L’acte 2 de l’école inclusive, décidé sans concertation avec les personnels, va encore plus dégrader les conditions de scolarisation des élèves.

Vous avez prévu un agenda social, qui, comme nous l’avons déjà exprimé, est irresponsable. Le travail et les changements qui vont s’imposer pour les personnels administratifs dans ce ministère, pour l’ensemble des personnels, sont titanesques et les expériences passées devraient vous alerter. Nous demandons un desserrement de l’ensemble du calendrier et des temps de concertation pour établir des bilans exhaustifs, avoir des études d’impact et où la parole des organisations syndicales représentatives est prise en compte. À ce stade du dialogue social et vu le calendrier prévisionnel, la FSU alerte sur l’infaisabilité et la dangerosité de certaines mesures.

Par votre déconnexion avec la réalité et l’ampleur des difficultés que doit surmonter l’École publique, par vos réponses hors sol et vos mensonges, vous, Emmanuel Macron et Gabriel Attal avez provoqué une immense colère chez les personnels. Mais cela a aussi conduit à l’expression forte de l’attachement de la profession au Service public d’éducation et leur fierté de la faire vivre au quotidien. Nous faisons l’École et plus particulièrement cette École publique qui ne trie pas les élèves, les scolarise tous et toutes, contribue à leur émancipation par les savoirs et à les faire grandir comme citoyennes et citoyens. C’est sa force et son ambition. Et c’est ce que nous montrerons dans la rue et dans la grève dès le 1er février avec d’autres organisations syndicales !

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