Bien vieillir, en retraite, syndiqués au SNEP

bien vieillir

Réflexions à partir de lecture actuelles

L’allongement de la vie devient une réalité de notre temps :

Bon nombre de textes récents s’intéressent à ce moment de la vie que l’on nomme avec cynisme, pudeur, voire moquerie ou dégoût : « les personnes âgées » « les anciens » « le 3ème âge »,  « les séniors », « le grand âge » ou tout simplement « la vieillesse » dont le Général De Gaulle disait qu’elle était « un naufrage ».

Les pouvoirs publics répondent à ce constat par des solutions économiques en contradiction avec l’esprit de solidarité et de progrès humain. Ils s’appuient sur une conception de ce temps de la vie faite de compassion, de culpabilisation, d’assistanat.

Il en est ainsi :

  • Du sort réservé aux plus âgés dans les entreprises à partir de cinquante, cinquante cinq ans.
  • Des lois successives sur la retraite.
  • Des financements controversés comme celui du jour chômé de la pentecôte à la suite de la canicule de 2003, révélatrice…
  • Du report récent de la question de la dépendance, engagée sur une voie contestable.

L’isolement, la fragilité d’un grand nombre pèse sur les familles et l’on voit de scandaleuses exploitations des handicaps liés au manque de soins.

Les réflexions actuelles conduisent les médias à se saisir de ce délicat problème. Le Monde magazine du 25.06.2011 titre : « Vivre 120 ans et même plus ». On y lit qu’Edgar Morin dans « l’Homme et la mort » a parlé de « l’amortalité » en 1951 déjà. Il écrit : « l’accroissement statistique continu de la vie humaine nous apporte un sursis sans cesse reporté qui nous rend amortels »

Depuis des dizaines d’années, les problèmes posés par l’accroissement du temps libre se traduisent par de la confusion autour de nouvelles formes de vie :

  • L’augmentation du chômage produit une oisiveté vécue avec souffrance, culpabilité (dépressions, suicides etc…).
  • La diminution des heures de travail liée aux machines, aux nouvelles technologies, est appréhendée d’une manière sauvage.
  • L’allongement du temps de vie à la retraite fait peur.

La société du loisir mérite autre chose qu’une réponse consumériste. Le monde marchant s’est depuis longtemps emparé de ces sources de profit alors que les responsabilités sociales, familiales, personnelles conduisent à des cas tragiques face à l’isolement, la dépendance locomotrice, la diminution des facultés mentales, mal étudiées, mal soignées.

Aucune étude vraiment sérieuse ne permet de dégager des pistes rigoureusement réfléchies autour des concepts de temps libre, d’activités physiques adaptées, de maintien dans la vie citoyenne, d’entretien mental pour le plus grand nombre.

Déjà en 1980 Joffre Dumazedier écrivait dans le journal « le Monde » : « Plus le temps de vivre augmente, plus le mal de vivre semble se répandre et ce, quels que soient les régimes économiques et politiques, telle est notre hypothèse centrale… l’influence manifeste ou cachée de la production du loisir sur les autres temps sociaux n’a jamais suscité beaucoup d’intérêt »

Cette absence de réflexions sereines référencées, a abouti à produire des questions mal posées, des réformes dans l’urgence, une dégradation des rapports familiaux, et ce qui est le plus dangereux une destruction des valeurs de civilisation en occident. Cela répand une image dégradée et inhumaine d’une période de la vie considérée naguère comme celle de l’expérience et de la sagesse.

« Seul le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand (V. Hugo Booz endormi)

Notre société est très mal préparée à cette situation

Au niveau économique « il faut rester jeune » pour plaire aux employeurs et se soumettre à de maigres pensions.

On connait mal les phénomènes du vieillissement, et les raisons de handicaps physiques et mentaux. Ils sont très mal étudiés. La personnalité, l’entourage, le parcours individuel entrent en ligne de compte.

Sur le plan de la santé les tendances au « tout médical » peuvent être catastrophiques :

  • La canicule de 2003 reste dans les esprits en révélant le sort tragique de gens isolés ou… abandonnées !!
  • Le Docteur Olivier Henry, chef de service de l’hôpital Emile Roux à LimeilBrévannes milite pour « une mobilisation nationale autour du vieillissement et une revalorisation des « vieux » » . Il insiste sur la nécessité de se prémunir contre l’accident qui va déclencher des pathologies invalidantes.
  • L’air du temps, les représentations liées à des tristes modèles producteurs d’angoisse par rapport à la grande vieillesse. Il s’ensuit :
    • une surconsommation de médicaments,
    • un recours trop fréquent aux médecins,
    • une méconnaissance profonde des conséquences négatives du surpoids, de la sédentarité, de l’isolement, de l’oisiveté,
    • le temps libre long est soumis aux conditionnements culturels qui rendent les sujets passifs : télévision en permanence, sans choix, sorties complètement organisées sans échanges ni réflexions, relations très compassionnelles, dégradantes, rassemblements ponctuels (repas des vieux) sans suite, sans prolongements. Intérêts angoissés autour de la nourriture, du sommeil, du climat, de l’insécurité (on ne sort plus que pour le super marché).

« Dans la culture d’aujourd’hui, le temps libre est un temps captif occupé par le divertissement

Raphaële Simoné dans « le Monstre doux »

Il existe une autre façon de penser le temps libre, la retraite, le grand-âge :

Tout le monde a pu repérer un grand nombre de gens âgés, retraités dans les cortèges de manifestants contre les nouvelles lois sur la retraite. Ils se sentaient concernés par « un avenir qui n’est pas fait pour eux » (La Fontaine : le vieillard et les trois jeunes hommes).

Les « séjours retraites » du S.N.E.P. connaissent un succès inespéré. Ils se multiplient, se renouvellent et constituent une source de réflexion très riche.

Interrogés par la revue « pluriel » de la FSU en Juin 2011 quatre femmes retraitées, syndiquées s’expriment sur leurs motivations :

  • « C’est se préserver de l’isolement, d’une désocialisation »
  • « C’est échanger, rencontrer, c’est lutter contre les régressions »
  • « C’est rester en contact avec les actifs pour les aider et agir ensemble » ü « Les actifs sont souvent pris par les problèmes ponctuels du quotidien. Ils n’ont pas le temps suffisant pour aborder des problèmes plus vastes. Les retraités syndiqués ont cette possibilité ».

Un certain nombre de réflexions sérieuses et de faits récents montrent la lucidité et le rôle social de gens très âgés. Lucien Sève cite : Tolstoï, Verdi, Levy Brülh : « la lecture de ses carnets disqualifie la prétendue fatalité du racornissement intellectuel et de l’entêtement sénile » .

Les cas d’Edgar Morin (83 ans), de Stephan Hessel (93 ans) qui publient encore, et avec quel succès, sont des exemples qui pourraient ne pas être exceptionnels.

Des pistes de réflexions encouragent à trouver dans le syndicat un bon moyen de conserver encore longtemps, toutes ses facultés activement en Société :

Pour Lucien Sève, il faut mieux comprendre le vieillissement : «  la personnalité socio biographique représente tout autre chose que le simple doublet de l’individualité biopsychique. La personnalité est une construction tardive où les logiques sociales réfractées par une biographie singulière jouent un rôle déterminant. Un vieillissement des fonctions physiques, s’il n’est pas lourdement invalidant (impotence, amnésie, dépendance) n’affecte que très indirectement la dynamique personnelle » .

Des conditions sont nécessaires :

« Il ne suffit pas de s’entretenir et de se soigner, il faut aussi s’occuper, participer à la vie de la Cité… ! Nous devons nous préparer dès 55 ans à bien vieillir »

Docteur Olivier Henry

Pour Lucien Sève :

« En étudiant la biographie de celles et ceux qui étonnent par leur longévité que trouve-t on à tout coup :

  • Une formation initiale de haut niveau…
  • Un renouvellement jamais longuement interrompu des motivations, capacités et activités, point capital.
  • Une progressive conquête d’autonomie par rapport au monde comme à soi-même.
  • Tout ce qui fait une personnalité trouve sa source dans les rapports sociaux que chacun s’approprie à sa façon au cours de sa vie.
  • Passer d’un temps libre petitement compensatoire à une vie hors travail richement formatrice » .

Le cas particulier du S.N.E.P :

Dans l’Education Nationale, les luttes ont toujours eu un caractère socialisant. Les grèves, les manifestations, les négociations ont eu pour conséquence une réflexion sur la société :

  • Défense du service public d’Education.
  • Obtenir des moyens pour l’accès de tous aux savoir-faire, aux savoirs. ü Participer activement à la création d’équipements collectifs.

Le S.N.E.P. s’est toujours largement appuyé sur la « créativité pédagogique » des enseignants en interaction avec les élèves de tous milieux pour participer à l’élaboration de contenus favorables à l’épanouissement  des citoyens. Cela a produit des capacités qui vont au-delà de l’exercice de la profession.

Les générations aujourd’hui à la retraite ont ainsi contribué à la construction de connaissances utiles dans le contexte actuel. La participation de retraités nombreux combatifs et compétents aux Epsiliades de 2011 en est l’illustration reconnue. Ce travail n’est pas achevé, loin de là. Il est même sourdement et de plus en plus menacé !!!

« L’E.P.S. doit sélectionner soigneusement ce qui doit être acquis par tous » .

journal l’Humanité (2011) Alain Becker et Serge Chabrol

Ainsi, la bataille des idées et les luttes sociales concernent tous les âges. C’est pourquoi la syndicalisation à la retraite est un bon moyen de s’informer, de débattre, de participer à la vie de la société en fonction de compétences acquises dans la vie professionnelle.

Laissons Lucien Sève conclure :

« Les progrès de la biomédecine induisent une révolution démographique avec l’allongement de la vie, laquelle sous peine d’un vaste « mal vieillir » impose, de façon pacifique mais combative, une vraie révolution socio biographique » .

C’est aussi le rôle des actifs du S.N.E.P. de conserver un contact étroit et interactif avec ceux qui souhaitent « bien vieillir » avec lui.

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